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UTRECHT (ÉGLISE I)'). LE PRÊT A INTÉRÊT

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plus certaines de l'Église et qui est l'œuvre du pape seul, les évêques n’ayant été que de simples exécuteurs ».

Un nouveau décret d’excommunication ne laissa pas d'être porté par le chapitre général de 1727 contre les chartreux réfugiés en Hollande ; le décret déclare ces religieux apostats et, comme tels, soumis aux peines canoniques et aux pénitences imposées aux apostats, s’ils ne reviennent pas à l’ordre, dans l’espace de six mois. Un des religieux fugitifs, dom Antoine Heudelet, revint de Hollande et rentra dans son ordre ; le général lui écrivit, le 5 mars 1729, pour le féliciter ; il ne lui imposait aucune pénitence, mais il lui recommandait la ponctualité dans ses devoirs « pour que ses frères, témoins de sa ferveur, perdissent le souvenir des exemples qu’il avait donnés ».

Les chartreux eurent des imitateurs : quinze religieux de l’abbaye d’Orval, au diocèse de Trêves, dans le duché de Luxembourg, s’enfuirent de leur couvent ; à leur tête étaient le prieur et le maître des novices, Jean-Jacques Holïremont ; ils envoyèrent, le 29 septembre 1725, une Protestation à laquelle répondit l’abbé d’Orval. Il est faux, dit-il, qu’on les persécute ; ce sont eux qui attaquent l'Église, le saint Père et le supérieur d’Orval. Toute l'Église les condamne à cause de leur indocilité et de leur révolte. Il les exhorte à revenir et il promet d'écrire à Son Altesse Électorale, qui leur accordera le pardon.

L'évêque de Montpellier, dans sa lettre pastorale du 1 er décembre 1725, félicite par contre ces « illustres fugitifs que la crainte de plus grands maux avait forcé de chercher un asile dans une terre étrangère » ; de son côté, François Paris, le fameux thaumaturge des appelants, avait pour eux un respect infini. Les jansénistes français célèbrent le courage de ces religieux et achètent pour eux des maisons à Schoonaw et à Rhynwick.

L’arrivée des religieux en Hollande apporta un appui à la petite Église d’Utrecht, mais elle amena aussi des divisions et des troubles dont on trouve l'écho en de nombreux écrits, en particulier dans le Mémoire sur l'état présent des réfugiés français en Hollande au sujet de la religion, 1728, et dans les sept Mémoires sur les projets des jansénistes, dont le premier parut en 1728 et le dernier le 10 juin 1729. Une double question contribua à aggraver les discussions intestines : la question des convulsions et surtout la question du prêt à intérêt.

Un certain nombre de réfugiés était partisan du figurisme et des convulsions. Les convulsionnaires, (basses du cimetière Saint-Médard. s'étaient retirés dans les maisons privées pour s’y cacher ; ils se répandirent Jusqu’en Hollande et ils y trouvèrent quelques partisans, mais surtout de nombreux adversaires.

2° Le prêt ii intérêt. Mais c’est surtout la question du prêt a intérêt qui provoqua des discussions ardentes, car elle touchait à îles intérêts privés et à des usages locaux. Les jansénistes français envoyaient d’abondantes aumônes pour faire vivre les exilés, mais ils semblaient parfois vouloir imposer leurs opinions et on disait que l'.archman les écoutait avec bienveillance.

L'Église avait autrefois condamné le prêt à intérêt et le Y' concile du l.atran en 1515 avait déclaré : il y a usure, quand on cherche à acquérir un gain pour

l’usage d’une chose qui n’est pas. de soi. fruet itère, sans travail, dépense ou risque de la part du prêteur. Mais peu a peu l’usage contraire l'était introduit, "ii divers prétextes : relard apporté par le débiteur

rembourser la créance, risque couru, manque ; i

gagner, usage lucratif de l’argent prêté, etc. Voir cidessus l’art. I SURE. Au xvie siècle. Lalvin distin[II. ni entre le prêt consenti a un pauvre, C'était un

nui. 1. 1 i moi. « ai iiol.

