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de saint Paul et qu’il aurait de la sorte été capable de rapporter des traditions apostoliques ; que, suivant Tertullien, Adv. Valent., 4, sa rupture définitive avec l’Église romaine, rupture précédée peut-être de mesures provisoires ou de menaces, De præscript., xxx, 2, aurait été provoquée par son dépit de n’avoir pas été choisi comme évêque de Rome. Ces détails semblent bien légendaires et ne sauraient être retenus.

Nous connaissons, surtout par Clément d’Alexandrie, le titre et même quelques fragments des œuvres de Valentin. Ces œuvres comprennent d’abord des lettres : lettse à Agathopous, Stromat, III, vii, 59, édit. Stàhlin, t. ii, p. 223, 1. 12 ; lettre à un groupe d’inconnus, upôç -uvaç, Stromat., II, xii, 114, ibid., p. 132, 1. 6 ; puis des homélies dont une sur les amis, 7T£pi çîXcov, Stromat., VI, lii, 3, p. 458, 1. 12, et une autre dont le titre n’est pas indiqué, Stromat., IV, xin, 89, p. 287, 1. 10.

Hippolyte, Philosoph., VI, 37, cite, comme étant de lui, un court fragment d’un psaume ou d’un cantique, si bien que l’on pourrait admettre qu’il a eu recours au chant pour répandre son enseignement dans le peuple. On peut, il est vrai, se demander, si le passage cité par Hippolyte est bien authentique, car nous avons dans les Philosophoumena un certain nombre de citations apocryphes.

Épiphane, Hæres., xxxi, 5-6, col. 481 sq. cite un assez long fragment qu’il donne comme emprunté aux œuvres des valentiniens ; il n’indique d’ailleurs aucun titre et l’on peut se demander quelle en est l’origine et la valeur. O. Dibelius, Studien zur Geschichte der Valentinianer, dans la Zeitschrift fur N. T. Wissensch., t. ix, 1908, p. 329 sq., n’attribue pas grande valeur à ce texte. Au contraire, K. H oïl, Epiphanius Werke, t. i, 1915, p. 390, le tient pour un des plus anciens morceaux de la littérature valentinienne, sinon pour l’œuvre du maître lui-même. Nous admettons volontiers l’importance de ce fragment ; mais la réserve avec laquelle l’hérésiologue le présente comme provenant d’un écrit anonyme ne nous autorise décidément pas à y découvrir la main de Valentin. Autant en dirions nous des extraits ou plutôt des allusions qui suivent, Hæres., xxxi, 7, 3, col. 485. Sans doute ici, saint Épiphane dit expressément Xéyei. Se ocùtôç ; mais il ajoute prudemment un xcù o[ ooitoù qui donne à réfléchir. Plus loin, il introduit ses citations, données toujours en style indirect, par des formules vagues : cpaat, çâaxouvréç ti fxupcoSeç xal XtjpwSeç. En dépit de certaines impressions défavorables, E. de Faye, Gnostiques et gnosticisme, 2e éd., Paris, 1925, p. 67, n’hésite pas à conclure au sujet de ce texte : « Défalcation faite de (quelques) remarques qui sont tendancieuses, ou qui manifestement s’appliquent aux valentiniens d’un âge plus récent, on n’y trouve rien qui soit en désaccord avec les fragments. Au contraire, les principaux traits ont tous les caractères de l’authenticité. » Nous ne saurions admettre ici une conclusion aussi favorable. Même si l’évêque de Salamine a puisé ses renseignements à des sources autorisées, ce qui est fort douteux, il ne cite pas un écrit authentique de Valentin et nous n’avons pas de raison suffisante pour introduire cet anépigraphe dans notre liste.

Il est possible enfin que Valentin soit l’auteur d’un ouvrage intitulé Sur les trois natures ; cf. G. Mercati, dans Rendiconti del islitulo Lombardo, série II, t. xxxi. Il va sans dire que ces trois natures sont celles des pneumatiques, des psychiques et des hyliques. Mais la question reste posée de savoir si Valentin est réellement l’auteur de ce texte.


II. Doctrine. —

Les sources.

