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1635 TRINITÉ. NOVATIEN 1636

substance, même état, même pouvoir, même vertu : non quasi non et Pater deus et Filius deus et Spirilus sanctus deus et dominus unusquisque. Ibid., 13, col. 169. Les trois personnes ne sont d’ailleurs pas unus : unus enim singularis numeri signiflcatio videtur ; mais unum, ainsi que l’affirme Notre-Seigneur dans l’Évangile, en parlant de ses rapports avec le Père : at nunc, cum duo masculini generis unum dicit neutrali verbo, quod non pertinet ad singularitatem sed ad unitatem, ad similitudinem, ad conjunctionem, ad dilectionem Patris, qui Filium diligit, et ad obsequium Filii qui voluntati Patris obsequiiur, « unum sumus dicens ego et Pater », ostendit duos esse, quos sequat et jungit. Ibid., 23, col. 184. Et encore : Qui très unum sunt, non unus, quomodo dictum est : « ego et Pater unum sumus », ad substantiæ unitatem, non ad numeri singularitatem. Ibid., 25, col. 188.

Cette unité de substance, Tertullien ne la regarde pas comme simplement spécifique ou générique ; elle est numérique et absolue. Il insiste en effet sur le fait qu’il y a entre le Père et le Fils distinction et distribution de l’unité, non pas séparation et division, mais il déclare en même temps que les trois personnes ne possèdent qu’une seule substance, que le Fils n’est Dieu que de l’unité du Père.

Sans doute, toutes les formules qu’emploie Tertullien ne sont pas également heureuses : on a pu discuter ce qu’il dit de la subordination du Fils par rapport au Père ou encore les passages dans lesquels il représente la substance du Fils comme une portion de celle du Père : Pater emim tota substantia est, Filius vero derivalio totius et portio. Ibid., 9, col. 164. Ces expressions sont assurément malheureuses ; elles sont le fait d’un théologien qui essaye de scruter le mystère sans avoir encore à sa disposition un vocabulaire suffisamment éprouvé. Ce qu’il faut surtout retenir des tentatives faites par le grand Africain, c’est d’une part l’emploi des mots una substantia tres personse, qui resteront classiques dans la théologie latine et qui serviront désormais à exprimer l’unité divine et la trinité des personnes ; c’est encore et peut-être surtout le fait que Tertullien est sûr, en parlant de la sorte, d’exprimer la foi traditionnelle de l’Église. À l’adversaire qu’il combat, ce Praxéas qui n’est que d’hier, s’oppose la règle de foi : voir ci-dessus, col. 1608. Tertullien peut bien déclarer que sa foi a été encore éclairée par le Paraclet et manifester ainsi son attachement à l’erreur montaniste. La règle de foi qu’il transcrit est celle de toute l’Église et sa vérité est assurée par l’argument de prescription.

3. Novatien. —

Le De Trinitate de Novatien est plus récent que l'Adversus Praxean de Tertullien, mais nous ne saurions préciser à quelle occasion il a été écrit. L’auteur y prend à parti des hérétiques qui semblent bien être les partisans d’Artémon et l’on peut croire qu’il a rédigé son livre un peu avant 250. Il n’est pas possible d’en dire davantage. En tout cas son exposé se recommande par sa clarté et sa simplicité. Il nous suffira d’en rappeler les points essentiels. Pour le détail, voir l’art. Novatien, t. xi, col. 821-829.

La règle de la vérité exige que l’on croie d’abord en Dieu, Père et Seigneur tout-puissant, créateur de toutes choses. Il faut croire, en même temps qu’en Dieu le Père, au Fils de Dieu, Jésus-Christ, Notre-Seigneur, véritablement Dieu comme son Père. Il faut enfin croire au Saint-Esprit, jadis promis à l’Église et donné en son temps par le Christ qui l’appela tantôt Paraclet, tantôt Esprit de vérité. Telle est la doctrine commune et traditionnelle de l’Église. Texte dans P. L., t. iii, col. 885 sq.

