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VALROGER (HYACINTHE DE)

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VALROGER (Hyacinthe de), prêtre de l’Oratoire (181 1-1 869). — Il naquit à Cæn le 6 janvier 1814 ; après avoir étudié la médecine pendant deux ans, il se sentit appelé au sacerdoce qu’il reçut le 20 mai 1837. Nommé aussitôt directeur du petit séminaire de Bayeux, puis professeur de philosophie au grand séminaire de Sommervieu. il devint en 1847 chanoine titulaire de la cathédrale de Bayeux. Nul peut-être n’eut à un plus haut degré la vocation de l’apologétique et quand, en 1852, le P. Gratry restaura l’Oratoire, il sacrifia pour se consacrer à cette œuvre encore incertaine, son repos, sa liberté, sa santé même : sa vie tout entière sera consacrée à la défense de la vérité surtout par la plume. Il passa à écrire tout le temps que lui laissèrent ses charges de professeur de philosophie, de maître des novices, d’assistant de la congrégation. Nous étudierons successivement les divers domaines où il s’est exercé.

I. Les religions de l’Inde.

Le monde philosophique et religieux de l’Inde, longtemps ignoré et enfin découvert, attirait l’attention de beaucoup d’esprits ; des professeurs, imbus d’éclectisme rationaliste, prétendaient trouver dans la presqu’île en deçà du Gange, la source des traditions antiques, le foyer de la civilisation primitive, le principe de toutes les religions de la terre ; d’après eux, par une série d’évolutions, le christianisme est sorti des sanctuaires de Brahma. H. de Valroger répond que les études orientales, loin de nuire à nos croyances, les environnent chaque jour d’une nouvelle lumière ; elles n’ont pas seulement dissipé les objections que le xviiie siècle avait soulevées ; elles ont fourni de nouvelles et innombrables preuves des vérités fondamentales de notre foi.

L’histoire littéraire, politique, philosophique et religieuse de l’Inde est tout ce qu’il y a de plus obscur ; les livres sanscrits sont bien inférieurs à nos Écritures sous le triple rapport de l’authenticité, de l’intégrité et du fond. Les analogies et les ressemblances qui existent entre les usages, les doctrines, les mythologies des Hindous et des autres nations s’expliquent par l’unité d’origine de tous les peuples ; les familles qui se répandirent sur le monde après la confusion de Babel emportèrent avec elles un fonds commun de traditions historiques et religieuses qui se conservèrent en s’altérant. Les colonies juives, établies dans l’Inde plusieurs siècles avant notre ère, ont dû réveiller les souvenirs traditionnels qui s’éteignaient dans la nuit du paganisme. L’Évangile a été porté aux brahmanes par les apôtres eux-mêmes ou du moins par leurs premiers disciples ; saint Pantène, chef de l’école chrétienne d’Alexandrie, n’a-t-il point passé dans ces pays une partie de ses dernières années ? Arnobe comptait les Indiens parmi les peuples chez qui la foi florissait. Comment admettre que rien de ces croyances ne s’y soit conservé ? H. de Valroger étudie ces questions dans Les doctrines hindoues examinées, disculées et mises en rapport avec les traditions bibliques, six articles parus dans les Annales de philosophie chrétienne, juin, octobre, novembre, décembre 1839 ; janvier, février 1840. En mars 1842, il y examine les doctrines contenues dans le Bhagavatapurana et le Vishnu-purana et réfute les objections qu’on en tirait contre le catholicisme. Les Pouranas ne remontent qu’au xiie ou xiiie siècle de notre ère ; aucune ressemblance entre leurs doctrines et nos dogmes ; sous l’influence du panthéisme, tous les êtres y sont confondus dans un même abaissement.

A l’occasion de la publication des Mélanges posthumes d’histoire et de littérature orientale d’Abel de Bémusat, il fait paraître en deux articles : Du bouddhisme. 1. Cosmographie.

