Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/617

Cette page n’a pas encore été corrigée

2 76

VERTU. NATURE DES VERTUS INFUSES

'64

de Vienne (1311-1312). — L’accord était si complet qu’une opinion attribuée au franciscain Pierre Olieu fit scandale : entre autres accusations portées contre lui au concile de Vienne se trouve l’affirmation que « le baptême ne confère pas aux enfants la grâce et les vertus ». Voir le texte de l’accusation dans Ehrle, Zur Voryeschichle des Concils von Vienne, dans Archiv fur Literutur und Kirchengeschichte des M.-A., 1886, p. 369. L’accusation ne semble guère avoir été fondée. Olieu se contentant d’exposer les opinions sans prendre parti. Voir sa défense dans Ehrle, ibid., p. 395. Mais précisément, il fallait prendre parti et le concile en exprima l’avis en ces termes :

Nos auteni attendentes generalem efncaciam inortis Christi, quæ per baptisma applicatur pariter omnibus baptizatis ; opinionem secundam, quæ dicit, tam parvulis quam adultis, conferri in baptismo informante !  !) gratiam et virtutes, tamquam probabiliorem ; et dictis sanctorum et doctorum niodernorum theologia* magis consentaneam et concordem, sacro approbante Concllio, duximus eligendam. Denz.Bannw. n. 483.

Considérant l’universelle ellicacité de la mort du Christ, laquelle par le baptême est appliquée également à tous les baptisés, nous décidons, avec l’approbation du saint concile, qu’il faut choisir, comme plus probable et plus conforme aux dires des saints Pères et à la théologie des docteurs modernes, la seconde opinion qui enseigne qu’aux enfants comme aux adultes est conférée dans le baptême la grâce informante (sanctifiante) et les vertus.

Donc, parité absolue entre enfants et adultes quant à l’infusion de la grâce et des vertus au moment du baptême. Et cela, en raison de l’efficacité de la mort du Christ, dont les mérites leur sont également appliqués. Cf. De Lugo, De fide, disp. IX, sect. in.

La décision de Vienne est encore d’ordre pratique ; elle ne tranche pas d’autorité les controverses spéculatives. Elle n’en est pas moins indicatrice de la pensée de l'Église touchant l’existence des vertus surnaturelles infuses, même dans l'âme des enfants.

c) La vérité explicitement professée : le concile de Trente. — Dans sa vi « session, le concile de Trente aborde la question de la justification. Après avoir, au c. vi, indiqué les actes surnaturels qui disposent le pécheur à la justification, il ajoute, c. vu : « Cette disposition ou préparation est suivie de la justification elle-même, qui ne consiste pas seulement dans la rémission des péchés, mais encore dans la sanctification et le renouvellement de l’homme intérieur par la réception volontaire de la grâce et des dons par quoi l’homme, d’injuste devient juste et, d’ennemi, ami… » Ces dons, expressément distingués de la grâce, ne peuvent être que des dons permanents, inhérents à l'âme, comme la grâce elle-même. Et ce sont certainement, avant tout, les vertus dont il est question dans la suite du chapitre : « Dans la justification même, avec la rémission des péchés, l’homme reçoit en même temps, par Jésus-Christ auquel il est inséré, tous ces dons infus : la foi, l’espérance et la charité… » Il s’agit bien d’habitus inhérents à l'âme et permanents, puisque « la charité se répand dans le cœur justifié et lui devient inhérente ». Quant à la foi, c’est certainement la vertu infuse, puisque c’est « cette foi que les catéchumènes demandent à l'Église avant de recevoir le baptême…, la foi qui donne la vie éternelle, (vie) que la foi, dépourvue d’espérance et de charité, ne saurait seule donner. » Denz.Bannw., n. 799, 800.

