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VATICAN (CONC. DU). ÉTAT DES ESPRITS

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avaient été Frappés par l’Index, fussent-ils comme l’Histoire ecclésiastique de Fleury et la Théologie de Bailly suivis dans la plupart des séminaires, l’auteur du Concile général niait formellement le principe de l’infaillibilité personnelle du pape et invoquait l’histoire pour établir que « la souveraineté partagée entre le concile œcuménique et le souverain pontife ne réside complète que dans leur union ». 1/ Univers tout de suite attaqua l’ouvrage avec sa violence accoutumée, accusant son auteur, et non sans raison, de gallicanisme. Bientôt après, Mgr Pie, évoque de Poitiers, dans une homélie à son clergé, CL., col. 1263, désavouait le savant doyen de la Sorbonne, et plusieurs de ses collègues de France, entre autres les évêques de Montauban et de Rodez suivaient son exemple.

Dans un autre ordre d’idées et spécialement au sujet de l’infaillibilité Mgr Plantier, évoque de Nîmes, avait écrit : « Pour être infaillibles, les décrets des conciles généraux n’ont pas besoin d’être préparés par une discussion. Il n’en coûte pas plus à l’Esprit-Saint de préserver l’Église d’erreur dans le feu d’une acclamation que dans les conclusions d’un débat. » À cette affirmation, Mgr Darboy, archevêque de Paris, avait répondu : « ’Ce qu’on a dit de l’entraînement avec lequel certain dogme serait voté d’acclamation par la majorité des évêques, étouffant ainsi la liberté de leurs collègues dont la conscience ne se trouverait pas tout de suite pénétrée des mêmes lumières irrésistibles, mérite à peine qu’on s’y arrête pour le réfuter. Le bon sens et l’histoire protestent contre ces insinuations malvenues et vaines. » Lagrange, op. cit., p. 137.

La controverse engagée entre les évêques se poursuivait avec plus d’âpreté dans la presse où l’alimentaient presque chaque jour les articles de l’Univers et des autres organes autoritaires. Elle finit par entraîner les rédacteurs du Correspondant, dont les idées sur l’inopportunité de la définition de l’infaillibilité personnelle du pape étaient bien connues, mais qui jusqu’à ce jour avaient cru plus sage d’observer le silence. Ils se décidèrent à le rompre devant l’attitude de V Univers. Leur article parut le 10 octobre 1869. On attribua généralement sa rédaction au prince de Broglie. On devait apprendre plus tard que l’article avait été rédigé à l’évêché même d’Orléans sous les yeux et sous l’inspiration de Mgr Dupanloup par le personnage en question. L’article était favorable au concile, qui permettait aux évêques du monde entier de répondre à l’appel du pape. Il signalait les craintes qui s’étaient fait jour au sujet de l’infaillibilité et exprimait l’espoir qu’elles ne se réaliseraient pas. L’article ajoutait : « Il est difficile de préciser les conditions où le pape enseigne ex cathedra. » Le Correspondant affirmait encore que « l’infaillibilité une fois proclamée s’appliquerait à l’œuvre des papes antérieurs même à des actes que n’admet plus le droit public moderne ». C’était en effet confondre deux ordres d’idées tout à fait différents, l’un dogmatique, l’autre politique, celui-ci dérivant d’une vérité révélée, celui-là d’une judicature reconnue jadis au Saint-Siège par le consentement unanime des nations chrétiennes. Le Correspondant concluait : « Le grand cœur de Pie IX nous est garant qu’il n’a jamais songé à faire du concile une de ces formations solennelles qui, dans les démocraties asservies, viennent colorer la dictature du simulacre de la légalité. On n’y verra pas le plébiscite proposé par oui ou par non à un peuple muet ou ébloui. »

L’ullramontanisme en France.

Comme il

arriva pour le livre de Mgr Maret, l’article de la grande revue catholique fut violemment attaqué par’Univers. À dire vrai, cet article n’atteignit qu’un

public, restreint, il intéressa surtout les lel très et les modérés. Il heurtait d’ailleurs l’irrésistible mouvement qui entraînait vers la proclamation de l’infaillibilité pontificale le gros des masses catholiques françaises dont le grand ascendant de Pie IX avait conquis le cœur. Il ne trouva pas davantage les faveurs de la grande majorité du clergé qui suivait les directives de Louis Veuillot et prenait un plaisir extrême au langage simple, populaire, parfois truculent du vigoureux polémiste. Dans cette altitude du clergé français, il ne faudrait point voir seulement l’effet d’un entraînement passager, irréfléchi, sans préparation qui, sous l’influence d’un publiciste éminent, le poussait à reconnaître au souverain pontife l’autorité spirituelle la plus absolue. Depuis longtemps Lamennais et ses disciples avaient créé dans le clergé français un courant d’opinion en faveur du principe de l’autorité pontificale. La Déclaration de principes soumise au Saint-Siège par toute la rédaction de l’Avenir le 2 février 1831 n’était pas oubliée. Les signataires de cet acte rejetaient comme hérétique et déjà condamnée la doctrine qui proclamait la nécessité du consentement tacite de l’épiscopat pour la validité des jugements rendus par le saint Père en matière de doctrine et de discipline. Ils devançaient ainsi la décision que devait rendre le concile du Vatican relativement à l’infaillibilité dogmatique du pape. Les années n’avaient fait que fortifier et généraliser le mouvement issu de cette déclaration de principes. Les desservants surtout qui représentaient le bas clergé, auquel le pape régnant avait accordé le recours contre les décisions épiscopales, se félicitaient de l’occasion offerte à l’Église par le concile du Vatican d’étendre la puissance religieuse de leur cher protecteur. Suivant le mot bien connu de Mgr Pie. « ce clergé français avait achevé de se dépouiller de ses livrées particulières, maximes, libertés gallicanes ».

C’est la mentalité que Montalembert croyait devoir regretter quand il parlait de « l’abîme où était tombé le clergé français ». Lettre du 9 novembre à I. Dœllinger, recteur de l’université de Munich. On la retrouvait jusque dans les séminaires, en particulier au séminaire de Saint-Sulpice (voir Notes de l’abbé Marius Leris, Bulletin des anciens élèves de Saint-Sulpice, 1941, p. 270, et J. Brugerette, Le prêtre français et la société contemporaine, t. i, p. 233 et t. ii, passim.

Telle était en France, avant le concile, la surexcitation des esprits tant du côté des infaillibilistes que du côté adverse, qu’on ne saurait s’étonner si, lors du pétitionnement en vue de la proclamation de l’infaillibilité pontificale provoqué par l’Univers et de la souscription ouverte dans ses colonnes pour couvrir les frais du concile, une foule innombrable de prêtres et de fidèles avaient trouvé dans cette double initiative l’occasion de manifester leurs sentiments. Cette sorte de plébiscite en matière de dogme, comme cette souscription accompagnée de commentaires passionnés, étaient pour le moins d’une convenance discutable que ne pouvait manquer de relever le bouillant évêque d’Orléans : « Quoi donc, répétait-il. l’Église enseignée dicterait d’avance de cette étrange façon des décisions à l’Église enseignante ? Et qu’adviendrait-il, si l’on organisait des pétitions en sens contraire ? N’était-il pas temps d’arrêter le courant ? » Aussi le Il novembre 1869 paraissait sous son nom une brochure intitulée : Observations sur la controverse soulevée relativement à la définition de l’infaillibilité au futur concile.

Ces Observations communiquées d’abord au Français, puis à la Galette de France et à l’Union de l’Ouest, organe de M. de Falloux, furent ensuite