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VERTU. LES VERTUS INTELLECTUELLES

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sèquement diminuées dans l'âme par le péché véniel, lequel, étant un acte essentiellement en dehors de la loi divine, mais non contraire à cette loi, laisse intacte l’essence de l’ordre moral à l'égard de Dieu, fin dernière surnaturelle. Cf. S. Thomas, Ir^-II*, q. xxiv, a. 10. Voir Billot, De virt. infusis, p. 48-4'.). I.e péché véniel ne saurait apporter à la grâce et aux vertus aucune diminution, ni comme cause dispositive, introduisant dans l'âme une disposition morale contraire au degré de charité possédée, ni comme cause méritoire de cette diminution. Voir S. Thomas, De malo, q. vii, a. 2 ; Suarez, De gratia, t. XI, c. viii, n. 1-2 ; Ripalda, De ente supernaturali, disp. CXXX, n. 1, etc. Cette doctrine est considérée par Suarez comme tellement certaine que l’opinion contraire, autrefois professée par Denys le Chartreux et Guillaume d’Auxerre, doit être réputée comme une opinion non seulement sans probabilité, mais indéfendable. Cf. Mazzella, op. cit., n. 248. Voir Charité, t. ii, col. 2233.

b) Au sens impropre, diminution extrinsèque, on doit admettre une certaine influence des péchés véniels sur la perte de la grâce sanctifiante et des vertus : « On peut appeler diminution indirecte de la charité la disposition à sa disparition qui est le fait des péchés véniels ou de la cessation de l’exercice des actes de charité. » S. Thomas, loc. cit. À l’a. 6, saint Thomas va même jusqu'à dire qu' « un acte de charité posé avec quelque tiédeur et mollesse… dispose à un degré moindre ». Sans diminuer la vertu en elle-même, le péché véniel « lui cause un réel dommage, et cela pour deux raisons. Tout d’abord, parce que les péchés véniels délibérés, fréquemment commis, diminuent ou empêchent même l’exercice des habitudes acquises, qui aident à l’exercice des vertus surnaturelles et leur confèrent facilité et promptitude. Ensuite, ils engendrent des habitudes opposées qui disposent l’homme au péché mortel. » Billot, op. cit., p. 50.

Principes pour distinguer les vertus infuses entre elles.

Les vertus infuses relèvent toutes de l’ordre surnaturel ; elles se distinguent entre elles d’après l’objet que, dans cet ordre surnaturel, elles doivent atteindre par leur exercice. C’est ainsi que se distinguent entre elles les vertus intellectuelles, morales et théologales.

Mais cette première distinction est encore trop générale ; dans chaque ordre, les vertus se multiplient suivant les différents aspects que revêtent, dans leur généralité, les objets surnaturels qu’elles doivent atteindre. C’est l’aspect de l’objet formel. Dieu considéré en lui-même constitue l’objet général des vertus théologales ; mais selon qu’il est objet de connaissance surnaturelle, ou objet de notre béatitude future, ou objet de notre amour par dessus i cuites choses, il constitue l’objet spécial des vertus de foi. d’espérance et de charité. Toutefois, rien n’empêche que, sous l’angle du même objet formel, la même vertu puisse atteindre des objets matériellement différents : i De même que la puissance, toute unique qu’elle est, s'étend à beaucoup de choses si Ces choses sont groupées dans un ensemble, c’est-à-dire sous le même objet formel commun, ainsi l’habitus (la vertu) s'étend a beaucoup de choses quand celles-ci s’orientent vers un but unique, objet formel spécial, ou nature, ou principe. » S. Thomas, I 1 iii, q. i.iv, a. 1. C’est ainsi qu'à la même vertu de foi se r ; 1 1 1 [ < > î t < l’assentiment donné non seulement aux vérités révélées par Dieu, mais encore aux préambules de i, i foi et aux vérités non révélées, infailliblement proposées par l'Église ; que la vertu d’espérance s'étend > l’acte d’amour de concupiscence à l'égard de Dieu, et que, par la vertu de Charité, nous aimons non seulement Dieu, mais encore le prochain dans les œuvres de miséricorde spirituelle et temporelle.

