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VERTU. CONNEXION DES VERTUS


de foi. Elle peut être conservée dans l'àme sans la grâce, quoique à l'état informe. Le paragraphe suivant le fera mieux comprendre.

Fondement de la connexion des vertus.

Quatre

opinions ont eu cours à ce sujet. Voir Ripalda, op. cit., disp. ÇXXVIII, n. 25 sq.

1. Exposé.

a) Il y aurait entre la grâce, la charité et les vertus morales infuses une telle connexion, par la nature même des choses, que de la puissance absolue de Dieu, ces vertus ne pourraient être conservées, la grâce une fois perdue. — bj Aucune vertu, pas même la charité, ne dépend, par la nature même des choses, de la grâce : c’est simplement une loi extrinsèque de Dieu qui établit leur connexion. — c) Par la nature même des choses, la charité et les vertus morales infuses dépendent de la grâce, mais il n’y a pas de connexion essentielle de la foi et de l’espérance avec la grâce sanctifiante, en sorte qu’il ne faut pas rapporter à un privilège divin le fait de leur conservation dans l'âme pécheresse. — d) Toutes les vertus infuses, sans en excepter la foi et l’espérance sont, par la naiure même des choses, dépendantes de la grâce ; si la foi et l’espérance sont conservées sans la grâce et la charité, c’est uniquement parce que Dieu l’a établi ainsi par une loi extrinsèque.

2. Discussion.

La controverse se situe pratiquement entre les deux dernières opinions. Comment discuter de ce qui est ou non possible de potentia absoluto Dci ? En second lieu, on ne saurait affirmer que la charité, tout au moins, soit sans connexion intrinsèque avec la grâce sanctifiante. Certains auteurs ne sont-ils pas allés jusqu'à affirmer leur identité? Ce qu’on doit dire, c’est que la charité est le complément nécessaire de la grâce : « La grâce nous unit à Dieu en nous assimilant à lui ; pour réaliser cette union, il faut les opérations de l’intelligence et de la volonté par la charité. » S. Thomas, De caritate, a. 2, ad 7° m. Cf. Terrien, op. cit.. t. IV, c. v, p. 252-207.

La quatrième opinion a été défendue de nos jours par Mazzella, n. 196-201, 205-210, à la suite de Ripalda. Le principal argument est que la grâce est comparable à la nature et les vertus infuses aux propriétés s’originanl à la nature. Subsidiairement, on argue de la connexion dans l’infusion et l’accroissement pour conclure à la connexion dans la disparilion, sauf une loi spéciale de Dieu. Les adversaires font remarquer que la comparaison de la nature et des propriétés ne s’impose pas ici sous tous rapports : Les vertus, disait déjà saint Bonaventure, ne sont pas les vertus de la grâce, par lesquelles agirait la grâce, comme l'âme agit par ses puissances. » In III""' Sent., a. 1, q. v. Les vertus découlent de la grâce en ce sens que la présence de la grâce dans l'âme y crée une exigence des vertus ; mais ces vertus ne sont pas inhérentes à la grâce ; elles ont pour sujet les puissances de l'àme qu’elles perfectionnent.

I.a troisième opinion est. dans sa substance, défendue par Billot, "/-. « 7., th. v, § 3, p. 154 sq. Ln double argument l’appuie : I" La foi et l’espérance considé n’es dans leur es nce ne dépendent pas des autres vertus ; l’expérience quotidienne suffit à le montrer. 2° Elles n’ont pas les autres vertus connue des conséquences nécessaires, (.'est le propre fie la charité seule d’ordonner l’exercice des autres vertus par rapport à la fin dernière comme telle. Cf. II » -H", q. xr. a. 12. Lien que l’acte de foi et l’acte d’espérance soient présupposés à fade de charité, ils n’ont qu’un rapport indirect avec l’exercice même de cette

vertu : La foi ne modère pas le mouvement d’amour qui nous porte vers Dieu… ; elle se borne à montrer l’objet. I II", q. l.xvt, a. < ;.