S’il fallait une confirmation à ce sens déjà par luimême si clair des textes, on la trouverait dans les discussions relatives à la deuxième (23 sept. 1546) et à la troisième forme (5 nov. 1546) du décret. L'évêque de Vérone fit remarquer une confusion possible entre

la charité qui dispose à la justification et dont il a été question au c. vi, et cette charité inhérente à l'âme, qui accompagne la justification. Cf. Concilium Tridenlinum, édit. Ehses, t. v, col. 459 ; cf. col. 505. L’explication donnée en réponse enlève toute possibilité d'équivoque. La charité qui accompagne la justification est un habitus ; celle qui la prépare n’est ni habitus, ni acte procédant d’habitus, mais un acte d’amour de cette justice que l’homme ne possède pas encore et qu’il désire avoir, col. 520,

I. 8, 39. D’autres orateurs demandaient qu’on déclarât explicitement que la charité dans la justification est un habitus infus ; il fut répondu que le mot « inhérent » l’indiquait suffisamment, col. 521, 1. 15. On retrouve d’ailleurs l’expression inhsereat dans le can.

II. À l’occasion de ce canon, les mêmes discussions se reproduisirent. Tandis que le servite Mazocchi voulait éliminer ce mot, l’archevêque de Palerme, revenant sur le texte du c. vii, réclamait l’insertion de habitualiter avant inhserentis. Col. 436, i. 25 ; cꝟ. 508, 1. 23 ; 453, 1. 40 ; cꝟ. 508, 1. 23. 'A la discussion du troisième projet, Claude Le Jay demanda qu’au c. vi, on spécifiât qu’il s’agissait d’actes et qu’au c. viii, on parlât d’habitus fidei. Col. 658, 1. 22 ; cꝟ. 682, 1. 15. La discussion montra que ces précisions n'étaient pas nécessaires et on laissa les textes sans les retoucher. Col. 691. D’ailleurs l’insertion du mot infusa, dans la cinquième et définitive forme du décret, marque suffisamment la pensée des Pères.

Le c. xv pourrait fournir une ultime manifestation de la doctrine catholique : la justification. y lit-on, se perd par tout péché mortel, même quand ce péché ne détruit pas la foi. C’est donc que la vertu de foi peut subsister dans l'âme, indépendamment de la grâce et de la charité. Elle demeure à l'état informe, mais toujours vertu réelle et habitus permanent.

Conclusion. — On peut donc conclure à l’existence de vertus surnaturelles infuses, tout au moins à l’existence des vertus surnaturelles de foi, d’espérance, de charité. Le concile du Vatican n’hésite pas à parler de la foi comme d’une vertu surnaturelle, sess. iii, c. iii, Denz.-Bannw., n. 1789. Ces vertus sont des dons permanents, demeurant dans l'âme, même lorsqu’elle n’en fait pas usage.

La note théologique à donner à cette conclusion est quelque peu discutée. Les uns estiment qu'à la suite du progrès doctrinal dont elle est l’aboutissement, cette affirmation doit être qualifiée de vérité de foi catholique ; cf. Beraza, De virt. inf., Bilbao, 1929, n. 26. Mais, en l’absence de toute définition expresse du magistère extraordinaire, il est peut-être préférable de n’y voir qu’une vérité théologiqment très certaine, cf. Billot, op. cit., th. i, p. 68. Quant à l’explication philosophique de la vertu, ramenée à la catégorie des habitus, voir plus loin, on ne saurait l’envisager comme un objet du magistère infaillible.

Nature.

Bien que le concile de Trente ne

semble pas avoir voulu canoniser cette conception, toute la tradition théologique ramène le concept de vertu surnaturelle à la catégorie des habitus d’opération.

1. Exposé général de la conception des habitus surnaturels.

a) Point de départ : divinæ naturse consortes (II Pet., i, 4). — Le mot « nature » paraît signifier « l’essence d’une chose en tant qu’elle est ordonnée à son opération propre ». S. Thomas, De ente et essentiel, c. i. Or, les opérations propres de Dieu sont la connaissance intuitive de sa nature et l’amour qui répond à une telle connaissance. Ces deux opérations dépassent non seulement les forces naturelles de l’homme, mais encore la puissance naturelle de toute créature. Voir Surnaturel (absolu), t. xiv. col. 2852. En rendant l’homme participant à sa