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TRINITÉ. LA CRISE ARIENNE

d’Alexandrie, c’est parce qu’il ne voit pas la nécessité d’éclairer le mystère par l’emploi de figures ou de métaphores empruntées à la vie humaine et toujours imparfaites : les formules de l’Écriture et celles de la tradition lui suffisent.

Les derniers docteurs du iiie siècle se contentent en général de reprendre les formules en usage de leur temps, surtout celles qu’a vulgarisées Origène, ce qui d’ailleurs vaudra plus tard à leur mémoire de graves reproches. A Alexandrie, Théognoste et Piérius sont les maîtres les plus en vue. Théognoste qualifie le Fils de κτίσμα, au dire de Photius, Biblioth., cod. 106, P. G., t. ciii, col. 373, et il borne son influence aux seuls êtres raisonnables, λογικά. Pourtant, il déclare en même temps que le Fils est ἐκ τῆς τοῦ Πατρὸς οὐσίας et qu’il possède avec le Père une ressemblance pleine et entière selon la substance : ἔχων τὴν ὁμοιότητα τοῦ Πατρὸς κατὰ τὴν οὐσίαν… πλήρη, ἀκριβῆ. F. Diekamp, Ein neues Fragment aus den Hypolyposen des Alexandriners Theognostus, dans Theol. Quartalschr., t. lxxxiv, 1902, p. 481-494 ; cf. Athanase, De décret, nicœnæ synodi, 25. Il est accusé, encore par Photius, de rabaisser la personne du Saint-Esprit, de la subordonner au Père et au Fils, de la ranger au nombre des créatures sujettes, Photius, loc. cit., et il est probable que certaines de ses formules étaient suspectes ; mais saint Athanase cite son témoignage en faveur de la divinité du Saint-Esprit : selon lui, Théognoste, bien loin de rabaisser l’Esprit-Saint s’applique au contraire à montrer qu’on aurait tort de conclure à sa supériorité sur le Père et le Fils de ce qu’il habite dans les parfaits, c’est-à-dire les chrétiens baptisés et de ce que les péchés commis contre lui sont irrémissibles. Epist. ad Serap., iv, 11, P. G., t. xxvi, col. 652. Nous concluons de ces témoignages que Théognoste s’attachait surtout à l’interprétation de l’Écriture et qu’il était possible de tirer de ses explications des témoignages assez différents en apparence : la conciliation qui se faisait dans son esprit ne pouvait évidemment pas être faite par ses adversaires.

Nous sommes moins renseignés sur Piérius. Photius, cod. 119, assure que, malgré certains archaïsmes de langage, la doctrine de Piérius sur le Père et le Fils était exacte, mais qu’elle laissait à désirer sur l’Esprit-Saint en qui il voyait une simple créature.

Méthode d’Olympe est surtout connu par son opposition à l’origénisme. Il déclare que le Verbe est le Fils de Dieu, par qui tout a été fait, De sanguisuga, vu, 3 non pas le fils adoptif, mais le Fils éternel qui n’a jamais commencé et ne cesse jamais d’être Fils, Conviv., viii, 9, Verbe avant tous les temps, à qui l’on adresse des prières, Conviv., iii, 4 ; vii, 1 ; xi, 2. Il voit dans le Saint-Esprit une ἐκπορευτὴ ὑπόστασις qui sort du Père, comme Eve est sortie d’Adam, qui est par conséquent de sa substance. Fragm., iv, éd. Bonwetsch, p. 355. Les témoignages de Méthode sont importants à recueillir, parce qu’ils ne sont pas fournis dans des ouvrages de controverse ; ils expriment la foi courante et traditionnelle. Il faut cependant rappeler que Photius, Biblioth., cod. 237, dénonçait chez l’évêque d’Olympe certaines formules arianisantes et les expliquait en supposant que le texte du Banquet avait pu être altéré. En fait, ces formules étaient seulement moins précises que ne l’eût exigé le formalisme du patriarche.

Saint Grégoire le Thaumaturge résume en quelque sorte tout l’enseignement de cette dernière période, et il sera permis de citer par manière de conclusion sa profession de foi. L’authenticité de cette formule est généralement admise : il serait déplacé d’en reprendre ici l’examen. Cf. sur ce point : L. Froidevaux, Le symbole de saint Grégoire le Thaumaturge, dans Recherches de science religieuse, t. xix, 1929, p. 191 sq. Voici ce texte :

« Un seul Dieu, Père du Verbe vivant, de la Sagesse subsistante,

de la] Puissance, de l’empreinte éternelle, qui a engendré parfaitement un Fils parfait.

