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1623 TRINITÉ. SAINT IRÉNÉE 1624

David, mais que, selon l’esprit, il serait Fils de Dieu, étant au commencement auprès de son Père, engendré avant la constitution du monde (30)… Le Père est Seigneur et le Fils est Seigneur. Le Père est Dieu et le Fils est Dieu, car celui qui est né de Dieu est Dieu. Ainsi donc, par l’essence même de la nature de son être, on démontre qu’il n’y a qu’un seul Dieu, quoique, d’après l’économie de notre rédemption, il y ait un Fils et un Père (47). P. O., t.xii, p. 758, 761, 771, 779.

Les exigences de la lutte contre les gnostiques obligent saint Irénée à insister sur l’unité absolue de Dieu : « Il convient de commencer par la thèse principale et capitale, celle qui a pour objet le Dieu créateur, qui a fait le ciel et la terre et tout ce qu’ils renferment, ce Dieu que les blasphémateurs regardent comme le fruit d’une déchéance ; il faut montrer qu’il n’y a rien au-dessus de lui ni après lui ; qu’il a créé non sous une influence étrangère, mais spontanément et librement, puisqu’il est seul Dieu, seul Seigneur, seul Créateur, seul Père, seul contenant toutes choses et donnant l’être à toutes choses. » Cont. haïr., II, 1, 1, P. G., t. vii, col. 709.

Semblablement, saint Irénée doit prouver contre les gnostiques que le Dieu des chrétiens ne diffère pas du Dieu de l’Ancien Testament et que le Père du Sauveur n’est autre que le Dieu adoré par les Juifs. Nous n’avons pas à insister ici sur cette double démonstration.

Il n’y a donc qu’un Dieu. Mais ce Dieu a un Fils qui est Dieu comme lui et qui vient de lui par une génération éternelle : « Dieu, étant tout entier raison et tout entier Logos, dit ce qu’il pense et pense ce qu’il dit. Car sa pensée, c’est son Logos ; son Logos c’est sa raison ; et la raison qui renferme tout, c’est le Père lui-même. Celui donc qui parle de la raison de Dieu et qui prête à cette raison une émission qui lui soit propre, fait de Dieu un composé, comme si Dieu était autre chose que la raison suprême… Si quelqu’un nous demande : « Comment donc le Fils a-t-il été proféré par le Père » ? nous lui répondrons que cette prolation, ou génération, ou prononciation, ou révélation, ou enfin cette génération ineffable, de quelque nom qu’on veuille la nommer, personne ne la connaît, ni Valentin, ni Marcion, ni Saturnin, ni Basilide, ni les anges, ni les archanges, ni les principautés, ni les puissances, mais seulement le Père qui a engendré et le Fils qui est né. Puis donc que sa génération est ineffable, tous ceux qui prétendent expliquer les générations et les prolations ne savent pas ce qu’ils disent, quand ils promettent d’expliquer ce qui est ineffable. » Cont. hæres., II, xxviii, 5, P. G., t. vii, col. 808.

Ce texte est capital, et il ne serait pas difficile d’en trouver beaucoup du même genre dans l’œuvre de saint Irénée. Il commence par mettre en relief l’affirmation de la foi : le Verbe de Dieu, né éternellement de Dieu et Dieu comme lui. Puis il condamne, avec une impitoyable sévérité, tous les curieux qui essaient de comprendre l’ineffable génération du Verbe ; il rejette en particulier la thèse du Verbe immanent et du Verbe proféré que quelques apologistes, nous l’avons vii, avaient cru pouvoir accepter. Peut-être les condamnations portées par l’évêque de Lyon contre toute recherche théologique sont-elles un peu absolues et l’avenir ne les ratifiera pas sans réserve. Elles valent cependant comme une protestation contre les théories des gnostiques et même contre les efforts des philosophes : la révélation n’est pas une sagesse humaine et la foi chrétienne repose sur le seul enseignement du Christ : combien n’est-on pas heureux de retrouver chez saint Irénée des affirmations si simples, mais si faciles à oublier !

Le Fils est Dieu comme le Père. Il est dans le Père et il possède le Père en lui. Cont. hær., III, vi, 2, col. 861. Le Père immense est mesuré par le Fils, car le Fils est la mesure du Père, puisqu’il le comprend. Ibid., IV, iv, 2, col. 982. Ce qu’il y a d’invisible dans le Fils, c’est le Père ; ce qu’il y a de visible dans le Père, c’est le Fils. Ibid., IV, vi, 6, col. 989.

