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VATICAN (CONC. DU). ÉTAT DES ESI’HITS
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envoyées à tous les évêques. L’auteur, sans discuter la question doctrinale sur laquelle son sentiment n’avait jamais varié, avait rassemblé dans cet écrit toutes les raisons qui lui faisaient juger la définition en question et d’autres similaires comme inopportunes. On y lisait : « Il s’agit, dit-on, d’un principe, mais ce principe, si c’en est un, est-il donc nécessaire à la vie de l’Église qu’il devienne dogme de foi ? On s’en est passé jusqu’ici, il n’est donc pas indispensable et on ne le réclamait pas. Est-ce en notre siècle qu’il devient nécessaire de toucher à ce principe constitutif, à ce ressort principal de la vie de l’Église ? Est-ce que nous aurions été constitués durant des siècles d’une façon défectueuse et incomplète ? Quand le chêne est vingt fois séculaire, creuser, pour chercher le gland originaire sous ses racines, c’est vouloir ébranler le chêne tout entier. » L’auteur des Observations n’omet rien d’autre part, des objections qui seront celles de la minorité conciliaire : difficultés tirées de la nécessité de définir les conditions de l’acte ex cathedra, difficultés tirées de la double qualité du pape, docteur privé ou universel…, des multiples questions de fait qui peuvent se poser à propos de tout acte ex cathedra…, de l’examen des faits historiques…, du fond même de la question… enfin de l’état des esprits contemporains.

L’évêque d’Orléans semblait malheureusement oublier que, dans les circonstances présentes, ce qui importait par dessus tout, c’était la vérité de la doctrine ; la question d’opportunité, fort grave assurément, était néanmoins une question de conduite. Il parut d’autre part que les Observations de Mgr Dupanloup n’étaient qu’un habile décalque d’une brochure allemande récente due vraisemblablement à la plume de Dœllinger et publiée sous ce titre : Observations sur la question : Bsl-il opportun de définir l’infaillibilité ? Adresse respectueuse aux évêques. C’est contre l’avis de ses conseillers ordinaires, MM. Cochin, de Broglie, de Falloux, de Riancey, que Mgr Dupanloup avait publié sa brochure dont il aurait dû réserver les arguments pour le concile. Or, ce qui devait arriver arriva : la thèse de l’évêque d’Orléans fut attaquée par Louis Veujllot avec la véhémence qui caractérisait la manière de ce polémiste si peu enclin à ménager ses adversaires. Mgr Dupanloup répondit sur le même ton par V Avertissement à Louis Vcuillot. Il énumérait minutieusement les variations de l’Univers et constatait ironiquement son accord avec le Siècle sur le sens des actes pontificaux. En opposant le pape aux évêques, en affirmant que « le pape est Mis de Dieu. le journaliste n’arriverait-il pas à une véritable idolâtrie faite pour déshonorer l’Église ? Cet avertissement communiqué à son clergé, la veille du départ de Mgr Dupanloup pour Home, se terminait par ces mois : » Et le concile achevé, quelles qu’aient été ses décisions, conformes ou contraires à mes veeux, je reviendrai soumis à tout, sans le moindre effort, de bouche, d’esprit et de cœur, docile comme la plus humble brebis du troupeau. » Lettre de Mgr l’évêque d’Orléans nu clergé et aux fidèles avant son départ four Home, 10 novembre 1869.

Telle était l’atmosphère religieuse de la France, avant le concile, une atmosphère enfiévrée par l’ardeur des controverses qu’alimentaient tous les |ours les articles des organes autoritaires.