2. De l’étendue de l’univers ou du monde considéré dans l’espace. Ibid.,

mai 1844, février 1845. « Dans nos livres saints, tout a un but moral ; lu dogme n’a pas pour fin de satisfaire une vaine curiosité, mais d’éclairer le monde sur sa destinée et sur ses devoirs. Les livres pseudosacrés du bouddhisme… ont été faits pour occuper les imaginations rêveuses et enthousiastes du Haut Orient, comme les contes des Mille et une nuits ont été composés pour amuser les Arabes dans les loisirs du harem. » T. xxviii, p. 351. — « La théologie samanéenne n’est qu’un syncrétisme confus d’erreurs contradictoires et funestes. Seulement, on découvre çà et là, dans la mythologie populaire et dans les spéculations ténébreuses des philosophes, quelques vestiges de traditions patriarcales, à peu près comme on trouve des traces de la tradition catholique au sein des hérésies enfantées par le protestantisme moderne. » T. xxx, p. 127. Il promettait une étude sur la triade Bouddha-Dharma-Sanga, qui ne fut pas composée ; il laissa en portefeuille un long travail sur les Védas qui n’a pas été publié.

II. La philosophie éclectique.

Ces études sur les anciennes religions n’étaient qu’un travail d’approche, il fallait montrer que l’arrêt porté par les évêques contre l’éclectisme rationaliste était parfaitement justifié, que celui-ci portait atteinte à toute saine philosophie. Il compose Plan d’une défense du christianisme, d’après la méthode historique (Ibid., janvier, avril et octobre 1841). À la méthode logique où domine le raisonnement, il faut ajouter la méthode historique où dominera l’observation des faits et l’induction, montrer « que l’Église est la gardienne des traditions les plus anciennes et les plus divines, par conséquent qu’elle possède la plus haute autorité intellectuelle et morale, qu’elle a des titres extérieurs et irrécusables à la souveraineté des intelligences et que nous devons sans crainte la sacrer reine de notre entendement ». T. xxii, p. 33. Perrone en fait l’éloge dans ses Prselectiones theologicæ. De analogia rationis et fidei, sect. i, c. i, art. 1, proposit. iv, et Mgr Affre avait voulu confier à leur auteur une des chaires de la Sorbonne théologique.

Il s’explique dans Des besoins de la controverse philosophique et religieuse. Ibid., mai 1842, janvier 1843 : « Il faut prouver que la base antique de notre foi n’a été renversée ni par la philosophie matérialiste du xvine siècle, ni par l’idéalisme sceptique du xixe. » T. xxiv, p. 358. Il continue en faisant la critique de quelques philosophes, de Cousin d’abord, dont le système, quoi qu’il en dise, nie même l’existence d’un Dieu, de la révélation surnaturelle, de la mission de l’Église. Ibid., février 1843 ; de Schelling ensuite et de Hegel, chefs de toute la philosophie hétérodoxe du xixe siècle (mars, mai, juin). Ces articles parurent en volume en 1846 sous ce titre : Études critiques sur le rationalisme contemporain ; 2e éd. 1878, avec notes sur Cousin, l’école écossaise, le brahmanisme et le bouddhisme. Un des représentants les plus distingués de l’école ainsi combattue, É. Saisset, a rendu à l’auteur cet équitable hommage : « Ce livre est l’ouvrage d’un prêtre éclairé, d’un dialecticien exercé, d’un adversaire habile et courtois, d’un homme enfin parfaitement renseigné sur tous les écrits de la philosophie contemporaine et qui connaît les hommes et les choses. » De la philosophie du clergé, dans Revue des Deux mondes, 25 juillet 1857, p. 309.

Il donne dans le Correspondant de solides réfutations de l’éclectisme : Le dictionnaire des sciences philosophiques, décembre 1844, p. 627 ; De la jeune école éclectique, 10 mars, 25 mars, 10 mai 1845, p. 647, 793, 378 ; Du faux éclectisme ou syncrétisme, 25 octobre 1845, p. 161 ; De l’éclectisme rationaliste, 25 août 1846, p. 537. Appelé en 1852 à faire partie du Comité de l’enseignement libre que présidait le comte Mole,