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une paroisse, soit dans un diocèse (car le Code admet l’existence d’un domicile diocésain, can. 92, § 3). Le terme peut être traduit en français par vagabond, à condition de lui enlever la signification péjorative qui est venue s’ajouter au sens étymologique : vagari, errer çà et là. Quelques anciens canonistes firent d’ailleurs usage du mot vagabundus. Cf. Durand, Spéculum juris, t. I, tit. ii, n. 21 ; Panormitanus, Comment, in Décret. Greg. I-X, t. II, tit. ii, c. 10, n. 13. Quel que soit le terme usité, ceux qui sont désignés, ce ne sont pas seulement les vagabonds proprement dits, qui errent sans point d’attache nulle part et ne désirent point s’en créer, mais encore ceux qui, momentanément, se trouvent sans domicile ni quasi-domicile (parce qu’ils l’ont abandonné sans intention ou espoir de retour) et qui n’en ont pas encore trouvé un autre, ou du moins n’ont pas atteint celui où ils désirent se fixer. C’est le cas de ceux qui sont en route pour une lointaine demeure, qu’ils n’atteindront qu’après un très long voyage ; c’est le cas aussi des populations transplantées en masse, arrachées à leur foyer et qui ne savent encore où elles pourront s’établir.

2° Le canon 111, § 1, fait mention des clercs vagi, pour dire que cette condition juridique n’est plus admise dans le droit canonique actuel. Désormais, tout clerc doit être « incardiné », c’est-à-dire inscrit à un diocèse ou à un institut religieux.

II. Aperçu historique.

1° Le droit romain admettait sans difficulté qu’une personne pût se trouver sans domicile ; mais, parce que l’état de vagabondage était chose rare et plutôt déshonorante, il n’était admis que sur preuves. « Il est difficile, disait Ulpien, que quelqu’un soit sans domicile ; je pense cependant que cela peut se produire lorsque quelqu’un, ayant abandonné son habitation, se trouve sur mer ou en route, cherchant où aller et où se fixer. » Digest, t. L, tit. i, lex 27, § 2. Nonobstant cette doctrine, certains glossateurs, admettant la permanence du lieu d’origine comme titre de véritable domicile, nièrent par là-même la possibilité de l’état de vagabondage. Cf. S. d’Angelo, Jus Dig., t. i, n. 427.

2° Dans l’ancien droit de l’Église, les mêmes principes demeurent en vigueur : la doctrine comme la jurisprudence admet l’état de vagabondage, mais ne le présume pas, à cause de son caractère odieux ; elle en étend cependant la notion à l’absence de quasidomicile. Vagitas in jure est valde odiosa… cum status vagi sit extraordinarius et minime præsumendus. Cf. Rote Rom., in causa Parisien., 4 mars 1916, Decisiones, t. viii, p. 367. Ceux qui furent reconnus tels, « gens sans aveu, qui n’ont ni domicile, ni certificat de bonnes vie et mœurs par personnes dignes de foi », durent être l’objet de mesures de défiance et de précaution de la part du droit civil aussi bien qu’ecclésiastique. S’ils demandaient l’aumône, ce ne pouvait être qu’en dehors des églises : Curabunt custodes ecclesiarum ne mendici per ecclesiam vagentur, aut chorum introeanl, petendæ eleemosynæ prwtextu, divinis offtciis vel concionis lempore, sed in foribus ecclesiarum eleemosynam expectent. Concile de Bourges (1584) ; cf. Conc. d’Aix (1585).

3° La sévérité de la discipline s’exerça particulièrement à rencontre des « clercs errants », qu’ils fussent séculiers ou réguliers. Étaient réputés « vagabonds » les prêtres (ou clercs) qui se trouvaient dans un diocèse étranger, sans avoir obtenu un exeat, ou dépourvus de « lettres de recommandation » (appelées litterse commendatitiie, littera 1 jormatæ, canonicx, pacifier), délivrées par leur évêque ou leur patriarche (en Orient). Les religieux étaient traités de même, s’ils ne pouvaient exhiber une « obédience », c’est-à-dire

une lettre de leur supérieur ou du provincial leur permettant ou leur enjoignant de sortir du monastère.

