Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/644

Cette page n’a pas encore été corrigée

2817 VEUILLOT (LOUIS). LES DÉBUTS DE LA IIIe RÉPUBLIQUE 2818

multiplièrent les adversaires de la définition, on sait comment celle-ci fut adoptée, avec une unanimité qu’on eût voulu plus entière, dans la congrégation générale du 13 juillet et finalement proclamée par le pape à la session solennelle du 18. On pense si Louis Yeuillot était heureux et ému en assistant à cette séance. Mais devant le résultat acquis, résultat auquel il avait bien quelque peu contribué, ses rancunes contre les évêques de l’opposition n’avaient pas désarmé. On en jugera par la lettre qu’il écrivait à son frère à la sortie même du concile. Texte dans F. Yeuillot, op. cit., t. iv, p. 174-175. Jamais au cours de ses dernières années il ne pardonnera à Mgr Dupanloup, contre qui il avait déjà tant de griefs, de s’être fait l’un des chefs de la résistance. Jamais il n’a voulu reconnaître que l’évêque d’Orléans avait pu trouver dans sa conscience des motifs d’agir comme il le fit. Même la soumission prompte du prélat — prompte autant que les circonstances politiques et militaires l’avaient permis — ne le désarma pas. C’est à peine encore si le martyre de Mgr Darboy put faire pardonner à l’archevêque par le journaliste l’opposition que, jusqu’à la dernière heure du concile, avait menée, d’une manière moins voyante, le titulaire de Paris. À lire Yeuillot, il semblerait que le rédacteur de V Univers avait fait de la définition de l’infaillibilité une affaire personnelle. C’est ce qui, aux yeux de l’historien impartial et du théologien renseigné, compromet quelque peu une action dont le résultat immédiat n’a pas laissé d’être heureux.

5° Veuillot ci les affaires politico-reliqieuses au début de la Troisième République (1870-1883). — Rentré à Paris au lendemain même de la proclamation du dogme de l’infaillibilité, Yeuillot retrouvait la capitale toute bouleversée par les événements qui s’étaient précipités au cours de juillet. La « candidature Hohenzollern » venait de déchaîner la guerre entre la France et la Prusse. Le 19 juillet était arrivé à Berlin le courrier français chargé du message qui consommait la rupture. Très vite après, c’était l’entrée en campagne, les premières défaites des armées impériales, la révolution du 4 septembre et bientôt l’investissement de Paris.

Devant cette dernière menace on prit à l’Univers la résolution de maintenir le journal à Paris, mais de faire paraître en même temps une édition de province : après diverses tentatives, celle-ci fui publiée à Nantes, puis à Bordeaux. Louis Yeuillot lui-même demeura à Paris. Il s’agissait de maintenir à la hauteur des circonstances le patriotisme et le sens chrétien des catholiques. Il n’y manqua pas. Que de sujets d’inquiétude ! Les détresses de la patrie, les menaces à peine déguisées dont la religion était l’oblt de la part des nouveaux pouvoirs publics, les fâcheuses nouvelles qui arrivaient de Rome (dès le 29 septembre, on apprenait à Paris l’entrée des Italiens dans la Ville éternelle.) Aidant de questions qui mettaient sa plume en mouvement. Puis ce fut la capitulation de Paris, l’armistice, les élections du 8 février à l’Assemblée nationale : Yeuillot, pendant une quinzaine, quitta Paris pour Bordeaux, capitale éphémère de la France, où se publiait l’édition de province de Wnivers, Dès le début de mars, il était de retour et désormais il n’y aura plus qu’une édition du journal. Bientôt après éclatait l’insurreclion de la Commune. Réfugié à Versailles, il y lit paraître, -i partir du II avril, une petite feuille, taudis qui’, de Versailles, il continuait a diriger l’orientation de VUniven qui continua à paraître dans la capitale jusqu’au 13 mai 1871, date ou lr tournai fut supprimé par un décret de la Commune. Enfin, après la semaine sanglante. dont Ycuillol n’approuva pas toutes les rigueurs, le gouvernemenl

était maître dans Paris. Les temps héroïques de Y Univers étaient passés, Veuillot put reprendre dans son journal son activité régulière.

