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VATICAN (CONC. DU). ÉTAT DES ESPRITS


suites. — Mais la réunion de tant d’évêques à Rome avait pour Mgr Dupanloup un autre sens, que celui de ses correspondants. Il n’y voulait voir qu’une préparation de l’opinion épiscopale à la convocation prochaine d’un concile œcuménique qu’il se plaisait à saluer comme « une grande et admirable manifestation de l’unité de l’Église, un grand acte d’union catholique qui serait obtenu, comme au concile de Trente, par l’écart des questions controversées entre les écoles ». Aussi bien s’était-il appliqué, dès son arrivée à Rome, à gagner à la pensée du concile tous ceux de ses collègues sur lesquels il pouvait avoir quelque action. Mais, bien qu’ayant toujours cru à l’infaillibilité du pape, il en jugeait inopportune la définition. Il s’était donc efforcé d’en exclure la mention dans l’Adresse que les évêques réunis à Rome devaient présenter au souverain pontife. Texte de cette adresse dans C. L., col. 1033 sq. Mais un clair passage sur la magistrature du pape avait été formellement demandé au rapporteur de cette adresse, Mgr Haynald, archevêque de Kalocsa et Bacs (Hongrie), par un évêque anglais : « Nous ne pouvons pas retourner près de nos catholiques d’Angleterre, avait dit cet évêque, si nous n’obtenons pas cela. » Cité par Lagrange, t. iii, p. 59. Or, le passage en question, sans définir l’infaillibilité semblait en fixer le sens et l’extension. Aussi bien l’évêque d’Orléans crut-il devoir proposer d’ajouter au passage sur le Magislerium ces mots qui en limitaient la portée : ad custodicndum depositum, formule qui fut complétée par cette autre : ut fraternam concordiam intcr nos corroboremus, due à Mgr Darboy, archevêque de Paris.

La question de l’infaillibilité pontificale venait donc d’être ainsi portée à l’ordre du jour par l’adresse épiscopale. Mais Pie IX n’avait-il pas déjà affirmé le droit du pape de définir à lui seul la foi de l’Église, quand, le 8 décembre 1854, il avait promulgué solennellement, sans réunion conciliaire, en vertu de son autorité pontificale, le dogme de l’immaculée conception. Il n’avait point pris toutefois cette grave décision, sans avoir demandé l’avis des évêques et reçu 570 réponses, presque toutes affirmatives.

Le concile et l’opinion.

C’est dans sa réponse

du 1 er juillet 1807 à l’Adresse de l’épiscopat, C. L., col. 1042, que Pie IX indiqua sa résolution de convoquer le concile pour le 8 décembre 1800. Et le pape avait prononcé ces grands mots appliqués au futur concile : perutile, necessarium, commune desiderium.

Mais quel accueil la décision de Pie IX avait-elle rencontré dans le monde catholique ? Le concile serait-il « une aurore et non pas un couchant », comme l’avait annoncé l’évêque d’Orléans, c’est-à-dire « le plus grand et le plus heureux effort que l’Église puisse faire pour l’illumination des esprits et l’apaisement des cœurs » ? (Lettre pastorale du 18 juillet 1808) … Serait-il encore, comme l’avait écrit Mgr Franchi, archevêque de Thessalonique « l’œuvre de pacification que nous voulons, pour ramener à nous la société, non pour l’éloigner davantage ? » (Lettre du 15 octobre). Justifierait-il, au contraire, les inquiétudes de tous ceux qu’alarmait la brûlante question de l’infaillibilité, et qui tout d’abord entrevoyaient la formation de deux grands courants d’opinion prêts déjà à s’entrechoquer flans l’Église ? Il faut bien le reconnattre, les éloges suspects que certains ant i infaillibilistes prodiguaient au Concile ne répondaient pal toujours à leur pensée véritable.