Le Fils est également éternel : « Le Fils, qui coexiste toujours au Père, dès l’origine, révèle le Père aux anges, aux archanges, aux puissances, aux vertus, à tous ceux à qui Dieu veut se révéler. » Ibid., II, xxx, 9, col. 823. « Le Verbe de Dieu n’a pas recherché par indigence l’amitié d’Abraham, lui qui était parfait dès l’origine : avant qu’Abraham fût, je suis, dit-il ; mais c’était pour donner à Abraham la vie éternelle. » Ibid., IV, xiii, 4 ; cf. II, xxv, 3 ; III, xviii, 1 ; IV, xx, 1, col. 1009, 799, 932, 1032 ; Demonstr., 30, 43, P. O., t. xii, p. 771, 778.

Comme le Fils, l’Esprit-Saint est éternel : « Dieu a toujours avec lui son Verbe et sa Sagesse, le Fils et l’Esprit. » Cont. hær., IV, xx, 1. « Le Verbe, c’est-à-dire le Fils, a toujours été avec le Père. Quant à la Sagesse, qui est l’Esprit, elle était aussi auprès de lui, avant la création du monde. Salomon l’a dit : « Dieu par sa « sagesse a établi la terre » ; et encore : « Dieu m’a créée « comme le principe de ses voies ; il m’a établie avant « les siècles. » Cont.hær., IV, xx, 3, jP. G., t. vil, col. 1033.

L’Esprit-Saint reçoit des désignations multiples : il est le cachet divin qui grave sur ceux qu’il sanctifie l’empreinte du Père et du Fils, Cont. hær., III, xvii, 3, col. 930 ; il est aussi l’onction dans laquelle le Christ a été oint par le Père, III, xviii, 3, col. 934 ; Demonstr., 47, P. O., t. xii, p. 780 ; il est encore le Paraclet, Cont. hær., III, xvii, 3, col. 930 ; le don, III, vi, 4, col. 863 ; l’eau vive, V, xviii, 2, col. 1173 ; la rosée de Dieu, III, xvii, 3, col. 930 ; le gage de notre salut, III, xxiv, 1, col. 966. Il est surtout la Sagesse, et cette identification de l’Esprit avec la Sagesse, que nous avons déjà relevée chez Théophile d’Antioche, est très fréquente chez Irénée. Cont. hær., II, xxx, 9 ; III, xxiv, 2 ; IV, vii, 4 ; IV, xx, 1 ; IV, xx, 3, col. 822, 967, 993, 1032, 1033 ; Demonstr., 5, 10, P. O., t. xii, p. 759, 761. Ne concluons pas de là, comme on l’a fait quelquefois que saint Irénée enseigne une doctrine binitarienne : il ne confond jamais en effet le Verbe et la Sagesse ; et celle-ci figure, dans les formules où est le plus explicitement énoncé le dogme de la Trinité, comme le troisième terme de l’énumération. Disons seulement que, sur ce point, l’évêque de Lyon dépend d’une tradition qui paraît être d’origine syrienne ou palestinienne.

Il arrive parfois que saint Irénée représente le Fils et l’Esprit-Saint en disant qu’ils sont les mains de Dieu : image magnifique qui met en relief le rôle des trois personnes divines, le Père concevant et commandant ses œuvres, le Fils les exécutant, l’Esprit Saint les achevant et les amenant à la perfection. Ce ne sont d’ailleurs pas trois ouvriers qui agissent, mais un seul : « Dieu est intelligent et c’est pourquoi il a fait les créatures par le Verbe. Et Dieu est Esprit : aussi est-ce par l’Esprit qu’il a embelli toutes choses… C’est le Verbe qui pose la base, c’est-à-dire qui travaille pour donner à l’être sa substance et le gratifier de l’existence ; et c’est l’Esprit qui procure à ces différentes forces leur forme et leur bonté ; c’est donc avec justesse et convenance que le Verbe est appelé Fils, tandis que l’Esprit est appelé Sagesse de Dieu. » Demonstr., 5.

Au Fils, il appartient spécialement de révéler le Père et au Saint Esprit de sanctifier les âmes. Saint Irénée se complaît à tracer longuement le tableau de cette divine pédagogie : « C’est par cette éducation, écrit-il, que l’homme produit et créé se conforme peu à peu à l’image et à la ressemblance du Dieu non produit. Le Père se complaît et ordonne ; le Fils opère et crée ; l’Esprit nourrit et accroît ; et l’homme doucement progresse et monte vers la perfection, c’est-à-dire se rapproche du Dieu non produit ; car celui qui n’est pas produit est parfait, et celui-là c’est Dieu. Il fallait que l’homme d’abord fût créé, puis qu’il grandît, puis qu’il devînt homme, puis qu’il se multipliât, puis qu’il prît des forces, puis qu’il parvînt à la gloire et que, parvenu à la