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VATICAN fCONC. DU). L’INFAILLIBILITÉ


chargé l’ambassadeur d’Autriche à Rome de déclarer au cardinal Antonelli, à propos des canons De Ecclesia, qu’il interdirait la publication de tout acte conciliaire que son gouvernement « jugerait illégal et qu’il rendrait judiciairement responsable toute personne enfreignant une pareille défense ». C. L., col. 1570 sq.

Aussi bien toute cette partie du projet primitif De Ecclesia ne vint jamais en discussion. L’ensemble du texte, d’ailleurs, avant de venir devant le concile, subit une refonte totale et l’on en tira deux constitutions, l’une relative aux pouvoirs du pape, la seule qui ait été étudiée et finalement votée, l’autre relative à l’Église elle-même. La première serait le développement du c. xi du projet primitif et c’est comme conséquence de la primauté pontificale que viendrait l’exposé de l’infaillibilité du pape en matière doctrinale. En dépit de la hâte intempestive de nombreux évêques à faire discuter cette dernière question toutes alïaires cessantes, la direction supérieure du concile eut la sagesse d’ajourner le débat jusqu’au moment où aurait été obtenu le vote définitif de la constitution Dei Filius. Voir plus loin.

Les projets d’ordre disciplinaire.

Pendant que

la députation de la foi remettait sur le métier la constitution De fide catholica, ci-dessus, col. 2556, la députation de la discipline saisissait l’assemblée, de la mi-janvier à la mi-mars, de différents projets jadis élaborés par la commission préparatoire. Elle présenta d’abord deux projets, le premier sur les évêques et les vicaires généraux, le second sur la vacance des sièges épiscopaux (schemata de episcopis, de vicariis generalibus et de sede episcopali vacante) ; le troisième sur les devoirs des ecclésiastiques (schéma de vita et honestate elericorum) ; le quatrième sur l’introduction dans l’Église d’un petit catéchisme unique et universel (schéma de parvo catechismo).

La discussion sur le projet De episcopis débuta à la 10e séance (14 janvier). Entre autres orateurs qui intervinrent dans le débat, on doit signaler I’évêque d’Orléans, qui prit la parole sur la question des évêques et des vicaires capitulaires. À propos de l’obligation imposée aux évêques des voyages ad timina apostolorum, il proclama que ces voyages par les renseignements qu’ils apportaient à Rome « pouvaient être d’une très grande utilité au pape et à l’Église ». L’orateur précisa sa pensée en ces termes : « La plus grande partie des maux, dans l’Église comme dans l’État, vient de ce qu’il y en a bien peu qui osent parler ouvertement et franchement à ceux qui ont en mains le pouvoir et leur découvrir ce qu’ils seraient si heureux qu’ils connussent et si malheureux qu’ils ignorassent. » Le double projet fut renvoyé à la commission compétente.

La discussion du projet sur les devoirs des ecclésiastiques, commencée le 25 janvier (fin de la 16e séance), dura jusqu’au 8 février ; elle occupa six séances, de la 16e à la 23e, et finalement le projet fut renvoyé à la commission compétente, qui annonça la prochaine discussion du quatrième projet relatif au petit catéchisme unique et universel. Cette discussion comme la précédente occupa les travaux de six séances, de la 24e à la 29e, entre le 10 et le 22 février. Au cours des débats, Mgr Dupanloup prit de nouveau la parole contre le remplacement des catéchismes diocésains par un catéchisme universel. Il combattit le projet en le jugeant peu pratique. Comme les précédents, le projet fut renvoyé à la commission de la discipline d’où, pas plus que les autres, il ne devait revenir à la discussion des séances générales. En fin de compte, les travaux de la commission préparatoire parurent assez mal accueillis par l’assemblée. A bien des reprises des critiques assez vives

s’élevèrent contre l’administration ecclésiastique et en particulier contre les errements romains. On critiqua surtout la tendance des canonistes officiels à ne voir que les petits diocèses italiens, à perdre de vue les habitudes, fort légitimes parfois, des autres diocèses. Encore qu’on ait prétendu le contraire, ceci n’avait rien à voir avec les dispositions des orateurs dans la question dogmatique de l’infaillibilité.

IV. LA QUESTION DE L’INFAILLIBILITÉ DEVANT l.K CONCILE. — 1° État de la question. — Bien qu’elle ne fût pas spécifiée dans la bulle pontificale datée du 28 juin 1868 ni dans le programme des questions proposées à l’examen du concile, la doctrine de l’infaillibilité n’en restait pas moins la question capitale qui, avant même l’ouverture de l’assemblée oecuménique, dominait toutes les autres questions.

Au point de vue théologique, cette doctrine de l’infaillibilité pontificale arrivait au concile réuni au Vatican autrement mûre qu’au temps du concile de Trente. La question des pouvoirs du pape dans l’Église avait été pour lors écartée. L’infaillibilité pontificale, conséquence directe de la primauté, était généralement enseignée dans la plus grande partie de l’Église. On sait comment se produisit contre elle la Déclaration gallicane de 1682. Voir ici t. iv, col. 185 sq. En fin de compte, l’opposition à l’infaillibilité avait gagné les pays de langue allemande ; elle y dominait à la fin du xviir 3 siècle. Mais, depuis cette époque, en France, grâce aux événements dont nous avons déjà parlé, grâce en particulier à l’impression produite par le livre Du pape de Joseph de Maistre et surtout par les écrits de Lamennais, la thèse de l’infaillibilité avait fait de grands progrès. Elle était devenue dans la plupart des séminaires français l’enseignement commun qui tendait de plus en plus à remplacer celui des quatre articles de 1682, malgré l’obligation de les enseigner imposée aux professeurs par l’ordonnance royale de 1828. Les réactions contre le « gallicanisme » avaient été moins vives en Allemagne, en dépit de l’adhésion personnelle que nombre d’évêques donnaient à la doctrine de l’infaillibilité.

Les partis.

La définition de ce dogme était

loin cependant de rencontrer une adhésion unanime au sein du concile. Si, dans l’assemblée, une très grande majorité appelait de ses vœux, parfois un peu bruyants, cette définition et en pressait la mise à l’ordre du jour par ses réclamations parfois intempestives, une importante minorité ne montrait pas moins d’ardeur à l’écarter des débats, à cause des conséquences fâcheuses d’un acte qui, à ses yeux, allait trop manifestement contre l’état des esprits de nos jours. Entre ces deux partis, la scission se manifesta avant même l’ouverture des délibérations conciliaires. Comme nous l’avons rappelé, les évêques les plus notoires de la minorité avaient été exclus des listes du cardinal de Angelis pour les commissions à élire. À la suite de cet incident, deux postutata se produisirent, pour et contre la définition de l’infaillibilité. Le premier fut signé par plus de quatre cents évêques, tous acquis à la promulgation du nouveau dogme avant même d’avoir mis le pied à Rome. Il s’exprimait ainsi : « Les soussignés demandent très humblement mais très instamment au concile de vouloir bien sanctionner en termes clairs et excluant toute espèce de doute l’autorité suprême et donc exempte de toute erreur du pape, quand en matière de foi ou de morale il décide et prescrit ce qui doit être cru et tenu, ce qui doit être rejeté et condamné par tous les fidèles. » Suivaient les raisons pour lesquelles cette proposition était déclarée opportune et nécessaire, et une liste des définitions émises en ce sens depuis dix ans par divers conciles provinciaux ou