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VERBE. LA THEOLOGIE


la nature (féconde) : « La raison totale du Verbe n’est pas dans la connaissance ou l’expression, mais il faut y ajouter la nature et la conception. » In 7um Sent., dist. XXVII, part. II, a. 1, q. i, ad l um ; cf. ad 2um. La différence entre le Verbe divin et notre verbe mental est donc qu’en nous, nous ne pensons que par notre pensée et cette pensée est toujours engendrée, non intelligimus nisi per intelligentiam et illa est semper genila. Mais en Dieu penser appartient à chaque personne et ne suppose pas « concevoir » et n’implique pas en soi la parole ou le verbe, quælibet persona intelligit et ideo intelligere non dicit ibi rationem concipiendi. Ibid., ad 3um.

Ainsi, parce que Dieu est fécond, il engendre un Fils consubstantiel. Et, parce que ce Fils est consubstantiel, il est vraiment l’image de son Père ; et parce que c’est une image sortie d’un sein intellectuel, ’le Fils est une parole véritable « conçue », naissant et manifestant, donc attestant formellement la personne du Père : elle est donc un Verbe. Verbe, parce qu’Image et Image parce que Fils.

8. Saint Thomas d’Aquin est au terme d’une réaction amorcée par Albert le Grand. On a vu à Trinité, col. 1740, qu’Albert, bien que parfois encore hésitant, avait rompu avec la thèse du Verbe procédant par voie de nature, pour adopter celle d’une communication de la divinité par manière de Verbe de vérité, selon l’intelligence. Bien plus, c’est parce que la procession du Verbe est selon l’intelligence qu’elle est une véritable génération. In I" m Sent., dist. X, a. 12 ; dist. XIII, a. 1. Saint Thomas reprend, précise et développe ces idées. On a vu à Fils de Dieu, col. 2471 et à Trinité, col. 1742, 1744, comment saint Thomas justifie, dans la procession du Verbe, la définition donnée par Aristote de la génération véritable. Bien plus, le Docteur angélique montre comment la génération divine, toute intellectuelle, procède uniquement de la paternité : aucun partage entre un père et une mère, comme dans les générations humaines. Le Père seul donne la vie au Fils, le conçoit et l’enfante. Cf. Cont. Gentes, t. I, c. xi. Envisagé comme acte notionnel, 1’ « intellection » du Père équivaut à la « diction » dont procède le Verbe. Ces considérations clarifient l’exposé théologique du dogme et montrent le bien fondé de la doctrine promulguée à Tolède : seule l’opposition des relations multiplie en Dieu les personnes. Saint Thomas prépare ainsi les décisions du concile de Florence.

La doctrine du Verbe selon saint Thomas a été siflisamment proposée à Trinité, col. 1744 sq. Cette doctrine est condensée par saint Thomas lui-même flans son commentaire sur le Prologue de saint Jean. Quatre points méritent d’être relevés : 1. L’analogie humaine du Verbe divin, jadis proposée par saint Augustin, est finement analysée et sagement limitée par le rappel des différences du verbe humain et du Verbe divin. Voir Processions divines, t. xiii, col. 647-648. — 2. La traduction de Logos par Verbum de préférence a ratio est justifiée par le caractère même du rapport ad exteriora que marque le Fils, procédant du Père et manifestant sa puissance opératrice par les créatures, per Ipsum omnia facto sunt. — 3. La coéternité et la consubstantialité du Verbe est le corollaire de la procession du Fils et de la relation de paternité et de libation en Dieu : « Ce qui fait, c Luis les générations humaines, la priorité du générateur, c’est d’abord que le principe générateur est antérieur à la chose produite ; c’est ensuite que la production Implique une BUCCession ; c’est enfin que la volonté qui décide la génération lui est antérieure. Or, tout cela est inexistant en Dieu. En Dieu la génératlon fin Verbe est la conception même de l’intelligence divine, toujours en acte, sans succession et

