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Les caractères de V habitua se retrouvent dans le vice : disposition permanente, difficile à enlever et dont la volonté use à son gré.

Bien qu’on emploie, surtout en ce qui concerne les péchés capitaux l’expression « vices capitaux », il ne faut pas cependant identifier péché » et « vice ». Le péché est l’acte moralement mauvais qui s’oppose à l’acte vertueux ; mais c’est la disposition permanente nous orientant vers le mal qui, seule, s’oppose à Vhabitus de la vertu et qui seule, par conséquent, mérite le nom de vice. Reprenant une comparaison de Cicéron, Tusculanes, t. IV, c. xiii, saint Thomas explique que, dans l’ordre moral, le vice est quelque chose de plus que la maladie ou l’incapacité dans l’ordre physique du corps. Le corps, malade intérieurement, peut encore continuer ses occupations accoutumées ; l’âme, perdant de propos délibéré sa constance intérieure, devient incapable de faire habituellement de bonnes actions et habituellement est orientée vers le mal. S. Thomas, loc. cit., a. 1, ad 3um.

2. Opposée à l’habitus vertueux.

S’opposant directement à la vertu, le vice ne peut, dans le même individu, coexister avec la vertu à laquelle il est contraire. Cette opposition radicale, dans l’ordre naturel, ne s’établit que progressivement. Habitus acquis, le vice n’existe comme tel qu’à la suite d’actes peccamineux volontairement répétés. La théologie morale cherche à préciser le nombre d’actes nécessaires pour créer « la mauvaise habitude ». Voir Habitudes mauvaises, t. vi, col. 2016. Certains actes peccamineux, même répétés, s’ils sont commis sous l’empire de la crainte, ne créent pas l’habitude mauvaise et ne rendent pas vicieux. Voir ibid., col. 2018. En toute hypothèse, même si un homme se trouve porté à pécher par les défauts naturels de son tempérament, aliqua œgriludinalis habitudo ex parte corporis, dit saint Thomas, I a -II*, q. lxxviii, a. 3 (tout comme la vertu peut se superposer à d’heureuses dispositions naturelles), le péché n’existe vraiment et le vice ne commence à s’introduire que dès l’instant où la volonté « en vient à se porter elle-même au mal ». Voir Péché, t. xii, col. 198. Dès le début, la vertu acquise peut donc encore subsister nonobstant la répétition des actes peccamineux qui entraîneront sa disparition ; ce n’est qu’une fois l’habitude mauvaise pleinement contractée et quand il ne reste aucune inclination vertueuse, que la vertu disparaîtra. Cf. q. lxxiii, a. 1, ad 2 ura. Toutefois, une remarque s’impose encore : « L’usage d’un habitus n’est pas fatal… aussi… peut-il arriver que celui qui a une habitude vicieuse accomplisse encore un acte de vertu par cela même que la mauvaise habitude ne corrompt pas totalement la raison… ». Ibid., q. lxxviii, a. 2.

Dans l’ordre surnaturel, c’est le premier acte gravement coupable qui détruit la vertu de charité et les vertus morales infuses. On sait que la foi et l’espérance peuvent subsister à l’état (Vhabitus informes. Voir Vertu, col. 2794 et 2795.

3. Contre la vraie nature.

Il faut comprendre en quel sens saint Thomas et les moralistes déclarent que le vice est « contre la nature ». Ibid., q. lxxi, a. 2. L’expression est provoquée par la définition cicéronienne de la vertu : « habitude de se conformer à la raison comme naturellement ».

La vraie nature de l’homme correspond aux exigences de la raison et, pour le chrétien, de la raison éclairée par la foi. Or, il y a dans l’homme comme une double nature : celle qui correspond à la partie raisonnable et celle qui correspond à la partie sensible. Les inclinations de la sensibilité sont souvent en conflit avec les exigences de la raison ; vices et péchés proviennent

de ce qu’on suit le penchant de la sensibilité contre l’ordre de la raison. C’est en ce sens qu’ils sont contre la nature, c’est-à-dire contre les exigences rationnelles d’une nature humaine considérée dans son perfectionnement normal. Cf. q. lxxi, a. 2, ad 3° m.

