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V

VACANT Jean-Michel-Alfred, théologien français, fondateur et premier directeur de ce dictionnaire (1852-1901).

I. Vie. — Il naquit à Morfontaine (alors département de la Moselle), le 23 février 1852, d’une famille de cultivateurs aisés et profondément chrétiens. Dès son enfance se révéla chez lui une vive curiosité intellectuelle que favorisait quelque peu une enfance maladive. En octobre 1862, il entrait en huitième au petit séminaire de Montigny-lez-Metz, où il devait faire toutes ses études classiques. Il se plaça dès l’abord parmi les bons élèves de sa classe et ne se laissa jamais évincer. C’est à Montigny qu’il fit sa première communion et qu’il se prépara à la carrière ecclésiastique, sans que rien de saillant vînt troubler ces années de travail et de recueillement. En août 1870 il sortait de rhétorique et se préparait à entrer au grand séminaire. Les événements politiques et militaires retardèrent cette rentrée jusqu’en avril 1871. C’est à cette date qu’A. Vacant est admis au séminaire de Metz, alors tenu par les sulpiciens. Il y suivit des cours d’une philosophie très éclectique ; élève docile, il reflétait aisément l’enseignement de ses maîtres. Mais ces deux années, d’ailleurs incomplètes, de philosophie ne semblent pas l’avoir marqué profondément. Le diocèse de Metz disposait au séminaire Saint-Sulpice de Paris d’un certain nombre de places, le jeune Vacant y fut envoyé au sortir de la philosophie, octobre 1872, il y passera d’abord les trois années scolaires 1872-1875, au cours desquelles il reçut les diverses ordinations : sous-diacre, le 30 mai 1874, diacre à Noël de la même année. Cependant les circonscriptions diocésaines respectives des diocèses de Metz et de Nancy venaient d’être remaniées pour être mises d’accord avec les nouvelles frontières politiques. Le pays d’origine d’A. Vacant faisait désormais partie du département de Meurthe-et-Moselle et du diocèse de Nancy. Le jeune clerc avait le droit d’opter entre son ancien et son nouveau diocèse. Aux vacances de 1875, il se décidait pour Nancy. Comme ses études ecclésiastiques élémentaires étaient terminées, la nouvelle administration diocésaine lui offrit d’entrer à la maison des Hautes-Études de Nancy, récemment fondée, où il aurait préparé ses grades littéraires. A. Vacant préféra demeurer une année encore à Saint-Sulpice, où il suivait ce que l’on appelait le « grand cours », réservé aux clercs ayant terminé leurs études ecclésiastiques et désireux de parfaire leurs connaissances théologiques. Cette année complémentaire, où il semble avoir subi assez profondément l’influence de M. Brugère (cf. ici t. ii, col. 1143), paraît l’avoir orienté dans le sens de la théologie scolastique, qu’il avait jusque-là un peu négligée : le traité de la foi de de Lugo fut pour lui une révélation et il reviendra souvent aux multiples questions qui y sont soulevées. Il est vrai que le jeune diacre était fort pris également par les exercices catéchistiques, très en honneur à Saint-Sulpice. Le 10 juin 1876, il recevait des mains du cardinal Guibert l’ordination sacerdotale.

Nancy le réclama aussitôt et le nomma vicaire à la paroisse Saint-Jacques de Lunéville. A. Vacant ne le demeurerait que quelques semaines ; dès septembre 1876, il était nommé professeur au grand séminaire de Nancy, où on lui confia l’enseignement de la théologie fondamentale. Il occupera cette chaire de 1876 à 1890, joignant d’ailleurs en 1888-1889 à cet enseignement celui de la morale générale. Le départ de L. Chevallier, cf. ici, t. ii, col. 2362, obligé par son état de santé d’abandonner son activité professorale, fit passer A. Vacant en 1890 à la chaire de théologie dogmatique, qu’il gardera jusqu’à sa mort. Ainsi l’enseignement lui donna l’occasion de passer en revue la plupart des problèmes généraux et particuliers que pose la théologie spéculative. Un peu en méfiance contre les « cours dictés », où les élèves moyens risquent bien souvent de se perdre, il en était resté à la méthode sulpicienne, où l’explication d’un manuel est l’essentiel de la tâche du professeur. Donner au moins doué de ses auditeurs l’intelligence exacte du texte de l’auteur, lui en faire saisir toutes les articulations, ne rien laisser dans l’ombre des questions que soulève cette lecture, rectifier au besoin par une petite note dictée telle affirmation trop absolue, c’était à quoi devait se borner, à l’estimation d’A. Vacant, la besogne du professeur, du moins dans les séminaires ordinaires. Il ne cachait pas ses préférences pour cette méthode, qui ne satisfaisait pas tout le monde. À la fin de sa carrière professorale, il écrivait : « De trois manuels que j’ai successivement enseignés assez longtemps, j’ai reconnu par expérience que l’un était détestable, tandis que les deux autres étaient passables. Mais il est vrai qu’un professeur habile peut donner au texte qu’il explique une valeur qu’il n’a point par lui-même. » Rev. du clergé fr., 15 mai 1900, p. 578. Semblablement, il s’efforçait d’éviter, soit dans son enseignement, soit dans les exercices scolaires, tels que les argumentations en forme dont il avait généralisé l’usage, l’emploi des vocabulaires trop techniques : « Les jeunes gens s’imaginent facilement qu’il sont d’autant plus forts en théologie qu’ils savent répéter plus de distinctions techniques. Ils s’habitueraient facilement à se payer de mots. » Ibid., p. 579. On comprend que, dans ces conditions, l’enseignement scolaire d’A. Vacant ait laissé, même à des élèves brillants, l’impression d’une doctrine solide, substantielle, très orthodoxe, très précise et très claire. Peut-être seulement aurait-on souhaité qu’elle ouvrît aux intelligences mieux préparées des aperçus nouveaux, des points de vue que ne signalent pas toujours les meilleurs manuels. Les entretiens particuliers du jeune maître avec ses élèves ont pu. dans certains cas, satisfaire ces desiderata. Ils étaient malheureusement assez rares, non certes que le professeur s’y dérobât le moins du monde, mais on se faisait scrupule d’empiéter sur le temps d’un homme que l’on savait par ailleurs extraordinairement occupé.

Aussi bien ce n’était un mystère pour personne que le travail considérable fourni par A. Vacant, en dépit d’une santé qui ne fut jamais extrêmement