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YALKNCIA. DOCTRINES, L’AME HUMAI NK


intelleclion, se connaître par elle-même une fois séparée du corps ? Mais Valencia procède en théologien conciliant : à cause, conclut-il, de la solidarité de nos diverses facultés de connaître ici-bas, cette capacité native peut bien ne pas s’exercer encore. Elle existe, toutefois, et, en passant à son état de vie séparée, notre âme ne passera pas à un mode radicalement nouveau de connaître. Ibid., q. vii, punct. 1, col. 10841091. Combien suggestif est ce point de vue, chacun peut d’emblée le sentir. Mais le commentateur le poussera davantage, à propos de l’âme humaine. Rien de très caractéristique à noter pour ce qui touche à la connaissance, par l’ange, des autres réalités spirituelles et de Dieu.

Au sujet des êtres matériels, il est intéressant de constater que Valencia se montre cohérent en accordant aux anges d’atteindre naturellement, avec leur type spécifique, ces archétypes complémentaires d’où résulte leur pluralité individuelle au sein d’une même espèce. En passant seulement et par anticipation, il déclare incertaine la thèse inspirée d’Aristote d’après laquelle notre intelligence, sur terre, n’aurait aucune intellection directe des singuliers matériels comme tels. Ibid., q. viii, punct. 1-2, col. 1096-1099.

4. Trois suggestions originales.

Au sujet de la destinée des anges, rien de nouveau par rapport à ce qui a été développé dans la théodicée. Valencia leur applique cette doctrine de plein bon sens philosophique et de saine tradition. Ibid., q. xiii, punct. 2, col. 1152-1153.

a) À propos de la peccabilité angélique. — Comme saint Thomas, Valencia dit les anges peccables. Mais il estime, contrairement à ce maître, que Dieu pourrait créer des anges impeccables : soit dans un état de nature pure, soit dans un état de nature surnaturellement agrandie. Jamais, chez eux, ne pourrait alors se produire d’infraction aux préceptes divins naturels ou surnaturels. Leur liberté de choix consisterait à marcher au but en préférant tel bien à tel autre. Évocation, nullement réfractaire à la pensée, d’un univers spirituel incomparablement supérieur au nôtre, et suggestion dont il y a lieu de tenir compte pour éviter de formuler, même au sujet des hommes, une solution trop facile du problème du mal. Cf. Dictionnaire pratique des connaissances religieuses, art. Mal, t. iv, col. 658.

b) D’où vient l’obstination au mal ? — La peine des anges réprouvés est sans fin, comme leur obstination au mal. Mais d’où vient cette obstination définitive ? Du caractère immuable de leur choix, dit saint Thomas. Ce choix, oppose saint Bonaventure, n’a rien en soi d’immuable, procédant d’une volonté créée et portant sur un bien qur, ne la comblant pas, lui laisse naturellement son libre arbitre. Seulement, vu l’odieuse malice de son péché, Dieu lui refuse à jamais cette grâce efficace qui la sauverait. Ibid., q. xv, punct. 1-2, col. 1180-1186. Tout en reconnaissant que le propos de l’ange est normalement beaucoup plus ferme que ne l’est celui de l’homme, Valencia juge plus vraisemblable l’opinion de saint Bonaventure. Ibid., col. 1184-1186. Il a coutume, en face des systèmes trop abstraits, de garder, lucide et saine, l’intégrité de son jugement critique.

c) Subsiste-t-il quelque bien moral dans l’agir des réprouvés ? — On trouve, chez saint Thomas lui-même et chez Cajétan, une vue de l’esprit qui peut se formuler ainsi : immuable de soi, le mauvais vouloir des anges réprouvés ne laisse subsister chez eux la possibilité d’aucun agir délibéré qui ne soit mauvais, d’aucun agir naturel dont la bonté intrinsèque ne soit dirigée au mal. Sum. theol., I a, q. lxiv, a. 2 ad 5um. « Car, écrit Valencia, résumant cette argumentation, tout ce que veulent les démons et

