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VIATIQUE. APERÇU HISTORIQUE


munionis viaticum, viaticum eucharisties. Cf. Gratien, Décret, II », eaus. XXVI, q. vi, c. et 8. C’était l’ultime et indispensable remède au moment de la mort : Ut si forte quis recédât ex corpore, necessario non defraudetur viatico. Can. 13 de Nicée (325). Cf. Hefele-Leclercq, Hist. des conciles, t. i a, p. 593. Même remarque au concile d’Orange (441), can. 3, ibid., p. 436. Cf. aussi Décret, II », caus. XXVI, q. vi, c. 7 et 9. L’appellation de viatique fut bientôt si exclusivement réservée à l’eucharistie, qu’on l’enlendit parfois de toute communion, même en dehors du péril de mort. Un concile de Bourges (1286) rappelle que « tous les fidèles doivent recevoir le viatique à Pâques ». Mais ce n’est pas là usage constant. Habituellement, et aujourd’hui encore, le viatique c’est la communion eucharistique donnée aux fidèles en danger de perdre la vie et sans obligation de jeûne.

Il n’y a pas à s’arrêter à l’idée, émise par quelques auteurs, de chercher l’origine de l’appellation dans l’habitude qu’avaient les premiers chrétiens de porter l’eucharistie suspendue à leur cou, quand ils partaient en voyage.

Saint Thomas donnait de ce terme une explication un peu différente, mais toujours en rapport avec l’eucharistie, suprême aliment de ceux qui vont quitter ce monde : In quantum scilicel hoc sacrumentum est prœ/igurativum fruitionis Dei, quæ erit in patria, secundum hoc dicitur viaticum, quia hic præbet nobis veniam illuc perveniendi. III », q. lxxiv, a. 4.

II. Aperçu historique.

1° Le viatique en dehors de la messe. — L’habitude des premiers chrétiens était de communier chaque fois qu’ils assistaient au saint sacrifice. Dès l’origne se posa la question de la communion des voyageurs, des prisonniers, des absents en général et surtout celle des malades, des mourants ou des confesseurs exposés à la mort. On y pourvut en réservant pour eux des espèces consacrées, et en les leur faisant porter en dehors du sacrifice. La chose nous est déjà attestée par saint Justin. I Apol., lxvii, P. G., t. vi, col. 427. Tertullien nous apprend aussi que les chrétiens emportaient des parcelles de l’eucharistie, pour se communier chez eux en dehors des jours de réunion. De oralione, c. xix, P. L., t. i, col. 1181 ; cf. Ad uxor., c. v, ibid., t. i, col. 1295. Nul doute que les malades et les mourants n’aient bénéficié de la communion à domicile. Recevaient-ils cette communion sous les deux espèces ? Le texte de saint Justin le laisserait supposer. Il semble toutefois que parfois on se soit limité au pain consacré, plus facile à transporter. Eusèbe nous apprend que Denys d’Alexandrie envoya un jeune garçon porter une parcelle eucharistique à un Vieillard du nom de Sérapion, lui enjoignant de la tremper dans de l’eau avant de la déposer dans la bouche du vieillard. Le terme employé par les Pères grecs, [xepîSa, ne saurait guère s’appliquer qu’à des fragments solides. Cf. Corblet, Hist. du sacr. de l’euch., Paris, 1885, t. i, p. 604. Pourtant, au ive siècle, saint Zosime apporte à Marie l’Égyptienne une parcelle d’hostie et une part du vin consacré le jeudi saint. Cf. Acta sanct., avril, t. i, p. 66. Il n’y eut sans doute pas de règle générale. Voir Communion (sous les deux espèces), t. iii, col. 554 sq. Il y a lieu d’ailleurs de corriger les affirmations trop absolues de cet article par les précisions apportées par M. Andrieu dans son livre cité ci-dessous. À partir du xiie siècle, l’usage prévalut de n’emporter l’eucharistie que sous l’espèce du pain, sauf chez les syriens, où la pratique contraire survécut, au moins à l’état sporadique, jusqu’à la fin du Moyen Age. Mais, au milieu du xviie siècle, syriens, coptes, maronites et nestoriens n’administraient plus le viatique que sous l’es pèce du pain. Cf. T.-J. Lamy, Dissertatio de Syrorum fide et disciplina in re eucharislica, Louvain, 1859, p. 181. Non moins tenace fut l’habitude de Vintinction (appelée aussi immixtion ou commixtion), consistant à tremper le pain eucharistique dans le vin consacré. Cf. M. Andrieu, Immixlio et consecratio, Paris, 1925.

