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VALENCIA. ECRITS


bon aloi enchante ces jeunes jésuites. Promu, au début de l’automne 1575, à la chaire de théologie de l’université d’Ingolstadt, il y enseigna dix-sept ans. Déchargé de ses cours, à l’automne de 1592, il poursuit et mène à bien la publication de ses Commentaires théologiques : l’essentiel de son œuvre écrite.

En janvier 1598, Aquaviva mandait à Rome, pour enseigner et diriger les études au Collège romain, le P. de Valencia. Poste de premier plan dans la première école de la Compagnie. Enfin.au début de 1600, échut au théologien l’importante et dure tâche de défendre, aux congrégations De auxiliis, le livre et la doctrine de Molina : d’abord devant les cardinaux puis devant Clément VIII. Labeur énorme de préparation et de discussion, d’autant plus épuisant, pour les théologiens jésuites, qu’ils devaient, sans être eux-mêmes autorisés à censurer la doctrine de Banez, se prémunir contre une surabondance de textes puisés par leurs adversaires dans les divers écrits de saint Augustin. À la fin de 1602, le P. de Valencia tomba, épuisé. Ses supérieurs l’envoyèrent à Naples, se refaire. Hélas ! trop tard. Le théologien espagnol y mourut, le 25 mars 1603, à l’âge de cinquante-quatre ans.

Les archives de la Compagnie marquent naturellement les côtés forts et les côtés faibles du P. de Valencia. Au total, il y apparaît comme un homme noble, droit, personnel sans excès, foncièrement religieux. Affectionné à ses parents et à ses proches, fidèle dans l’amitié, tout dévoué à la défense intellectuelle de la foi catholique en ces temps troublés : ce sont là des mérites de premier ordre. Sur les « procès de sorcellerie, qui se multipliaient depuis deux siècles, avec une intensité spéciale en Allemagne », « qui amenaient d’horribles tortures et d’impitoyables exécutions », on a présenté ici même, avec sa doctrine de bon sens, l’intervention courageuse et finalement efficace du jésuite Spée. Voir Spée, t. xiv, col. 2474-2477. Hélas ! comme en général les prédicateurs et théologiens de son temps, les juges religieux et surtout civils d’alors, Valencia manqua de ce sens intelligent et humanitaire qui, un demi-siècle plus tard, serait le fait de son confrère. Il ne sut pas, lui dialectiquement si fin, distinguer entre les sorcières criminelles et des milliers de pauvres innocentes qu’il eût dû, comme l’admirable P. Spée, contribuer à sauver. Les rapports, qu’il a lui-même rédigés en grande partie, des facultés de théologie et de droit de l’université d’Ingolstadt nous le montrent enfant de son temps et de son milieu : esclave de cette hantise collective de la sorcellerie criminelle qui, dans l’Allemagne d’alors, subjuguait plus ou moins tout le monde. Erreur regrettable, certes, mais qui laisse intacte sa droiture morale. Dans sa polémique contre les protestants, Valencia ne sut pas garder assez de retenue dans ses formules, répliquant un peu trop de la même encre à la violence verbale de ses adversaires. Dans leur correspondance avec le général, Pierre et Dietrich Canisius déplorent, singulièrement à l’endroit de J. Herbrand, son excessive âpreté. Cf. J. Janssen, L’Allemagne et la Réforme, trad. E. Paris, t. v, p. 449.

Malgré sa situation à part, sa renommée croissante comme maître et écrivain en théologie, la faveur de la cour de Bavière qui le traitait en ami et conseiller de Guillaume V, en guide et compagnon de voyage du comte Maximîlien I er, il sut rester humble et modeste. Ainsi en témoigne, dans un manuscrit biographique, son disciple et confrère le P. Gretser.

