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VALENCIA. LE VALE NC I A N ISME


1597 ce qu’il écrivit contre les sectaires, nommément contre Herbrand et Kemnitz, en 1580 et 1581. La messe est-elle un vrai sacrifice ? le sacrifice du corps et du sang de Jésus offert par les prêtres catholiques, au Dieu éternel, sous les espèces du pain et du vin ? sacrifice de propitiation pour le célébrant, les fidèles pour qui il est offert et les défunts morts chrétiennement ? Voilà ce que Valencia devait non seulement traiter par manière d’exposé, mais en apologiste, sans se lasser. Prenant appui sur les Pères du concile de Trente et d’autres écrivains catholiques, il débute en montrant que la messe est un vrai sacrifice. Ibid., col. 1304-1308.

Tout, dans la messe, est-il sacrifice ? Non. Aucun des maîtres, dont Kemnitz a travesti la pensée, n’ignore qu’elle comprend des cérémonies destinées avec les prières choisies dans ce but, à composer un milieu de beauté apte à élever les âmes vers le niveau sacré de l’oblation du Christ à Dieu, par son prêtre, sous les apparences du pain et du vin. Mais où donc est le sacrifice véritable ? Grégoire estime n’avoir pas à construire une théorie ; il va présenter de son mieux, du point de vue dogmatique et pour convaincre ses adversaires, celle qu’ont contribué à élaborer les meilleurs théologiens. La thèse qui lui agrée le mieux est celle qu’il résume en ces termes : « Si ce n’est pas la seule consécration, mais encore la bénédiction, la fraction, la mixtion et la communion qui contribuent à accomplir » le sacrifice de là messe, « il consiste pourtant surtout en la consécration. C’est par elle, en effet, que s’opère ce sacrifice. Son essence propre, la consécration, en assure le principal en faisant, par la transsubstantiation du pain et du vin au corps et au sang du Christ, que, de cette manière mystérieuse appelée sacramentelle, le Christ se trouve, sous les espèces du pain et du viii, bon à être absorbé. Et cependant, parce que la nature du sacrifice, en tant qu’il appartient à la vertu de religion, est comme individuelle et composée, elle peut être formée de parties diverses dont il pourra arriver que l’une soit séparée de l’autre. C’est pourquoi, la fraction elle-même et la communion, signes sensibles, peuvent contribuer de façon secondaire à la substance spéciale du sacrifice de la messe. Ainsi, moralement un, le résultat intégral de ces actions, constitue ce sacrifice. Ibid., col. 1308-1311. Cf. ici, t. x, col. 1177.

C’est du rite éminemment sacerdotal de la consécration que sort tout le sacrifice de la messe. Par la transsubstantiation, il opère divinement, sous les espèces du pain et du viii, la présence sacramentelle du Christ de la Cène et de la Croix. Du Christ de la Cène qui, en instituant l’eucharistie, s’offrit lui-même, en victime à immoler au bon plaisir de Dieu, en nourriture et en breuvage pour les hommes ; du Christ de la Croix qui, en obéissant jusqu’à la mort, consomma l’oblation sacrificielle. Cette oblation, rituellement préfigurée dans l’institution eucharistique et consommée sur la croix, se trouve commémorée et mystiquement reproduite à la messe ; principalement de par l’acte consécratoire de transsubstantiation sous les espèces sacramentelles du pain et do viii, secondairement de par la bénédiction, la fraction, la mixtion et la communion du prêtre qui, d’après le concile de Tolède, doit participer au sacrifice. Ibid., col. 1311. Ce n’est pas dans le texte de Valencia toujours cité, et traduit plus haut, que l’on peut trouver tonte la doctrine essentielle de ce théologien sur le sacrifice de la messe et le fondement suffisant de notre résumé. Il faut en recueillir les éléments dans le développement de la controverse avec les sectaires. Aussi bien, pour répondre aux objections qu’il ! opposaient, avait-il moins à établir la réalité du sacrifice de la messe, que sa rectitude. Et