La grosse question qui se posait alors, autant politique que religieuse, était celle de la constitution qu’il convenait de donner à la France. Élue, somme toute, pour restaurer la monarchie, l’Assemblée nationale allait bien vite donner la preuve de ses tergiversations, de ses divisions, finalement de son incapacité. Sur le trône que l’on entendait restaurer, qui ferait-on asseoir ? Le légitime descendant de Charles X, le comte de Chambord, ou le comte de Paris, représentant de cette monarchie orléaniste qui, en juillet, s’était substituée par la révolution à la monarchie légitime ?

Le choix de Yeuillot lui était dicté par ses attitudes précédentes, en matière de politique intérieure. Sous la monarchie de juillet, il avait accepté celle-ci — il avait même travaillé pour elle dans ses premiers postes — mais sans enthousiasme. Converti à la pratique régulière de la religion, il n’avait plus désormais jugé des régimes politiques qu’en fonction des intérêts du christianisme. L’Univers avait toujours été simplement catholique avant tout. En 1871, il devait donc choisir le régime qui lui paraîtrait le plus propre à sauvegarder les droits de l’Église. Or, le comte de Chambord était < si complètement l’homme du parti catholique qu’il fallait le soutenir et l’admirer sous peine de forfaire au programme ». François Yeuillot, op. cit., t. iv, p. 259-260. Ce n’est pas à dire que les vues théoriques de Yeuillot coïncidassent de tous points avec celles du prétendant. Celui-ci — et sa conduite ultérieure devait bien le montrer — était tout imbu de la vieille doctrine, chère jadis aux légistes gallicans, du droit divin des rois. C’était la Providence qui avait mis de temps immémorial dans sa famille le droit et le devoir de gouverner la France. La nation n’avait à son endroit qu’une seule obligation, celle de reconnaître et d’acclamer son droit héréditaire. Or, dans un curieux projet de constitution, qu’il publia sous le titre La République de tout le monde (cf. Mélanqes, III sér., t. v, p. 500 sq.), où bien des utopies se mêlaient à de fort justes remarques, Yeuillot faisait du roi « le fondé de pouvoir et le représentant du peuple ». Et ceci, bon gré, mal gré, impliquait de la part de la nation un certain droit de faire accepter à la volonté royale au moins ses desiderata, sinon ses exigences. Le publiciste aussi bien ne s’aperçut guère de ce qui le Séparait du prince. Avec beaucoup de zèle, de zèle parfois un peu amer, il ne cessait d’exhorter l’Assemblée à faire, ou plutôt à appeler le roi. Avec sa phobie coutumière des libéraux catholiques, il voyait en ceux-ci le grand obstacle au rétablissement de la monarchie légitime.

C’est bruyamment que Veuillot applaudit aux divers manifestes dans lesquels le prétendant exposa à la nation le fond de sa pensée et qui devaient beaucoup plus que tous les < complots » des libéraux, enlever à l’exilé de Frohsdorf toute chance de se faire admettre par la France : manifeste du 8 mai 1871, dont, .ni dire de son neveu François. Louis Yeuillot aurait été le principal auteur, ibid.. p. 273 275 : manifeste i du drapeau blanc », du 5 juillet suivant. C’est avec son dédain habituel des nuances que Veuillot attaqua tous les monarchistes, y compris quelques légitimistes, qui regrettaient les mots compromettantl du prince. Voir par exemple Mélanqes, IIP série, t. v, p. 682. Ceux qui, aujourd’hui encore, s’étonnent de l’échec de la restauration monarchique mil ils |amaiS songé aux répercussions que purent avoir de semblables attitudes ? Les maladresses des amis du prétendant ont peut être contribué plus que