| cette génération est naturelle. » — 4. Enfin le rôle du Verbe en la création de toutes choses, n’est pas celui d’un instrument. Toutes choses ont été faites conformément à la sagesse du Père, appropriée au Verbe. Et même les œuvres accomplies peuvent être rapportées en propre au Verbe en tant que le Verbe représente les raisons éternelles des créatures. « Le Verbe est pour ainsi dire, comme l’affirme saint Augustin, De Trinitate, t. VI, n. 11, P. L., t. xiii, col. 931, le moyen d’action du Dieu tout-puissant et sage, contenant dans sa plénitude la raison immuable de tous les êtres vivants. » C’est par là que saint Thomas rejoint saint Augustin dans l’interprétation de Joa., i, 3 : Quod factum est, in ipso oita erat. Les créatures, en effet, peuvent être considérées en elles-mêmes ou en tant qu’elles sont dans le Verbe. Dans le Verbe, elles ne sont pas seulement vivantes, elles sont la Vie.

9. Duns Scot. — Avec lui, nous revenons à l’explication des deux processions en Dieu par la voie de nature et la voie de volonté. Ou Dieu est déterminé à agir, ou il se détermine. L’intellection est déterminée par l’objet connu. In / um Sent., dist. II, q. vii, n. 18, 33. La génération du Verbe ne doit pas être attribuée à l’acte de simple connaissance ou d’intellection par lequel Dieu connaît son essence, ibid., n. 15, ni même à cette intellecton conçue en connexion avec la relation de paternité, n. 2-16, mais à un acte logiquement postérieur de diction, produit par la memoria fecunda, c’est-à-dire par l’intelligence en possession de son objet essentiel et cet acte est lui-même le fondement de la relation de paternité. Voir Duns Scot, t. iv, col. 1882.

Bien d’autres problèmes, plus subtils que théologiques, ont été agités par les scolastiques. L’essentiel en a été rappelé à Trinité. Très particulièrement, les théologiens se sont demandé quel est l’objet de la connaissance du Père lorsque cette connaissance donne naissance au Fils. Voir les diverses solutions à Trinité, col. 1745 et surtout 1817.

Déformations de la notion catholique du Verbe.


1. Chez les protestants.

Les premiers réformateurs ont gardé intacte la foi trinitaire. Calvin, Instit. chrét., t. I, c. xiii, n. 2-7, établit correctement la doctrine du Verbe. S’appuyant sur Gen., i, 3, Heb., I, 2, Prov. viii, 22, il montre que « la Parolle », identifiée avec l’Image et la Sagesse, tout en étant Dieu, a en Dieu une personnalité propre : « Mais ce que sainct Ican en dit est encores plus clair, c’est que la Parolle qui dès le commencement estoit en Dieu est la cause et origine de toutes choses ensemble avec Dieu le Père ; car pour cela il attribue une essence permanente à la Parolle et luy assigne encore quelque chose de

particulier et monstre comment Dieu en parlant m esté créateur du monde… Si faut-il. „ mettre en degré souverain ceste Parolle, qui est la source de toutes les révélations et tenir pour résolu qu’elle n’est sujette à nulle variété et demeure tousiours une et Immuable en Dieu, voire inesme est Dieu. » Col. 155.

Et, contre « aucuns chiens grondant en cest endroict ». il démontre l’éternité du Verbe. Ces « chiens » disent que la Parolle a commencé quand Dieu a ouvert la bouche pour la création du monde i, C’est à tort, car » si quelque chose est manifestée en certain temps ce n’est pas à dire que desia elle ne fust ». Si « la Parolle » s’est montrée alors, c’est que déjà elle était auparavant. Saint Jean a dit que « dès le commencement la Parolle était en Dieu..le conclu donc derechef que la Parolle estant conceue de Dieu devant tous les temps, a tousiours résidé en luy : dont son éternité, sa vraye essence et sa divinité S’approuve très bien. (cil. 157.

De toute évidence ( les antitrinitairei ne pouvaient

garder au Verbe sa personnalité divine. Les premiers