autres damnés, ils le veulent en vue de cette ultime fin dernière mauvaise à laquelle ils adhérèrent par leur péché, se détournant de Dieu… Comme la volonté de quiconque se trouve encore dans l’état d’épreuve ne peut rien vouloir que sous l’angle du bien, ainsi la volonté de celui qui est dans son état définitif ne peut rien vouloir qu’en vue de sa fin dernière. » Ibid., col. 1186. C’est aussi le sentiment de Luther. Duns Scot et Durand, au contraire, estiment que les démons et les autres damnés peuvent natura sua quidem exercere aliquem aclum bonum moruliter. Valencia tient pour plus probable cette opinion-ci. Les damnés, en effet, peuvent regretter l’acte qui causa leur peine éternelle : al istiusmodi aclus est bonus moraliter, et oppositum est errori Lutheri. Ibid. Invitant son lecteur à comparer, avec la psychologie du pécheur d’ici-bas, celle du pécheur damné, notre théologien s’exprime ainsi : « Les pécheurs peuvent, durant leur vie d’épreuve, faire certaines œuvres moralement bonnes et, quoi qu’en ait pensé Luther hérétique, ne pas pécher en tout ce qu’ils opèrent sans la grâce… Or, l’état de damnation n’entraîne pour le damné rien de ce que n’entraîne pas l’état du pécheur non damné. » Ibid., col. 1187.

De l’âme humaine.

Il n’importe pas au seul

philosophe mais encore au théologien de traiter de l’âme. « Premièrement, étant après l’ange la plus excellente des créatures, notre âme révèle avec un relief exceptionnel la supériorité de Dieu et sa perfection. En second lieu, pour dûment comprendre que Dieu est l’ultime but de l’homme et son souverain bien, … il faut connaître la nature, les facultés et les actes de l’âme. C’est en effet par son agir que nous devons nous acheminer à ce but, comme on l’expliquera au t. ii. Voilà pourquoi les Pères ont parlé de l’âme. » Ibid., disp. VI, préambule, col. 1265-1266.

1. Constitution intime et immortalité.

a) Constitution intime. — L’essence de l’âme humaine est, en chacun de nous, un principe substantiel, simple, spirituel et personnellement immortel. Sur ces bases rationnelles de la foi, Valencia commente saint Thomas en étoffant théologiquement ses thèses. Comme ce maître, il rejette l’hylémorphisme spirituel, tenant pour solide la preuve alléguée que voici : essentiellement réceptive, la matière ne saurait être principe même partiel de la vie. Mais saint Thomas écarte de notre âme la composition de matière et de forme pour cette autre raison : cette composition, pense-t-il, bornerait sa connaissance au singulier et en ferait comme une sensation. Elle pourrait aussi, oppose Valencia, s’élever à l’universel. Car, dit saint Thomas lui-même, la matière individualité contribue à la constitution de l’espèce. Ibid., q. i, punct. 2, col. 1.278.

b) Immortalité. — Aucun problème rationnel sousjacent à la théologie n’a été aussi magistralement étudié que celui de notre immortalité spirituelle. Valencia s’y montre aussi fort qu’il s’est montré faible sur la démonstration de l’existence de Dieu. Sept preuves philosophiques sont développées, qui se prennent de l’âme elle-même et de Dieu. De l’âme : de son excellence, de son appétit, de ses actes, de son mode d’agir et de ses devoirs moraux ; de Dieu : de sa bonté et de sa justice. Ibid., punct. 3, col. 1295. C’est en développant ces preuves que Valencia fonde son spiritualisme philosophique.

Interprétant la portée universelle du penser et du vouloir, il conclut que notre âme est accordée à tout le réel. Rien, dès lors, ne saurait lui être contraire, l’user peu à peu, la corrompre. Elle est ainsi naturellement constituée pour vivre toujours. Dieu, qui eût pu ne pas vouloir la créer, contredirait son libre dessein créateur en la laissant retomber au néant. Dieu, vers qui elle se porte par son pouvoir naturel de