Novatien n’insiste pas sur le Saint-Esprit, et nulle part, il ne lui donne le nom de Dieu ; il se contente de lui attribuer une éternité divine et une vertu céleste, De Trinit., 29, col. 943, et il le déclare illuminator rerum divinarum. Ibid., 16, col. 915. Cela suffit d’ailleurs pour que nous n’ayons aucun doute sur sa pensée. Au plus, faut-il relever qu’il le place entre le Fils de qui il reçoit et les créatures auxquelles il donne.

Toute l’attention de Novatien est concentrée sur les relations du Père et du Fils, et voici comment il les exprime au c. 31 du De Trinitate, qui résume tout l’ouvrage : « Dieu le Père est auteur et créateur de toutes choses, seul sans origine, invisible, immense, immortel, éternel, seul Dieu, incomparable en grandeur, en majesté, en puissance. De lui, quand il voulut, naquit le Verbe son Fils, qui seul connaît les secrets du Père. Bien que né du Père, il est toujours dans le Père avant tous les temps, sinon le Père ne serait pas toujours le Père. Néanmoins, le Père le précède en tant que Père ; et le Fils, procédant du Père, est moindre que lui. Donc, à la volonté du Père, il procéda du Père, substance divine, appelée Verbe, par qui toutes choses ont été faites. Il est donc avant toutes choses, mais après le Père, seconde personne après le Père qui a seul en propre la divinité : Deus utique procedens ex Deo, secundam personam efficiens post Patrem qua Filius, sed non eripiens illud Patri quod unus est Deus. « Fils unique et premier-né de celui qui, n’ayant pas d’origine, est seul principe et chef de toutes choses, il a manifesté le Père qui est le seul Dieu. Soumis au Père en toutes choses, bien que Dieu lui-même, il montre par son obéissance Dieu le Père de qui il procède : Dum se Patri in omnibus obtemperantem reddit, quamvis sit et Deus, unum tamen Deum Patrem de obedientia sua ostendit, ex quo et originem traxit. Il est Dieu, mais engendré pour être Dieu. Il est Seigneur, mais né du Père pour être Seigneur. Il est Ange, mais destiné par son Père à être l’Ange du grand conseil divin. Devant le Père, il est soumis comme Fils, devant tout le reste, il est Seigneur et Dieu. Il reçoit du Père, avant l’empire sur toutes choses, tous les droits et la substance même de la divinité, mais il les remet au Père. Ainsi apparaît-il que le Père est seul Dieu, parce que la divinité qu’il communique au Fils revient du Fils à lui. Médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus, recevant du Père, comme Dieu, l’empire sur toute créature, se soumet avec toute créature à lui soumise à son Père, seul et vrai Dieu. Ita, mediator Dei et hominum Christus Jésus, omnis creaturæ subjectam sibi habens a Pâtre proprio potestatem, qua Deus est, cum tota creatura subdita sibi, concors Patri suo Deo inventus, unum et solum et verum Deum Patrem suum, manente in Mo quod eliam auditus est, breoiler approbavit. De Trinit., 30, col. 947, 948 ; cf. A. d’Alès, Novatien, p. 96-97.

On le voit, Novatien enseigne clairement la génération éternelle du Fils, et il déclare que toujours le Verbe s’est distingué du Père. Il ne reprend pas la distinction chère à saint Hippolyte entre le Verbe immanent et le Verbe proféré et n’indique pas que la création du monde a apporté une modification profonde dans la vie, dans l’état, dans la situation du Verbe : sans doute jusqu’alors il était dans le Père, et il devient alors avec le Père ; il procède du Père : quando Pater voluit, processif ex Pâtre ; cette procession est une génération ; mais elle n’affecte pas la nature du Verbe. Novatien ne dit-il pas cependant qu’à la fin du monde, lorsque le Fils sera parvenu au terme de sa mission, il sera résorbé dans la nature divine et cessera d’avoir une existence propre ? On a cru parfois découvrir cette doctrine dans les dernières lignes que nous avons citées. Mais cette interprétation est assurément inexacte. Le mouvement que décrit ici Novatien n’appartient pas au plan de l’histoire ; il se réalise dans la sphère de cette vie divine qui ne connaît pas plus de déclin que de commencement.