/ galilé et rulrur respective dis vertus. La

connexion des vertus dans leur infusion et leur accroissement pose la question de leur égalité (q. i.xvi). Cette égalité toute de proportion dans le même sujet, laisse subsister l’inégalité dans leur exercice et respecte la hiérarchie de leurs valeurs respectives.

1. Égalité proportionnelle des vertus.

L'égalité des vertus considérées dans leur essence est, en chaque juste, une conséquence de leur connexion avec la grâce et la charité. Au moment de leur infusion, les vertus sont données au sujet en proportion de la grâce et de la charité ; et, à mesure que s’accroît la grâce, s’accroissent les vertus. « Selon la participation qu’en reçoit ainsi chaque sujet, les vertus d’un même homme sont égales d’une certaine égalité de proportion, en tant qu’elles croissent chez lui d’une manière égale, comme les doigts de la main qui sont inégaux en grandeur, mais égaux en proportion, puisque leur croissance se fait d’une manière proportionnée. « A. 2. Cette égalité de proportion laisse donc intacte la hiérarchie des vertus et leur valeur respective. On se souviendra toutefois de l’exception qui peut se présenter relativement à la foi et à la charité.

2. Inégalité dans V 'exercice des vertus. — C’est un fait que les saints ont excellé, les uns dans une vertu, les autres dans une autre. Cette constatation de fait n’infirme en rien la doctrine précédente. Saint Thomas l’explique dans l’ad 2° m. Cette excellence répond à la facilité avec laquelle, soit en raison du tempérament, soit par la répétition des actes, soit avec le secours des grâces actuelles, chaque saint a pu exceller dans l’exercice d’une vertu spéciale. Mais on sait qu’aucune de ces trois raisons, indiquées par le Docteur angélique au corps de l’article, n’influe directement et efficacement sur l’accroissement des vertus. Voir col. 2771. Aussi, chacun dans son genre, les saints peuvent mériter l'éloge commun que leur décerne la liturgie : Non est inventas similis illi, gui conservaret legem Excelsi (Vêpres d’un confesseur pontife, 2e antienne).

3. Valeur respective et hiérarchie des vertus. - a) Vertus théologales. — Ces vertus, en raison même de leur objet, l’emportent sur les autres vertus. Mais la charité est la plus grande. La foi et l’espérance nous maintiennent plu s loin de Dieu que la charité

la foi porte sur ce quon ne voit pas ; l’espérance, sur ce qu’on ne possède pas. tandis quc l’amour de charité a pour objet ce qu’on possède déjà en quelque façon : l’objet aimé est. à sa manière, dans le sujet aimant, et de son coté, celui-ci est entraîné par la force même de son affection vers l’objet aimé. S. Thomas, a. il ; cf. IL II'. q. XXIII, a. 0. Qu’on ne dise pas que la foi doit jouer à l'égard de l’espérance et de la charité, le rôle prééminent de la prudence à l'égard des vertus morales. La prudence modère et dirige ; la foi n’a pas à modérer ni à diriger ; elle indique seulement, et d’une manière bien imparfaite, l’objet de notre espérance et de notre amour. Mais le mou veulent d’amour qui, par la charité, entraîne l'àme vers cet objet dépasse de beaucoup l’idée même que la foi peut en donner. Ad 1°". Les dons du Saint Esprit, surtout les dons qui perfectionnent fin telligence, sont infusés a l'àme précisément pour remédier a cette faiblesse de l’esprit humain.

b) Vertus intellectuelles. Sous un certain rapport.

les vertus intellectuelles l’emportent sur les vertus

morales acquises, puisqu’elles ont un objet plus noble. I.a raison saisit l’universel ; les vertus morales ne règlent l’appel it que vers des réalités particulières. Mais c’est la. au point de vue moral, un aspecl très secondaire. Seules, on fa déjà dit, les vertus morales méritent le nom de vertus pane qu’elles procmeiil