non tam sectarii sacrificium in missa negant, quam rectum legitimumque in ea sacrificium fieri. Ibid., col. 1310. C’est en poussant la controverse avec eux que Grégoire de Valencia est amené, point après point, à montrer comment le rite catholique de la messe est conforme à l’institution de la Cène partant à l’oblation sacrificielle consommée sur la Croix. Ibid., col. 1311-1341. Pour lui, tout relatif à l’absolu du Calvaire, le sacrifice de la messe est cette oblation même en tant que commémorée et rituellement reproduite sur l’autel : à titre principal, en vertu du rite consécratoire de la transsubstantiation ; à titre secondaire, par la bénédiction, la fraction, la mixtion et la communion. D’'immutation au sens de Suarez ou de destruction au sens de Bellarmin, imaginées comme constitutives du sacrifice de la messe, il n’est pas question dans la doctrine de Valencia étudiée sur les textes complets. Ne s’engouant d’aucun système, mais tout entier tendu à penser conformément au concile de Trente et à réfuter les objections foncières des protestants, il a su garder son intelligence disponible et personnelle.


IV. Le valencianisme.

Esquisse du P. Hentrich. —

Dans son Gregor von Valencia, le P. Hentrich voit un « valencianisme » spéculatif résulter d’une double théorie de Valencia : celle de la détermination active et celle de la providence divine. La première se trouve déjà formulée dans le De divinee graliæ natura de 1576 ; l’autre, amorcée dans le De prædestinatione et reprobatione de 1574, reçoit un complément substantiel, dès 1591, au t. i des Commentaires qui furent sous presse dès le début de 1590, sans doute avant l’arrivée du livre de Molina.

La détermination active serait, d’après Valencia interprété par le P. Hentrich, réellement identique à la volonté, pleinement spontanée, et distincte, dans sa réalité, de l’acte second ou vouloir formel. Ibid., p. 147. Comme tel cet agir déterminant n’introduirait, même dans une volonté créée, aucune modification. Ibid., texte du P. de San. Seul, le libre vouloir voulu qui en résulte constituerait cette nouveauté modificatrice et requerrait le concours divin. La détermination active, elle, n’exigerait ni prémotion ou prédétermination ni concours simultané. C’est elle, mais non l’acte second, qui, dans le cas des futurs libres conditionnels, fonderait la prévision divine. Cf. Paul Dumont, Liberté et concours divin d’après Suarez, p. 349-350. Au niveau du surnaturel et sous l’effet de la grâce prévenante, sans autre motion surajoutée, l’homme se déterminerait lui-même activement à tel ou tel choix. Détermination active d’ordre surnaturel, toute spontanée en cet ordre, identique à la volonté surnaturellement disposée, distincte de l’acte second et, s’il s’agit de futurs libres conditionnels, base de l’éternelle prescience de Dieu : tel serait, ici, ce principe du libre choix.

Au sujet de la providence divine concernant notre libre arbitre, Valencia omet, jusqu’en 1591 date du t. I er des Commentaires, d’attribuer à Dieu une infaillible certitude dans la prévision des futurs libres conditionnels. Comme saint Thomas il ne connaît, en fait de science divine, que celle de simple intelligence et celle de vision. I.e futur conditionnel libre lui semble, de soi et pour Dieu, ne comporter qu’une prévision faillible. Dès 1591 il enseigne, dans ses Commentaires, que la prescience divine en est infaillible cl il la fait entrer dans la science de simple Intel ligence. Mais alors, double est l’objet spécifique de celle science : le possible ou non rns de saint Thomas et le futur conditionnel. Valencia, qui fonde sur l’infinité de l’Intelligence divine le tout de son infaillible science éternelle Indépendamment d’un Inadmissible décret prédéterminant, ne paraît pas avoir poussé