acte de charité, dont le prêteur ne pouvait tirer profit, et le prêt consenti à un riche, qui doit payer un intérêt, en compensation de l’aide qui lui a permis de s’enrichir. En Hollande, les commerçants, dans leurs affaires, avaient établi des usages particuliers au sujet de la rente rachetable des deux côtés. Les prêtres hollandais, les membres du chapitre d’Utrecht et lé doyen van Erckel, étaient tous partisans du prêt à intérêt, tandis que les appelants français, réfugiés en Hollande, et surtout leurs docteurs : Desessarts qu’on appelait Poncet, le chanoine Nicolas Le Gros, Varlet, évêque de Babylone, combattaient le prêt à intérêt qu’ils flétrissaient du nom d’usure ; ils dédaignaient l’opposition des négociants hollandais et publiaient des écrits contre l’usure.

Il y avait déjà eu des discussions. Lin théologien flamand, Opstræt, voir t. xi, col. 1076, dans une lettre du 21 septembre 1710, avait défendu la légitimité du prêt. Mais c’est surtout, à partir de 1728, que les polémiques s’envenimèrent. Thierry de Yiaixiies, dans une lettre du 6 mars 1728, s'était déclaré en faveur du prêt à intérêt. Alors parurent de nombreux écrits : Le court traité des contrats rachetables des deux côtés, in- 12, 1729 ; Discussions par Valkenbergh, chanoine d’Utrecht, 1730 ; De usuris licitis et illicitis, par Broedersen, 1730 ; Observations pacifiques sur la lettre d’un Sorboniste ; Jugement d’un théologien jurisconsulte lirabançais ; Défense des contrats de rente, par Méganck, 1730 ; Suite de cette défense, 1731 ; Dogma Ecclesiie circa usuram expositum et vindicatum, in-4o, Lille, par Le Gros et Petitpied, 1730 (contre le prêt à intérêt) ; Dix-sept lettres louchant la nature de l’usure par rapport aux intérêts des renies rachetables des deux côtés, par Nicolas Le Gros ; Neuf nouvelles lettres publiées en 1741, pour répondre aux objections faites par un négociant hollandais ; Remarques sur une lettre de l'évêque de Montpellier, qui se termine par une liste d'écrits. À cette date commence à paraître le Traité du prêt de commerce, qui semble être l'œuvre d’Aubert, curé de Chanes, docteur de Sorbonne, et fut réédité par J. Boidot et par Et. Mignot en 1759 et 1767, -1 vol. in-12, Amsterdam. Il y eut, en Hollande, comme en France, des « poncettistes » et des « boidottistes > les premiers opposés et les seconds favorables au prêt à intérêt 1, et, par une rencontre curieuse, il se trouva que les adversaires du prêt à intérêt étaient favorables aux convulsionnaires, tandis que les partisans du prêt à intérêt étaient anticonvulsionnaires.

Barchman ménageait beaucoup Poncet et ses amis qui faisaient vivre plusieurs établissements et plusieurs œuvres, tandis que les Hollandais auraient voulu l’expulser, en même temps que le chanoine Le Gros aurait quitté le séminaire d’Amersfoort. En fin de compte ces deux étrangers durent abandonner le pays à la mort de Barchman, le 13 mai 1733.


VIII. L’archevêque d’Utrecht et les évéchés suffragants. —

La mort de l'évêque de Babylone (14 mai 1742), posa un nouveau problème : Meindærtz restait seul évêque dans les Provinccs-Lnics ; s’il mourait sans avoir transmis le caractère épiscopal à un SUffragant, l'Église de Hollande risquait de n’avoir plus d'évêque. D’autre part, une question restait en diSCUSSton : le siège de I laarlem était vacant depuis 1587. le chapitre avait plusieurs fois affirmé son droit d'élire un évêque, mais il s'était toujours abstenu de l’exercer. Deux écrits avaient été rédigés sur ce point par Van Espen : Motivum juris pro capitulo llarlemensi, in-4o, 1703, et licfutalio responsioms ml Motivum, in-4°. 1703 ; ils avaient été adoptés par Swæn, doyen u chapitre d’I laarlem qui les publia sous son nom en 1713. lai 1720. onze curés et leur chef, Pierre Méganck, demandèrent le rétablissement du siège, et comme le chapitre ne voulait pas élire

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