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VERTU. LES VERTUS INFUSES

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aussi In ps. ixxxiii, enarr. xi, t. xxxvii, col. 1065 ; In epist. Joann. ad Parthos, tract. VIII, n. 1, t. xxxv, col. 2035 ; Epist., xcviii, c. ix et x, t. xxxiii, col. 363, 364. — La pensée de saint Grégoire est plus complète et plus précise : « Dans les cœurs sanctifiés (l’EspritSaint) accompagne toujours certaines vertus pour demeurer avec elles I mais il accompagne d’autres vertus (les charismes) pour se retirer ensuite et il se retire pour revenir. C’est que, dans la foi, l’espérance et la charité et dans les autres biens sans lesquels on ne peut parvenir à la céleste patrie, par exemple, l’humilité, la charité, la justice et la miséricorde, il n’abandonne pas le cœur des parfaits. Mais, dans la « vertu » de la prophétie, dans l'éloquence de la doctrine, dans la manifestation des miracles, il assiste parfois ses élus et s’en retire ensuite. » In Ezech., t. I, hom. v, n. 11, P. L., t. lxxvi, col. 825.

b) Controverses. — a. Les premiers scolasliques. — On a vu que Pierre Lombard réfute l’opinion de ceux qui plaçaient la vertu dans le bon usage des puissances naturelles, voir col. 2749. En conséquence, les auteurs en question niaient l’existence d’habitus infus. Sans les condamner, Pierre Lombard montre la fausseté de leur position. L^ne autre controverse a laissé plus de traces. Il s’agit des effets du baptême dans l'âme des enfants. Voir Baptême, t. ii, col. 289. Bien que ne touchant qu’indirectement à la question de l’existence des vertus surnaturelles en général, cette controverse amena l'Église à prendre position peu à peu. Avant le Lombard, on admettait généralement que le baptême purifie l'âme des enfants du péché originel, mais sans leur conférer encore la grâce et les vertus. Les théologiens estimaient que Vhabilus des vertus est inséparable de leur usage et que l’impossibilité d’en user est un obstacle à leur infusion. L’apparition de la grâce et des vertus dans l'âme ne sera donc réalisée qu’au moment où l’enfant, devenant conscient de ses actes, pourra en user pour le bien. Doctrine assez cohérente d’ailleurs avec l’opinion de la causalité dispositive des sacrements, voir t. xiv, col. 578, laquelle, au début du xiiie siècle encore, seule ou presque seule, avait cours dans l’enseignement théologique. D’après cette opinion, le caractère baptismal, imprimé dans l'âme, attendrait, pour produire son plein effet (infusion de la grâce et des vertus) que l’usage de la raison ait enlevé tout obstacle à son efficacité. Cf. Billot, op. rit., p. 107, note 1.

A cette opinion, Pierre Lombard, Sent., t. IV, dist. IV. n. 8, oppose une doctrine plus conforme à l’enseignement traditionnel, mais dont la formule typique ne se rencontre, semble-t-il, chez aucun de ses prédécesseurs. Cf. Landgraf, Kindertaufe und Glaube in der Frùhscholastik, dans Gregorianum, 1928, p. 515. Certains estiment que la grâce opérante et coopérante (grâce sanctifiante et vertus) sont conférées

iu enfants par le baptême in munere, non in usu

(telle est la formule nouvelle), en simple don, mais non encore quant à l’usage. Cependant, parvenus à un âge plus avancé, du don ils tireront l’usage, à moins qu’en péchant ils ne suppriment eux-mêmes librement l’usage de ce don. » /'. L., t. cxcii, col. B50.

I n employanl cette forme impersonnelle, le Maître « les Sentences ne prend pas position, bien qu’on devine ses préférences. Maître Bandin (+ 1150) est

plus afflrmatif. » Le baptême, dit-il, confère aux petits enfants in munere. non in usu. la grâce pour bien agir, l’usage devant leur être accordé à t) Age plus avanie.

i moins qu’ils ne choisissent librement un usage

mauvais.. Sent.. I. IV. dist. IV. /'. L., t. CXCII,

col. 1094 I'.. Aussi Bandin, expliquant la définition Ugustinlenne de la vertu, déclare que celle-ci ne

DI( i. Dl i m Di. CATHOL,

peut être un simple mouvement de l'âme. Ibid., t. II, dist. XXVII, col. 1056 CD.