Un seul Seigneur, unique de l’unique, Dieu de Dieu, empreinte et image de la divinité, Verbe actif, Sagesse qui maintient l’ensemble de l’univers et puissance qui a fait la création universelle, fils véritable du Père véritable, invisible de l’invisible, incorruptible de l’incorruptible, immortel de l’immortel, éternel de l’éternel.

Et un seul Esprit-Saint, ayant de Dieu l’existence et ayant apparu par le Fils, image du Fils, parfait du parfait, vie, principe des vivants, sainteté qui confère la sanctification, en qui se manifeste Dieu le Père qui est au-dessus de tous et en tous, et Dieu le Fils, qui est répandu en tous.

Trinité parfaite, qui n’est ni divisée, ni aliénée dans la gloire, l’éternité et le règne. Il n’y a donc dans la Trinité rien de créé, rien d’esclave, rien d’introduit du dehors, comme n’ayant pas d’abord existé et étant ensuite arrivé à l’existence, car ni le Fils n’a jamais manqué au Père, ni au Fils l’Esprit, mais la même Trinité est toujours restée sans transformation ni changement. »

Cette belle formule est très explicite. Comme l’écrit J. Tixeront, « en affirmant nettement avec la distinction des personnes, leur éternité et leur égalité, l’immutabilité et la perfection non seulement du Père mais aussi du Fils et du Saint-Esprit, elle était contre l’arianisme une protestation d’avance victorieuse. La théologie anténicéenne, p. 491. La foi qu’affirme le symbole du Thaumaturge est bien celle de l’Église ancienne, plus explicite sans doute et plus clairement exprimée qu’elle ne l’est souvent ailleurs, mais sans différence et sans changement. On peut dire que, pour l’heure des grands combats, l’Église est prête à s’opposer à toutes les tentatives de l’hérésie.



VI. La crise arienne et les grands docteurs de la Trinité.

I. la doctrine d’Arius.

Aux environs de 323 éclate à Alexandrie une crise dont nul ne pouvait alors prévoir les développements, mais qui, tout de suite, apparut comme pleine de périls pour la foi traditionnelle. Un prêtre de cette ville, disciple de saint Lucien d’Antioche, comme l’étaient à ce moment un certain nombre des évêques les plus réputés de l’Orient, Arius, commence à enseigner une doctrine qui fit scandale parmi les fidèles.

Exposé de la doctrine d’Arius.

Selon Arius, Dieu est unique. Il est seul inengendré, éternel, sans principe, véritablement Dieu. Ce Dieu absolu ne saurait communiquer son être, sa substance, soit parce qu’une telle communication se ferait par division, ce qui est impossible, puisque Dieu est spirituel, simple, indivisible ; soit parce qu’elle se ferait par émanation, ce qui n’est pas moins invraisemblable, puisque Dieu est immuable et, par définition, sans principe.

En dehors de Dieu, il ne peut donc y avoir que des créatures. De ces créatures, le Verbe est la première, la plus parfaite. Il a été créé avant tous les temps, ce qui ne veut pas dire qu’il est coéternel à Dieu, car il y a eu, non pas un temps, mais un moment où il n’était pas : — ἦν ποτε ὅτε οὐκ ἦν, et il n’était pas avant d’être engendré : οὐκ ἦν πρὶν γένηται. C’est le Logos, le Verbe, qui a servi d’instrument à Dieu pour la création de l’univers et, à ce titre, il ne rentre pas dans le cadre du monde créé. Bien que créé lui-même, il est au-dessus de la création.

Le Verbe n’est pas de la substance de Dieu et n’existe que par la volonté de Dieu. Il n’est donc pas vraiment Dieu, bien qu’on puisse lui donner le nom de Dieu par accommodation. Arius va jusqu’à dire, semble-t-il, que le Verbe est étranger et dissemblable en tout à la substance et à la personnalité du Père, ἀλλότριος μὲν καὶ ἀνόμοιος κατὰ πάντα τῆς τοῦ Πατρὸς οὐσίας καὶ ἰδιότητος, voir Athanase, Contra Arian., 1, 5-6, P. G., t. xxvi, col. 20-24 ; De synod., 15, Modèle:''ibid''.,