Les conciles particuliers, tant d’Orient que d’Occident, avaient toujours prescrit la présentation de semblables lettres par le prêtre désireux de célébrer les saints mystères. Le concile de Trente, sess. xxiii, c. xvi, De réf., ne fit que rendre plus stricte cette discipline, que les conciles particuliers, Reims (1554), Bordeaux et Tours (1583), Bourges (1584), Aix (1585), Toulouse (1590), Narbonne (1609), … n’auront qu’à préciser. Déjà bien antérieurement, Urbain II préconisait ce moyen pour empêcher que des prêtres infâmes ne fussent reçus par les évêques. Decretum, II 1 pars, caus. xix, q. ii, c. 2. Et Innocent III répond à l’évêque de Jérusalem, qu’il ne faut pas ajouter foi au serment de ces errants qui jurent avoir reçu des ordres, s’ils n’exhibent point les lettres des prélats qui les ont ordonnés ; ces inconnus ne doivent pas être admis à la célébration de la messe. Décrétâtes Greg. IX, t. I, tit. xxii, c. 3. Jadis certains statuts diocésains exigeaient que ces lettres fussent préalablement visées par l’Ordinaire du lieu où se trouvait le prêtre étranger. Le canon 804, § 2, est aujourd’hui moins sévère, au moins s’il s’agit d’un acte en passant (semel vel bis). Au delà d’un certain laps de temps, le droit particulier continue à exiger, et à juste titre, le visa des « lettres de recommandation » (exeat, celebret, …) par l’autorité diocésaine.

Les auteurs se demandaient, avant le Code, si l’évêque pouvait limiter ou interdire le séjour dans son diocèse, à un prêtre régulièrement muni d’un exeat ou autre permission de son Ordinaire. Aujourd’hui, il faut répondre non, à moins que ce prêtre ne se soit rendu coupable de quelque faute qui le rende indésérable ; sinon, ce serait frapper un innocent d’une sorte d’interdit. En ce qui concerne la célébration de la messe en particulier, le prêtre séculier ou régulier, muni d’un celebret, doit être admis par le recteur d’église, sauf si, entre temps, ce prêtre avait commis quelque faute qui oblige à lui interdire l’autel. Can. 804, § 1.

III. Condition juridique des « vagi », — 1° Les clercs. Nous avons dit que le Code n’admettait plus la condition juridique de clercs vagabonds, can. 111. Cependant, appliqué aux clercs (séculiers ou réguliers), le mot vagus ne doit pas être entendu dans le même sens qu’au canon 91, mais seulement de façon analogique. L’ancien droit les appelait très justement acéphales, c’est-à-dire dépourvus, en tant que clercs, de supérieur ecclésiastique légitime (évêque ou supérieur religieux). Selon le mot d’Innocent XIII, 23 mai 1723, cf. Gasparri, Fontes, t. i, n. 280, § 8, ils étaient incertis sédibus vagantes ; ce n’est pas qu’ils fussent nécessairement dépourvus de domicile ou de quasi-domicile, mais ils manquaient de point d’attache, ils n’étaient pas incardinés à un diocèse ou institut religieux.

Il s’ensuit qu’aujourd’hui un clerc « incardiné » non seulement ne peut plus être qualifié de vagus au sens du canon 111, mais encore ne peut être dit vagus au sens du canon 91, attendu que l’incardination à un diocèse lui octroie un domicile diocésain. Can. 92, § 3. En revanche, un clerc (séculier ou régulier), qui ne serait incardiné nulle part, se trouve dans la condition juridique de vagabondage, rejetée par le canon 111, même s’il a par ailleurs un domicile ou quasi-domicile au sens du canon 91.

Il peut arriver cependant qu’un clerc se trouve, en raison des circonstances et au moins pour un temps, dans une situation voisine de l’état de vagus, par défaut d’incardination. C’est le cas du religieux in sacris (ayant reçu les ordres majeurs), qui, après sa