Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/551

Cette page n’a pas encore été corrigée
2631
2632
VENTE. DEVOIRS DU VENDEUR


nt’ment sur le prix des denrées, peuvent, en conscience, acheter ou vendre au prix courant afin de profiter de la hausse ou d’éviter les pertes consécutives à la naisse. C’est l’art du vrai commerçant d’avoir « le flair » nécessaire pour acheter ou vendre au bon moment.

5. Il en va tout autrement des personnages officiels qui, par leur fonction même, sont en mesure de connaître avec certitude des éventualités de ce genre. Il est difficile de dire s’ils peuvent licitement profiter, pour leur avantage personnel, d’une science qui leur permet de réaliser de beaux bénéfices. Mais ils pécheraient certainement contre la justice commutative et sociale s’ils ne découvraient pas, quand il le faudrait, la vérité qu’ils connaissent, dans l’espoir de tirer, par ce silence indu, pour eux et pour leurs amis des profits considérables, dont les citoyens ignorants et la nation elle-même sont les victimes. C’est « le coup de bourse » classique. Il y aurait là, dans l’exercice d’une fonction officielle, un abus que la morale ne peut tolérer.

6. La vente d’un objet rare et précieux, dont vendeur et acheteur ignorent la valeur réelle, doit être tenue pour juste dès lors qu’elle est effectuée au prix convenu par les deux parties. Si l’acheteur seul connaît la valeur de l’objet, ce n’est peut-être pas de sa part une injustice stricte d’acheter cet objet au prix inférieur qu’en demande le vendeur, mais il serait plus honnête d’offrir une transaction équitable.

Sur le juste prix, voir V. Fallon, Principes d’économie sociale, Bruges, 1924, p. 80-205 ; P. Goulet, L’Église et le problème économique, Paris, 1920, p. 129-155 ; A. Valensin, Traité de Droit naturel, t. ii, p. 115-154 ; A. Muller, Notes d’économie politique, t. i, Paris, 1928, p. 15-20 ; Tanquerey, Synopsis theol. moralis, t. iii, n. 727 sq.

III. Devoirs de l’acheteur et du vendeur.

L’acheteur.

L’acheteur a deux devoirs principaux : payer le prix dû, enlever l’objet acheté.

1. Payer le prix dû.

L’acheteur doit s’acquitter de sa dette, dans le lieu et dans le temps déterminés par la convention passée avec le vendeur. Si rien n’est déterminé, il doit payer au moment de la livraison de la marchandise. Cf. Code civil français, art. 1650-1651.

Art. 1652 : L’acheteur doit l’intérêt du prix de la vente jusqu’au paiement du capital dans les trois cas suivants : — S’il a été ainsi convenu lors de la vente ; — Si la chose vendue et livrée produit des fruits ou autres revenus ; — Si l’acheteur a été sommé de payer. — Dans ce dernier cas, l’intérêt ne court que depuis la sommation.

Art. 1653 : Si l’acheteur est troublé ou a juste sujet de craindre d’être troublé par une action, soit hypothécaire, soit en revendication, il peut suspendre le paiement du prix jusqu’à ce que le vendeur ait fait cesser le trouble, si mieux n’aime celui-ci donner caution, ou à moins qu’il n’ait été stipulé que, nonobstant le trouble, l’acheteur paiera.

Art. 1654 : Si l’acheteur ne paie pas le prix, le vendeur peut demander résolution de la vente.

2. Prendre livraison de l’objet acheté.

C’est un devoir pour l’acheteur d’enlever l’objet acheté au temps fixé par la convention et, si rien n’a été prévu, aussitôt que possible, afin d’éviter tout ennui ou dommage au vendeur. En cas de négligence de l’acheteur, le vendeur n’est plus obligé de lui conserver l’objet acheté ; s’il le fait, il est en droit de se faire rembourser les dépenses occasionnées par ce retard.

Le code civil français prévoit la résolution de la vente des denrées et des effets mobiliers non enlevés au terme convenu :

Art. 1657 : En matière de vente de denrées et effets mobiliers, la résolution de la vente aura lieu de plein

droit et sans sommation, au profit du vendeur, après l’expiration du terme convenu pour le retirement.

Devoirs du vendeur.

Ces devoirs concernent la qualité de l’objet vendu, la manifestation de ses défauts, la livraison de la marchandise, l’assurance donnée à l’acheteur d’une paisible possession.

1. Qualité de l’objet.

L’objet doit répondre aux conditions de la vente : sa qualité doit être celle sur laquelle on s’est entendu. Si le vendeur ne peut livrer l’objet même de la transaction, il doit fournir à l’acheteur quelque chose d’équivalent, susceptible de lui apporter la même utilité. Les falsifications notables rendraient le marché illicite et nul : les exigences de la justice commutative doivent être respectées.

2. Manifestation des défauts.

Le vendeur doit faire connaître à l’acheteur les défauts substantiels qui rendraient l’objet impropre aux fins que s’en propose l’acheteur. Personne, en effet, n’entend faire un achat inutile. Quant aux défauts accidentels qui ne rendent pas absolument impropre à sa destination la marchandise achetée, le vendeur est tenu de les faire connaître, s’il est interrogé à leur sujet. Ne répondant pas et cherchant même à tromper l’acheteur, il manque positivement à la loyauté et à la justice. S’il n’est pas interrogé, il n’a pas d’obligation stricte de faire connaître les défauts de l’objet vendu, surtout si ces défauts sont apparents. Il agira honnêtement en faisant un prix inférieur. L’acheteur, en ce cas, doit se rendre compte lui-même et interroger.

Le code civil français a précisé en ces termes la doctrine générale (art. 1641-1649).

Art. 1641 : Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise on n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.

Art. 1642 : Le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même.

Art. 1643 : Il est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n’ait stipulé qu’il ne sera obligé à aucune garantie.

Art. 1645 : Si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur.

Art. 1646 : Si le vendeur ignorait les vices de la chose, il ne sera tenu qu’à la restitution du prix et à rembourser à l’acquéreur les frais occasionnés par la vente.

3. Livraison de la chose vendue.

Le vendeur doit remettre à l’acheteur l’objet vendu, c’est-à-dire lui en transférer la propriété et la possession. L’objet doit être livré dans l’état où il était au moment de la vente, avec tous les fruits qu’il a pu produire depuis le moment de la convention. Si la convention a déterminé le temps, le lieu et la manière de la livraison, il faut s’y conformer ; sinon, se conformer aux coutumes reçues ou aux prescriptions de la loi civile. De plus, le vendeur doit veiller à la conservation de la chose vendue jusqu’au moment où l’acheteur doit en prendre livraison : tout dommage survenu par sa faute l’oblige à réparation.

Le code civil français règle minutieusement ce devoir dans ses articles 1604-1624. Voici les principaux articles.

Art. 1609 : La délivrance doit se faire au lieu où était, au temps de la vente, la chose qui en fait l’objet, s’il n’en a été autrement convenu.

Art. 1610 : Si le vendeur manque à faire la délivrance dans le temps convenu entre les parties, l’acquéreur pourra, à son choix, demander la résolution de la vente, ou sa mise en possession, si le retard ne vient que du fait du vendeur.

Art. 1611 : Dans tous les cas, le vendeur doit être condamné aux dommages et intérêts, s’il résulte un pré-