Ce que lis commissions romaines chargées de la préparation des décrets à soumettre au concile et délibérant sous le sceau du plus’rigoureux secret ne devaient pas laisser transpirer au dehors, cessa d’être

un mystère le jour où parut le manifeste de la Civilla catlolica, organe des jésuites romains. Publié le G février 1809 et reproduit aussitôt par Y Univers, ce manifeste eut un immense retentissement. Il occupa toute la presse et même toutes les chancelleries d’Europe. On crut lire, entre autres nouvelles, dans les prétendues révélations de la Civillà catlolica et de V Univers que le concile œcuménique serait très court, qu’il n’y aurait pas de discussions, qu’on y définirait par acclamation l’infaillibilité du pape. On procéderait de la même manière pour l’Assomption de la sainte Vierge. C. L., col. 1102 ab. C’était assigner au concile un but que le pape n’avait pas indiqué.

Mais qui donc avait été autorisé à publier de pareilles nouvelles ? Qui avait livré le secret des commissions romain.es accusées bien à tort, vu leur esprit de modération, de vouloir pousser les choses à l’extrême ? Comment ne pas être ému ? Vraies ou fausses, les communications de la Civiltù catlolica étaient une faute énorme, moins sans doute pour la prétention qu’elles semblaient indiquer de tracer au concile la conduite à suivre, que pour les conséquences que ce grave incident pouvait avoir sur l’opinion. Ce fut comme la pierre jetée dans la mare des controverses. La polémique, encore peu accentuée, s’aggrava entre ceux que les questions relatives au concile pouvaient opposer, elle entraîna jusqu’à ceux qui avaient jugé sage de s’enfermer « dans un système de silencieuse expectative ». Ce fut le cas de l’évêque d’Orléans, qui jusqu’à ce jour avait constamment résisté à la pression de M. de Montalembert, son ami, contre la tactique du silence jugée par lui « d’abord insensée et ensuite profondément inutile’». Lettre citée dans Lagrange, ibid., p. 124. Pour apaiser l’ardente polémique soulevée dans la presse française entre l’Univers et les organes anticléricaux, Mgr Dupanloup adressa au Français, journal qu’il avait récemment fondé, deux articles qui furent publiés dans les n. des 18 et 19 mars. C’était une protestation contre le manifeste de la Civiltù, qui fit, dit-on, une profonde sensation à Rome, mais ne mit aucunement un terme à la controverse engagée au sujet de l’infaillibilité entre les catholiques libéraux, qui avaient salué dans la convocation du concile le désir du pape de limiter son pouvoir absolu dans l’Église, et ceux qui, appuyant l’initiative de la Civiltù, soutenaient que, non seulement le concile définirait l’infaillibilité personnelle du souverain pontife, mais transformerait encore les formules négatives du Syllabus en propositions affirmatives, c’est-à-dire en articles de foi. De là, dans la presse et dans l’épiscopat. toute une série de manifestations pour ou contre le concile.

C’est ainsi que, malgré les conseils de son frère, l’abbé Jules-Théodore I.oyson, professeur à la Sorbonne, et sans attendre la réunion du concile, le P. Hyacinthe, alors célèbre par ses conférences dans la chaire de Notre-Dame, prenait ouvertement parti contre la convocation par un manifeste que le Temps publiait le 20 septembre 1809 et que reproduisait le journal des Débats dans son n. du 21. II déclarait ce concile suspect et, avec une iniquité par trop criante, lui imputait de n’être pas libre dans sa préparation, ce qui faisait craindre que l’auguste assemblée n’eût pas plus de liberté dans ses délibéral ions. A. Uoutin, Vie du P. Hyacinthe, t. i, p. 319-323.

lui ce même mois de septembre, Mgr Maret. évêque in parlibus de Sura et doyen de la l’acuité de théologie de Paris publiait son livre fameux Du concile général. Voir ici son article. Sans tenir compte du fait que, depuis longtemps, tous les ouvrages où le privilège de l’infaillibilité du pape n’était pas admis