La controverse liors de l-ranre. — l. En Ailemagne. Ce n’était pas seulement en France que la question du futur concile passionnait l’opinion. I.a controverse trouvait un écho non moins retentissant dans l’Allemagne catholique. Dix-neuf évêques allemands réunis à Fulda, en septembre 1869, avaient npli deux actes importants. Ils avaient d’abord publié une Ici ire dont l’élévation de sentiments

autant que l’esprit chrétien avait produit dans toute l’Allemagne une profonde sensation. C. L., col. 11911196. C’était comme la réfutation indirecte d’une thèse récente de Mgr Dechamps, nommé depuis 1867 archevêque de Malines, et qui, dans une lettre pastorale, avait soulevé la question de l’infaillibilité et de sa définition. Les évêques allemands avaient encore adressé un mémoire secret au pape dans lequel ils s’expliquaient sur le projet de définition dogmatique de l’infaillibilité personnelle du pape et déclaraient unanimement que, dans l’état des esprits, une telle définition leur paraissait tout à fait inopportune et qu’ils considéraient comme un malheur qu’une question si délicate et si pleine d’orages fût portée au futur concile œcuménique. C. L., col. 1196-1197. Le mémoire des évêques de Fulda, daté du 1 septembre 1869. avait fait impression à Rome, où tout le monde, au dire de Mgr Franchi, plus tard secrétaire d’État de Léon XIII, commençait à se convaincre du péril que préparait toute cette agitation extra-conciliaire. Cf. Lagrange, op. cit., t. iii, p. 135.

L’attitude prise par le chanoine Dœllinger, recteur de l’université de Munich et le plus célèbre théologien catholique d’Allemagne était bien plus violemment hostile. Il oubliait ce qu’il avait précédemment écrit : « Pour nous, catholiques, le témoignage du pape dans les choses de la foi a plus d’autorité que l’opinion de tel ou tel savant. Nous regardons ses oracles comme l’expression la plus pure et la plus certaine de l’immuable vérité catholique. » Dœllinger, Gemischle Ehen, p. 65. Le recteur de l’université de Munich publiait, en mars 1869, dans V Allgemeine Zeitung, sous le pseudonyme de Janus, des articles qu’il devait réunir plus tard, fin août 1869, en un volume sous le titre Le Pape et le concile. Il y rejetait le dogme de l’infaillibilité comme contraire à la tradition de l’Église et le qualifiait de « révolution ecclésiastique ». Cette brochure suscita de nombreuses réponses, en particulier de la part de Hergenrôther et de Scheeben. Sur cette agitation allemande, voir Granderath, t. i, p. 187-197 ; 219-237. De nouvelles lettres de Dœllinger signées du même pseudonyme et adressées à la Gazelle d’Augsbourg devaient encore aggraver pendant le concile même l’agitation en révélant au public des discussions conciliaires qui auraient dû rester secrètes.

2. En Angleterre.

La controverse s’était enfin étendue à l’Angleterre où, sous la conduite d’un prélal éminent, Mgr Manning, archevêque de Westminster, le parti dit ultramontain s’était largement développé. Le 3 octobre 1869, Mgr Manning publiait un mandement qui fut immédiatement traduit et inséré dans l’Univers. L’auteur y déclarait le pape personnellement infaillible, et pour cette affirmation s’était servi de l’expression aparl from. « séparément des évêques i, ce qui pouvait, au pied de la lettre, s’entendre de deux façons : ou bien sans les évêques. sans leur con cours direct, ou bien contre les évêques. en opposition possible avec le corps épiscopal. Ft c’était dans ce dernier sens que l’organe français avait traduit. Mgr Manning expliquera plus tard sa pensée et son expression dans une lettre à l’évêque d’Orléans. Mais la traduction était là, non démentie. Et cette façon d’entendre l’infaillibilité, si peu conforme à la définition finale sortie des délibérations conciliaires, et ail bien faite pour soulever de vives discussions, plus vives toutefois en France qu’en Angleterre, où le parti libéral, qui se personnifiait alors dans le nom du R. I*. Nevvman, était complètement dominé pal le parti qui recevait les directives de Mgr Manning et ne craignait pas de les pousser aux dernières

limitée.

Quelle était au fond la véritable pensée de Manning