La coutume, en dépit de prohibitions réitérées, ne disparut qu’avec l’abolition complète de la communion sous les deux espèces. Il arriva, aux époques postérieures, que, pour faciliter la communion du malade, on continuât à tremper l’hostie dans du vin non consacré. Cette pratique fut interdite par le Rituel de Reims de 1677 : « Lorsque le curé donnera la sainte eucharistie aux malades, il ne la trempera pas dans du vin ou autre liqueur, sous quelque prétexte que ce soit ; mais, après avoir communié le malade, il lui donnera un peu de vin et d’eau, afin qu’il puisse avaler plus facilement les espèces. »

Les sujets.

Il n’était pas rare que les premiers

chrétiens conservassent l’eucharistie chez eux. Tout naturellement, ils devaient en user en cas de maladie et aux approches de la mort. La question de rupture du jeûne n’était pas un obstacle, en un temps où, même pour les fidèles en bonne santé, cette pratique n’était pas encore strictement obligatoire.

Pour les mourants, le viatique dut être reconnu de bonne heure comme obligatoire. Le 13e canon de Nicée (325) en parle comme d’une « loi ancienne et canonique ». Cette obligation, rappelée par le IVe concile de.Cartilage (398), can. 76, fut de nouveau promulguée au concile d’Orange, can. 3, « selon la définition des Pères » (de Nicée). Cf. Hefele-Leclercq, Hist. des conc, t. n a, p. 436. Est-ce par suite d’une interprétation trop stricte de ces prescriptions ou par suite d’une croyance erronée à la nécessité absolue de l’eucharistie pour le salut, cf. Joa., vi, 54, que l’on en vint, en Orient comme en Occident, à communier parfois des morts ? Quelques auteurs ont pensé que l’on agissait de la sorte à l’égard des pénitents que la mort avait frappés subitement, afin de montrer par là que l’Église les réintégrait dans sa communion ; d’autres ont supposé que l’eucharistie était administrée aux morts afin de préserver leur cadavre des vexations du démon. Cf. Corblet, Hist. du sacrement de l’eucharistie, t. i, p. 339. Dans ce même but, on déposait des parcelles d’hosties consacrées ou même des vases contenant le précieux sang dans les tombeaux. Cf. Cabrol-Leclercq, art. Ampoules, dans Dict. d’archéol. et de liturgie, t. i, col. 1757-1759. Chacune de ces explications a pu être vraie pour telle ou telle contrée ; mais la pratique ne saurait être mise en doute puisqu’elle fut condamnée par plusieurs conciles. Citons le canon 4 du IIIe concile de Carthage (398) : Ut corporibus defunclorum eucharistia non detur… ; défense renouvelée par un autre concile de Carthage en 525. Cf. Mansi, Conc, t. iii, col. 919 ; t. viii, col. 643. Même prohibition de la part d’un concile d’Auxerre (entre 573 et 603) ; cf. Hinschius, System des kathol. Kirchenrechls, t. iv, p. 384 sq. ; et enfin de la part du concile in Trullo (692) ; cf. Pitra, Juris eccl. græcorum hist. et mon., t. ii, p. 63.

En Italie, et à Rome même, si on ne communiait pas les morts, on avait la dévotion de recevoir le viatique à l’instant même qui précédait le trépas, ut cum animæ egrediuntur. communio Domini in ore sit. C’est du moins ce qui nous est rapporté au sujet de sainte Mélanie, laquelle, sentant sa fin prochaine, communia trois fois dans la même journée, la dernière fois peu d’instants avant d’expirer. Rampolla y Tindaro, Santa Melania giuniore, Roma, 1905, p. 252-254. La même faveur fut procurée à saint Ambroise, au témoignage de Paulin, son secrétaire :