Misère singulière % dit Cajétan dans son commentaire, et qui trahit notre propre grandeur. Il y a en nous une double nature, l’une sensible, l’autre spirituelle, et nous ne saurions parvenir à la vie de l’esprit qu’en passant par la vie des sens. Voilà pourquoi il y a toujours plus de monde à suivre les penchants de la nature sensible qu’il n’y en a pour se conformer à l’ordre spirituel… Les choses sensibles sont chez nous 1° plus en usage et depuis plus longtemps ; 2° plus en évidence ; 3° plus absorbantes, soit en raison des faciles plaisirs qu’elles offrent, soit en raison des ennuis qu’elles peuvent susciter à chaque instant. Tandis que les réalités spirituelles se font chercher davantage et, plus tard, dans la vie, sont moins évidentes et moins immédiatement émouvantes. » H. Bernard, Le péché, t. i, note 5, p. 287.

Distinction des vices.

1. Pas de connexion entre

vices. — La question a déjà été abordée à Péché, col. 165-167, et la parole de saint Jacques, ii, 10, expliquée. On ne rappellera ici que l’essentiel. Toutes les vertus sont connexes et saint Thomas, abstraction faite de leur connexion dans la charité, en a donné une raison qui vaut pour l’ordre naturel : « Quiconque agit par vertu a l’intention formelle de suivre la règle de la raison et par là imprime à toutes les vertus une même tendance : elles se trouvent ainsi toutes en connexion les unes avec les autres dans la prudence, laquelle n’est, comme on l’a dit, q. lxv, a. 1, que l’application de la droite raison en matière d’action. » Dans les vices, il n’en est pas de même. L’intention du pécheur n’est pas précisément de s’écarter de ce qui est raisonnable ; elle recherche un bien — apparent et non réel — et c’est ce bien qui la spécifie. Or, les biens apparents sont divers et sans connexion entre eux, au point parfois d’être en opposition les uns avec les autres. Les vices qu’ils spécifient n’ont donc entre eux aucune connexion. Aussi, à l’inverse des vertus qui, en raison du lien qui les unit, font passer l’homme de la multiplicité des actes à l’unité de la perfection, les vices dispersent l’activité humaine de l’unité dans le sens de la multiplicité. Q. lxxiii, a. 1.

Il faut admettre cependant, l’expérience est là qui le démontre, un certain enchaînement des péchés. C’est même sur cette constatation d’expérience qu’est fondée la doctrine des péchés capitaux. Voir Péché, col. 167.

2. Pas d’égalité entre vices.

La question de l’inégalité des péchés a été longuement traitée à Péché. col. 167-177. L’inégalité des vices n’est qu’une application de la doctrine exposée en cet article. Rappelons ici l’essentiel. Toutes les vertus croissent parallèlement d’une égalité proportionnelle, voir Vertu, col. 2770. Il n’en est pas de même des vices : c’est d’ailleurs la conséquence logique de leur manque de connexion essentielle. Sans doute, tout péché, toute habitude vicieuse, comporte une privation de rectitude morale. Mais dans cette privation il y a des degrés. Une telle privation, dit saint Thomas, retient encore quelque chose de ce qu’elle exclut et, par ce qui reste de la disposition qu’elle détruit, elle est susceptible de plus ou de moins. Si le vice fait perdre le bon équilibre de la raison, il n’abolit pas entièrement toute raison. Donc le vice contient du plus ou du moins selon sa force de propension au mal. Q. lxxiii, a. 2 et ad 3um. Et il est très possible qu’un homme retienne même certaines vertus naturelles et possède simultanément des vices quant à des objets qui ne sont pas contraires aux biens des vertus. Cf. q. lxxi, a. 4. Aussi a-t-on spécifié plus haut que « le