Il est difficile de connaître exactement la doctrine de Valentin. Déjà de son temps, cette difficulté existait. Les valentiniens n’exposaient pas ouvertement leurs croyances qu’ils réservaient aux initiés. Devant le commun, ils se couvraient volontiers des apparences de l’orthodoxie. « Quand les valentiniens, dit Irénée, rencontrent des gens de la grande Église, ils les attirent en parlant comme nous parlons ; ils se plaignent de ce que nous les traitions en excommuniés, alors que, de part et d’autre, disent-ils, les doctrines sont les mêmes ; et puis, ils ébranlent peu à peu la foi par leurs questions ; de ceux qui ne résistent pas, ils font leurs disciples ; ils les prennent à part pour leur exposer le mystère inénarrable de leur plérôme. » Cont. hær., III, xv, 2, col. 918. Tertullien ajoute : « Si vous leurdemandeztout simplement de vous exposer ces mystères, ils répondent, les traits tendus : C’est bien profond ! Si vous les pressez davantage, ils énoncent la foi commune par des formules équivoques. Ils ne confient pas leurs mystères même à leurs disciples avant de les avoir tout à fait gagnés ; ils ont le secret de persuader avant d’instruire. » Adv. Valent., 1. Il y a peut-être quelque exagération dans ces formules. Mais, dans l’ensemble, on ne saurait en suspecter l’exactitude. Par définition en quelque sorte, le gnosticisme est une doctrine secrète, et plus l’enseignement de la gnose qui doit assurer le salut est compliqué, plus il est nécessaire de ne pas en révéler le secret aux initiés. Valentin, nous allons le voir, n’exposait pas un système simple, et il prétendait bien en avoir reçu la connaissance par une révélation. Hippolyte nous a conservé le début d’un psaume dans lequel il rapporte une de ses visions, Philosoph., VI, 37, 7 ; il rappelle ailleurs une autre vision de Valentin à qui le Verbe est apparu sous la forme d’un enfant nouveau-né. Ibid., VI, 43. Évidemment, on ne peut livrer de tels secrets à tout le monde et il est probable que, même dans ses ouvrages authentiques, le maitre était loin d’exposer clairement toute sa doctrine.

Il y a plus. Ses ouvrages ont presque complètement disparu. Les fragments certainement authentiques qui nous restent de lui sont trop peu considérables pour nous permettre une reconstruction complète et surtout ils n’intéressent guère que la morale. Ils sont en effet, presque tous, cités par les Stromates, et l’on sait que, dans cet ouvrage, Clément d’Alexandrie s’intéresse beaucoup plus aux problèmes moraux qu’aux questions proprement dogmatiques. Nous sommes cependant certains que Valentin, comme les autres gnostiques, appuyait sa morale sur des fondements métaphysiques et qu’il commençait par rappeler les origines du monde et du mal avant d’exposer la manière dont on pouvait parvenir à la libération. Or, sur ses constructions métaphysiques, nous ne sommes renseignés que par les hérésiologues. Le premier de tous est saint Irénée, qui écrivait son Contra hæreses aux environs de 180. Dès ce moment, Valentin avait eu des disciples qui avaient plus ou moins transformé sa théologie : sommes-nous assurés que saint Irénée, en dépit de sa bonne volonté évidente et du souci avec lequel il a cherché à se renseigner, a toujours distingué, comme il l’aurait fallu, la doctrine originale du maître et les modifications introduites par ses continuateurs ? E. de Faye, op. cit., p. 23-32, se montre délibérément sévère pour les hérésiologues et en particulier pour l’évêque de Lyon, qui était à la fois un curieux et un homme loyal. Il reste vrai cependant qu’on doit faire avec tout le discernement possible l’examen des doctrines rapportées par lui à Valentin et à ses disciples. Cf. E. de Faye, op. cit., p. 108 sq. Le Syntagma d’Hippolyte est perdu. Nous en connaissons à peu près le contenu grâce au petit traité Adversus omnes hæreses du pseudo-Tertullien, à saint Épiphane et à Filastrius de Brescia. Il semble que, pour exposer le système des valentiniens, Épiphane n’ait pas utilisé le Syntagma,