Une dernière précision, relative à l’objet formel, est nécessaire. L’objet formel peut être considéré d’abord abstraction faite de toute matière à laquelle il s’applique. C’est, en ce cas, le motif qui nous fait agir : les scolastiques le désignent par l’expression formule quo ou propter quod. Ainsi l’autorité divine est le motif formel, formule quo, de l’acte de foi. Mais l’objet formel ainsi considéré n’est pas suffisant pour spécifier et distinguer une vertu : il faut encore y ajouter la matière qu’il recouvre et qui, ainsi envisagée sous l’aspect spécial que lui confère le motif, devient l’objet formel que (formate quod) la vertu doit atteindre. Dieu se proposant à nous comme la vérité suprême que doivent rejoindre toutes les autres vérités révélées par lui et qu’il impose par son autorité à notre assentiment, voilà l’objet formel quod qui spécifie et distingue la vertu de foi. Des considérations analogues pourraient être faites à propos des autres vertus. Elles ont été faites dans les différents articles qui leur sont consacrés.


V. Vertus intellectuelles.

On a déjà laissé entendre ci-dessus, que les vertus intellectuelles, n'étant pas ordonnées par elles-mêmes à la perfection morale de celui qui les possède, ne sont pas des vertus dans le sens plein du mot. De plus, elles appartiennent essentiellement à l’ordre naturel. Aussi se contentera-t-on de quelques notions brèves résumant la doctriiTe de saint Thomas, I a - 1 1 35, q. lvii.

Vertus intellectuelles spéculatives.

1. Notion.

Ces vertus sont les habitus perfectionnant l’intelligence dans la recherche et la connaissance du vrai : « Ce sont des vertus en tant qu’ils donnent la faculté de cette bonne opération qui consiste à voir le vrai, car c’est là le bon ouvrage de l’intelligence. » Mais elles ne font pas qu’on réalise par elles-mêmes cette bonne opération : « pour ce qui est de l’usage de la science, cela se fait sous l’impulsion de la volonté. » A. 1. Ce sont donc des vertus imparfaites, encore que les vertus intellectuelles représentent quelque chose de plus noble et de plus parfait que les vertus morales. Cf. Salmanticenses, De virtutibus, q. lvii, prol.

Le terme de « vertu spéculative » ne doit pas suggérer l’idée d’un manque d’activité. L’intelligence à la recherche de la vérité est, au contraire, très active ; 'seulement son travail est tout intérieur : le pratique ou l’actif, dit saint Thomas, s’oppose au spéculatif comme quelque chose d’extérieur à l'œuvre intérieure de l’esprit ; mais cette œuvre elle-même est faite d’activité. Q. lvii, a. 1, ad l" m. Cf. a. 3, ad 3um.

2. Trois vertus intellectuelles spéculatives. —

La connaissance du vrai n’offre pas, en toutes choses, le même aspect formel. « Le vrai, évident par lui-même, se présente comme un principe et est immédiatement perçu par l’intelligence : aussi on donne le nom de simple intelligence à V habitua qui perfectionne l’esprit de cette manière et c’est là l’habitus des premiers principes. » — Le vrai peut n'être pas évident par lui-même et n'être perçu qu'à la tuite d’une recherche de la raison. Il se présente alors comme un terme. Si ce terme veut être le dernier mol de toutes choses, et manifester à l’esprit humain les causes les plus bailles, le vrai est l’objet de l’habitus de la sagesse, Mais, s’il s’agit simplement d’avoir le dernier mot en tel ou tel genre de connaissance, c’est la science qui perfectionnera l’intelligence A. 2. Il ne peut y avoir qu’une sagesse ; il y a, dans les sciences autant d’habitus différents qu’il y a de genres différents (le choses a savoir, Ainsi saint Thomas se rallie à l'émunération d’Aristote ; trois vertus intellectuelles spéculatives : sagesse, science et simple intelligence.