Vers la fin du xiie siècle, les idées sont encore assez confuses. Au dire de Baoul Ardent († 1190), certains auteurs commencent à dire que la foi et les autres vertus sont conférées aux enfants par le baptême in habitu, non in usu. D’autres affirment simplement que le baptême prépare les enfants à recevoir plus tard les vertus. Cf. Landgraf, loc. cit. C’est bien là toujours la causalité dispositive. Au nombre de ces docteurs, on doit ranger Robert de Melun († 1167). Voir Landgraf, art. cit., p. 518. Quant à Alain de Lille († 1203) et à Simon de Tournai, leur opinion semble encore s’opposer à celle de Pierre Lombard et de Maître Bandin, bien qu’ils inaugurent une formule nouvelle, distinguant dans la vertu, natura, habitus et usus. Voir plus loin. Cf. Landgraf, Die Erkenntnis der heiligmachenden Gnade in der Frùhscholastik, dans Scholastik, 1928, p. 46 sq., 52 sq.

b. La lettre d’Innocent III. — Pour démontrer l’inutilité du baptême conféré aux enfants, on arguait de l’enseignement des théologiens niant que le baptême pût « conférer la foi et la charité et les autres vertus aux petits enfants, incapables de les recevoir, parce qu’incapables d’y consentir. » Innocent III, dans sa lettre à Ymbert d’Arles (1201), rappelle, sans prendre parti, que cette opinion est contredite : « Un certain nombre (d’auteurs), dit-il, affirment la rémission du péché et l’infusion des vertus, les enfants les possédant quoad habitum, non quoad usum, jusqu'à ce qu’ils parviennent à l'âge adulte. »

Tout en marquant encore de l’hésitation dans le magistère suprême, la lettre d’Innocent est cependant d’une grande portée théologique. Elle donne droit de cité à la doctrine qui triomphera : elle consacre la formule décisive, distinguant Vhabilus de l’usage, ce qui permet d’affirmer l’existence de vertus surnaturelles, uniquement à l'état d’habitus infus ; enfin, elle permet d’envisager l’existence de vertus surnaturelles infuses autres que les vertus théologales, puisqu’il est question de la foi, de la charité et des autres vertus. Denz. Bannw., n. 410 ; voir le texte plus complet dans Cavallera, Thésaurus, n. 1065.

c. L’opinion de Pierre Lombard devient opinion commune. — Le témoignage de Bobert de Courson († 1218) est formel sur ce point : « C’est l’opinion commune de presque tous les maîtres, que les enfants reçoivent dans le baptême la foi en habitus et non en acte ». Cf. Landgraf, Die Erkenntnis…, p. 55. On peut citer Prévostin († 1231), Etienne Langton († 1228), Guillaume d’Auxerre († 1231), Roland de Crémone († 1259). Cf. Landgraf, loc. cit. Bobert de Courson expose le triple aspect de la vertu in natura, vertu encore en germe et informe dans les prédispositions naturelles de l’homme, et qui existe en lui avant le baptême ; vertu in habilu, vertu formée, d’ordre surnaturel, mais dont il est encore impossible à l’enfant de faire usage ; vertu in usu, vertu de l’adulte agissant surnaturellement. Ibid.

Cette distinction amène sous la plume d’un théologien de l'époque. Philippe de Grève († 1236), la distinction opportune entre la grâce sanctifiante qui perfectionne l’essence de l'âme et lui communique le principe de vie surnaturelle, et les vertus, qui perfectionnent les puissances de l'âme en les ordonnnant à l’acte vertueux. Mais, ajoute ce1 auteur, pour que la puissance ainsi perfectionnée puisse produire un acte surnaturel, il faut qu’elle y soit habilitée par la nature, ce qui est impossible chez les enfants, I.and

graf, Die Erkenntnis…, p. 59. Au temps d’Albert le Grand H de saint Thomas, on ne trouvait plus une note discordante,

d. Nouvelle intervention du maqisttrc : le conrilr

T. — XV. — 87.