Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/487

Cette page n’a pas encore été corrigée

2 503

VA LE N TIN. LA REDEMPTION

2504

(Metocheus). Il y a désormais deux mondes, le monde supérieur ou plérôme et le monde inférieur 0UÛarép7][jLa, dont l’unique habitant est jusqu’ici la Sagesse extérieure. Pour remercier le Père d’avoir rétabli l’ordre, tous les membres du Plérôme s’unissent et émettent ensemble Jésus, le fruit commun du plérôme. Cependant la Sagesse extérieure ne peut se consoler d'être séparée du Christ et de l’Esprit par Horos. Elle est saisie de quatre passions : la crainte, la tristesse, l’anxiété et la prière. C’est alors que les éons lui envoient leur fruit commun, Jésus, pour la délivrer des passions qui l’agitent. Jésus sépare en effet les passions de la Sagesse extérieure ; il en fait des êtres substantiels et c’est ainsi que le monde semble prendre naissance.

La cosmogonie telle que l’indiquent les Philosophoumena cesse ici d'être claire. On voit en effet apparaître brusquement une hebdomade, dont le démiurge, créateur de ce monde, est le roi. La production de cette hebdomade est obscure. Ce qui paraît assuré, c’est que les êtres qui la constituent sont de plus en plus imparfaits et qu’on peut les répartir en trois groupes ; selon leur degré de perfection, les pneumatiques, les psychiques qui possèdent un esprit inférieur, une psyché, et les hyliques, qui sont purement matériels. Tous ont d’ailleurs besoin de salut pour que la paix et l’ordre régnent d’une façon définitive dans le monde d’en bas. Telle est l'œuvre assignée à Jésus, un Jésus différent, semble-t-il, à la fois du premier Christ, conjoint de l’Esprit, qui a rétabli la paix dans le plérôme et du premier Jésus, fruit commun du plérôme qui a délivré de ses passions la Sagesse extérieure. Ce Jésus n’est pas né du TrèsHaut seul, c’est-à-dire du démiurge comme les autres hommes, mais d’un Esprit-Saint, à savoir Sophia et du démiurge et il a passé à travers Marie qui lui a donné naissance, sans être proprement sa mère.

Hippolyte ajoute : « Sur ce point, il s’est élevé entre les valentiniens une grande question, cause de schismes et de différends. De là est venue la division de leur hérésie en deux écoles qu’ils appellent l'école orientale et l'école italique. L'école italique à laquelle appartiennent Héracléon et Ptolémée soutient que le corps de Jésus est né psychique : c’est pour cela qu’au moment de son baptême, l’Esprit, c’est-à-dire le Verbe de la mère d’en haut, descendit sur lui sous la forme d’une colombe, créa un corps psychique et l'éveilla d’entre les morts… L'école orientale, à laquelle appartiennent Axionicos et Bardesane, enseigne au contraire que le corps de Jésus était spirituel, car l’Esprit-Saint, c’est-à-dire Sophia, est descendu sur Marie et la vertu du Très-Haut, l’art du Démiurge, est venu modeler ce que l’Esprit avait donné à Marie. » Philosoph., VI, 35.

Les variantes que présente par rapport à celui d’Hippolyte l’exposé de saint Irénée sont loin d’avoir l’importance que leur attribue E. de Faye, op. cit., p. 108 sq. Saint Irénée, après avoir exposé de la même manière que le fait Hippolyte l’origine du plérôme, donne à la Sagesse extérieure le nom d’Enthymésis. Cette Enthymésis n’est autre chose que le désir de Sophia, sa passion personnifiée qui ne peut pas rester dans le plérôme une fois que la paix y a été rétablie par l’intervention du Christ. Une fois personnifiée, Enthymésis prend le nom hébreu d’Achamoth. Évidemment ce nom ne figure pas dans la notice d’Hippolyte, mais il faut une volonté bien arrêtée de prendre l'évêque de Lyon en défaut pour déclarer qu’il y a chez lui comme trois histoires qui sont les variantes d’un même récit, que les deux dernières, l’histoire d’Enthymésis et celle d’Achamoth ont manifestement été calquées sur' le mythe de Sophia et qu’elles ont été introduites après coup dans

