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jusqu’au paroxysme l’opposition entre les groupes vaudois et l’Église catholique ; — 4° de multiplier les cas de fréquentation des églises catholiques par des adhérents vaudois animés d’un grand anticléricalisme, mais désireux d’échapper aux poursuites.

Pour être complet, il convient de rappeler que les frères admirent au début des sœurs dans leurs rangs. Mais, pratiquement, les sœurs furent très vite, surtout en pays lombard, confinées dans des hospices ou asiles charitables. En tout cas, elles ne furent que rarement admises à prêcher.

On constate aussi l’existence de ministri, qui n’étaient ni des diacres ni des prêtres et que l’on choisissait parmi les novellani. Ces ministri étaient chargés ou de missions matérielles ou de la direction des écoles de la société. Ils n’appartenaient pas à la hiérarchie proprement dite. C’était le commune qui leur confiait des fonctions temporaires pour les besoins de la société.

Il est à noter que la secte, dans tout le cours de son histoire, ne compta guère que de pauvres gens, paysans, artisans surtout.


III. Doctrines.

Le mouvement vaudois avait commencé par un simple schisme, à la suite de la résolution prise par les disciples de Valdès ou Valdo de ne pas obéir à la défense qui leur était faite de prêcher. Mais leur grande ignorance, leur manque absolu de formation théologique les rendait singulièrement vulnérables. Ils ne tardèrent donc pas à verser dans l’hérésie.

Leur point de départ doctrinal fut le biblicisme absolu. Ils avaient voulu embrasser la pauvreté apostolique. Ils en trouvaient la formule dans l’Évangile. De là au culte exclusif de la Bible, il n’y avait qu’un pas, qui fut immédiatement franchi. Les vaudois devinrent les hommes d’un seul livre. On assure que Valdès lui-même avait pris soin de se faire traduire la Bible en langue vulgaire. On croit que, dès 1179, il était en possession d’une Bible en provençal et que cette traduction fut utilisée dans toute la France et même en Lombardie pour la prédication. En Allemagne, par contre, il fallut faire une traduction dans la langue usuelle. L’anonyme de Passau dit formellement : Novum et Vêtus Testamentum vulgariter transtulerunt. Ces traductions faites sans compétence ne furent pas exemptes de contre-sens. Cela n’empêcha pas les pauvres de Lyon (appelés aussi léonistes) d’en débiter en toutes rencontres d’immenses tirades, le plus souvent par cœur. Même chez les simples fidèles ou amis, il se rencontrait fréquemment des gens complètement illettrés qui n’en étaient pas moins capables de réciter les évangiles des dimanches, tout le livre de Job ou les quatre évangiles en entier de mémoire. Leurs enfants commençaient dès le plus bas âge à apprendre les évangiles et les épîtres. La prédication des diacres, des prêtres, des évêques, consistait surtout en citations bibliques, portant sur les points essentiels de la vie chrétienne : appel de Jésus à la pénitence, Sermon sur la montagne, passages contre les jurements, contre le mensonge, contre l’effusion du sang, etc.

Ceci nous amène naturellement à préciser les points de l’enseignement vaudois. On remarquera tout de suite qu’il y a entre cet enseignement et celui des cathares ou albigeois de grandes ressemblances. Comme, néanmoins, les vaudois eurent toujours soin de se distinguer des cathares, on est amené à croire que les cathares essayèrent de les attirer à eux, mais que les vaudois ne consentirent à admettre de la doctrine cathare que ce qui leur parut fondé sur les Écritures. La Bible était, en effet, pour eux la norme suprême de la foi et de la vie, norma docendi et Vivendi. Ce ne fut donc qu’à travers l’Écriture, telle qu’ils

la comprenaient du moins, que des analogies se réalisèrent entre leur théologie et la théologie cathare. Les points de ressemblance les plus évidents furent les suivants : 1° rejet de toute espèce de serment ; — 2° condamnation si rigoureuse du mensonge que tout mensonge était considéré comme péché mortel ; ’— 3° condamnation du service militaire et du métier des armes ; — 4° condamnation des tribunaux criminels et de la peine de mort, dans le domaine pénal ; — 5° identification de la perfection avec la pauvreté ; — 6° observation de trois jours de jeûne par semaine, les lundis, mercredis et vendredis ; — 7° négation du purgatoire et par suite de l’utilité des messes pour les morts et des prières à leur intention ; — 8° observation stricte des prescriptions faites par le Christ à ses apôtres, pour leur première mission. Matth., x, 6 sq. Il n’est pas jusqu’au nom de pauperes que les cathares ont parfois usurpé. On doit regarder comme invraisemblable que de si nombreuses ressemblances soient l’effet du hasard. Il y a donc eu influence certaine des cathares sur les vaudois, mais, comme nous l’avons observé, avec la limite de l’appel à la Bible.

Il convient de rechercher par conséquent les justifications bibliques invoquées par les vaudois.

1. Contre les serments.

« Et moi, je vous dis de ne faire aucune sorte de serment, etc. » Matth., v, 34 sq. Pour les vaudois, cette interdiction ne pouvait comporter aucune sorte d’exception. Alain de l’Isle, dans sa Summa quadripartita adversus hujus temporis hsereticos, P. L., t. ccx, col. 371 sq., composée vers 1202, est le premier témoin qui atteste cette particularité importante de l’enseignement vaudois. On n’est donc pas surpris de rencontrer dans la profession de foi imposée aux convertis de l’hérésie vaudoise, par Innocent III, en 1210 (lettres des 12 mai et 1 er juillet), une mention expresse de la licéité du serment : « Nous ne condamnons pas le serment, bien plus, nous croyons de tout cœur qu’il est permis de jurer avec vérité, en jugement et justice. » Denz.-Bannw. , n. 425.

2. Contre le mensonge : « Que votre langage soit : Cela est, cela n’est pas… ». Matth., ibid., 37. Naturellement, l’Église n’a jamais inculpé les vaudois au sujet de leur horreur du mensonge, encore qu’elle leur ait parfois reproché de dissimuler leurs croyances en fréquentant des églises dont ils critiquaient les usages et condamnaient le clergé. Mais la théologie morale catholique n’admet pas que tout mensonge soit également grave et elle enseigne qu’il est des mensonges où l’on ne doit voir que des péchés véniels.

3. Contre le service militaire et contre la peine de mort. — Ces deux points étaient rejetés par les vaudois en vertu du texte suivant du Sermon sur la montagne : « Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens : « Tu ne tueras point, etc. » Matth., v, 21 sq. Ils insistaient sur la recommandation du Christ : « Accorde-toi au plus tôt avec ton adversaire, pendant que vous allez ensemble au tribunal… » Ibid., 25 sq.

Sans faire allusion directement au service militaire, la profession de foi d’Innocent III disait : « Au sujet du pouvoir séculier, nous affirmons qu’il peut, sans péché mortel, exercer un jugement portant effusion du sang ( judicium sanguinis), pourvu que, pour pratiquer la répression, il ne procède ni par haine ni avec imprudence, mais par jugement et avec modération (consulte). » Denz.-Bannw., . n. 425.

4. Contre les prières et messes pour les morts. — Il semble que les vaudois en soient venus à condamner cette pratique et le dogme du purgatoire, parce que le clergé catholique, en recevant des honoraires de messes ou des fondations pour les défunts, tirait de là des revenus que les vaudois estimaient contraires