II. Œuvres. — 1° Inédits. — Renvoyons, pour les inédits de Valencia, aux indications du P. Hentrich, op. cit., p. 159-160. Il mentionne là ceux qu’il avait découverts, à la date de 1928, en menant sa recherche sur la vie et la signification philosophique du théo logien espagnol. Au n° 42 F de sa liste des écrits, Sommervogel signale un In libros Arislotelis de anima, de 1570, qu’il attribue au P. de Valencia, Bibliothèque, t. viii, col. 399. C’est l’œuvre de Jacobus Valentinus, ibid., col. 401. Le P. Hentrich estime avoir démontré de façon apodictique que G. de Valencia n’est pas l’auteur du De anima daté de 1570, à la bibliothèque de Loches. Ibid., p. 87-92.

Écrits publiés.

1. Caractéristique générale. —

Les écrits publiés de Valencia sont essentiellement théologiques. À très juste titre, il donne ce qualificatif aux Commentaires de la Somme de saint Thomas, où il a condensé l’ensemble repensé de ses publications antérieures. Théologiques, ils le sont par leur matière et par leur forme. Leur matière est ce donné révélé pris tel qu’il se présente, après des siècles d’élaboration, dans la Somme elle-même ; leur forme se trouve constituée par l’apport d’intellectualité surnaturelle qui résulte des preuves diverses : scripturaire, ecclésiastique, patristique et, en un certain sens, rationnelle. Valencia, comme les grands théologiens du xvie siècle, déploie un ample effort de recherche ou de réflexion positive surtout en ce qui regarde les textes des écrivains orthodoxes ou hérétiques : Commentarii theologici, t. i, prsef., vers la fin. Ample effort, par là même, de recherche critique, car, si les textes des Pères sont adoptés, ceux des hérétiques sont examinés et rejetés. Avec la preuve de tradition patristique, celle que Grégoire de Valencia exploite le mieux est celle de discussion rationnelle. Plus sobre que Suarez, et plus alerte, le théologien d’Ingolstadt ne se montre pas moins érudit que lui en ce qui concerne les productions des scolastiques postérieurs à saint Thomas : des créateurs et de ceux qui les commentent avec plus ou moins d’esprit inventif. Érudition digérée à souhait, qui aboutit à une vraie preuve théologique, soit qu’il s’agisse du révélé inaccessible, en soi, a notre raison naturelle, soit qu’il s’agisse du révélé accessible, de soi, à cette raison. Dans le premier cas, en effet, c’est un mystère, Dieu un et trine par exemple ou le Verbe incarné, qu’il s’agit de penser, si l’on ose dire, dans ce rapport d’analogie ou de secrète harmonie que les créatures de Dieu, vestiges ou images de son agir et de son être, révèlent et constituent. Est-ce là proprement philosopher ? Non, mais c’est opérer un travail rationnel allant, par la voie d’une analogie où communient raison et foi, à dépasser l’horizon de la pure raison humaine. C’est faire de la saine théologie scolastique. Dans le second cas, lorsqu’il s’agit d’une vérité naturelle surnaturellement révélée telle que la création des êtres ou simplement l’existence de Dieu, Grégoire de Valencia ne laisse pas de penser encore en théologien, puisqu’il mobilise les preuves script uraires et patristiques. Quand il en vient, comme saint Thomas, à la preuve de raison proprement dite, il n’oublie pas que c’est en vue de la foi qu’il met en jeu l’intelligence.

Quel jugement de valeur porter sur la forme théologique de ses écrits, singulièrement de ses Commentaires ? Cette forme est ici, comme chez les grands théologiens du xvie siècle, véritablement constituée. Spécialement riche de par les preuves patristique et scolastique, elle abonde aussi en textes bibliques, voire ecclésiastiques. Les diverses preuves proprement théologiques ne sont plus seulement indiquées, amorcées ou esquissées, mais amplement développées. Sans doute les théologiens bibliques ou positifs d’aujourd’hui doivent y trouver à reprendre, mais il y reste beaucoup à retenir.

2. Caractéristiques spéciales.

Les formes diverses des écrits publiés par le P. de Valencia se laissent, sans s’y montrer, découvrir dans la liste chronolo-