le système. E. de Faye, op. cit., p. 111. En réalité saint Irénée se borne à attribuer à la Sophia extérieure des noms qui, ne figurent pas ailleurs, mais qui peuvent fort bien être primitifs, car nous avons vii, à propos de l’Esprit, qu’il devait être désigné par un nom féminin, donc sans doute d’origine et de forme sémitique. Saint Irénée précise encore que la Sagesse extérieure, en essayant de s'élever vers le plérôme et d’en forcer l’entrée, est écartée par Horos, à qui il suffit pour cela de prononcer le nom magique Jao. De nouveau, nous trouvons ici la marque des influences judaïques, mais il n’est pas du tout assuré que ces influences se soient exercées directement sur Valentin. Le nom de Jahvé était, en ce temps là, utilisé comme un prophylactique dans tout le monde oriental ; son emploi par Horos est plutôt un signe de syncrétisme que de toute autre chose.

D’autre part, saint Irénée précise la manière dont est né le monde matériel. Celui-ci a pour origine les passions de la Sagesse extérieure ou Achamoth : Hinc dicunt primum initium habuisse subslantiam materiæ de ignoranlia et tsedio et timoré et slupore. Cont. hær., I, ii, 3, col. 458 ; cf. Ps.-Tertullien, Adv. omn. hæres., 4. Des larmes et de la tristesse est né l'élément humide, Cont. hær., i, iv, 2, col. 483, de son sourire, ce qui est lumineux, des deux autres passions, les deux derniers éléments. Ici encore, notre curiosité n’est pas satisfaite et nous voudrions savoir comment Valentin concevait le passage des passions de Sophia au monde matériel. Mais nous avons peut-être tort de nous poser une semblable question à laquelle l’hérésiarque lui-même n’attachait sans doute aucune importance.

La rédemption.

L’homme, formé par le démiurge, est composé d’un corps et d’une âme, c’està-dire de matière et de souffle vital (psyché). À son

insu, Achamoth sème la substance pneumatique, née d’elle, dans l'âme de certains hommes qu’elle prépare ainsi à recevoir le salut. Il faut en effet que le monde visible soit sauvé et que se renouvellent pour lui des péripéties analogues à celles dont la Sagesse supérieure et Achamoth ont déjà été les héroïnes. Ce salut consiste essentiellement dans la libération de l'élément pneumatique qui aspire vers Dieu et qui doit être séparé des éléments inférieurs auxquels il a été uni. Il est l'œuvre de Jésus.

LTn texte de Valentin, cité par Clément, nous renseigne d’abord sur l’origine de l’homme : « Une sorte d'épouvante survint aux anges en présence de cet être qu’ils venaient de former lorsqu’il proféra des paroles hors de proportion avec ses origines. Cela lui venait de celui qui, sans se laisser voir, avait déposé en lui une semence de la substance d’en haut et parlait avec cette hardiesse en lui. C’est ainsi que, parmi les hommes éphémères, leurs ouvrages sont un objet d’effroi pour ceux qui les ont faits, tels que des statues, des images, bref tout ce que font leurs mains pour représenter la divinité. Car Adam ayant été fait au nom de l’Homme, inspirait la crainte de l’Homme préexistant, lequel était en lui et les anges furent stupéfaits et altérèrent leur image. » Stromal., II, viii, t. viii, col 972. L’homme apparaît donc comme l'œuvre des anges. Mais la présence en lui d’un élément spirituel inspire une sorte d’effroi à ses auteurs euxmêmes et ceux-ci s’efforcent d’effacer, de supprimer de l’homme tout ce qu’il y a en lui de supérieur.

Comment cela ? Sans doute par l’introduction des passions qui l’agitent et le troublent. De nouveau, nous pouvons faire appel à un fragment authentique de Valentin : « Un seul est bon, qui se révèle à nous par l’intermédiaire du Fils, et par lui seul le cœur peut devenir pur, tout esprit mauvais étant expulsé du cœur. Car beaucoup d’esprits y résident, qui ne lui permettent pas de rester pur, et chacun d’eux