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2395 UTRECHT (EGLISE I)'). PREMIERS DÉMÊLÉS AVEC ROME 2396

.Jacques de La Torre lui succéda de plein droit, le 3 février 1656, à l’insu et, par conséquent, sans l'élection du clergé et du collège vicarial ; il obtint du pape un coadjuteur, Zacharie de Metz, originaire de Bruxelles, qui fut sacré évêque de Tralles. Celui-ci s’occupa surtout du diocèse d’Haarlem et résida à Amsterdam ; il laissa à Neercassel, vicaire général de La Torre, le soin de gouverner le diocèse d’Utrecht.

Jacques de La Torre, par un acte du i( juillet 1658, confirma le collège du vicariat fondé par Rovénius en 1633, afin, dit-il, « d’assurer d’autant plus l’existence du vicariat » ; toutes les expressions dont il se sert supposent nettement que le vicariat n'était point et n’est point un véritable chapitre et l’héritier des droits et prérogatives de l’ancien chapitre : il l'élève à la dignité de sénat perpétuel de l'Église d’Utrecht et de conseil du vicariat, déclarant que son intention était que, dans toutes les causes majeures, l’autorité de ce corps fût considérée comme celle d’un chapitre cathédral, que les membres fussent regardés comme des chanoines gradués. Mais ces titres imposants et ces comparaisons flatteuses ne suffisent pas pour constituer un vrai chapitre. D’autre part, les règlements établis par l’archevêque d'Éphèse sont incompatibles avec l'établissement d’un chapitre. Il faut ajouter que, durant les dernières années de sa vie, La Torre eut des crises mentales qui décidèrent la Propagande à annuler tous les actes de ses cinq dernières années.

Après la mort de Zacharie de Metz, le 13 juillet 1661, le vicaire général d’LTrecht, Neercassel fut nommé coadjuteur de La Torre, qui mourut lui-même peu après, le 16 septembre 1661. La Torre fut remplacé par Baudouin de Catz, tandis que Neercassel fut maintenu coadjuteur, malgré les désirs du clergé qui aurait voulu le voir succéder à La Torre ; cette nomination de Catz fut faite à l’insu et sans le concours du clergé, qui désirait Neercassel. Il y eut, à cette occasion, un quiproquo qui mérite d'être noté. Le bruit de la nomination de Neercassel avait couru et on ne doutait pas qu’il fût le successeur de La Torre, dont la mort était imminente. Le collège du vicariat envoya, le 20 octobre 1661, une lettre de remerciement à Alexandre VII, qui avait daigné exaucer ses vœux. Cette lettre du vicariat montre nettement qu’on ne songeait pas à faire valoir les droits de l’ancien chapitre d’Utrecht, elle ne présente point de candidat et les membres du vicariat ne se donnent pas euxmêmes comme des chanoines, mais comme curés de diverses paroisses, auxquels l’archevêque d'Éphèse a donné le titre de conseillers du vicariat. Cette lettre de remerciement était un peu hâtive, car Neercassel fut nommé non point vicaire apostolique, mais coadjuteur de La Torre encore vivant et, lorsque La Torre mourut, ce fut Baudouin de Catz qui fut désigné pour lui succéder ; le clergé d’Utrecht n’eut aucune part à cette nomination. Pour éviter toute discussion au sujet des deux sièges d’Utrecht et de Haarlem, qui étaient les plus importants des Provinces-Unies, le pape, par les lettres du 24 juin et du 1 er juillet 1662, nomma Catz archevêque de Philippes et Neercassel évêque de Castorie et tous deux furent sacrés à Cologne le 9 septembre 1662. Catz mourut le. 18 mai 1663 et Neercassel eut désormais tous les pouvoirs. Ainsi, quoi qu’en ait dit plus tard Varlet, pour justifier sa conduite (ci-dessous, col. 2403), les vicaires apostoliques désignés par le Saint-Siège n'étaient point archevêques d’Utrecht et le collège du vicariat, établi par Rovénius et confirmé par ses successeurs, n’eut jamais le caractère d’un vrai chapitre.

De tous ces faits, il ressort nettement que la persécution religieuse du xvi c siècle interrompit la succession des évêques de Hollande après la mort de Schenck et anéantit le chapitre d’Utrecht, qui, du reste, n’avait plus le droit d’intervenir dans l'élection de l’archevêque. Quant aux prétendus archevêques d’Utrecht, ils furent et se présentent toujours comme des vicaires apostoliques, désignés par Rome, sans avoir été préalablement choisis par le clergé.

Si l’on en croit Dupac de Bellegarde, Neercassel fut reçu avec les applaudissements de tout le clergé et il fit la paix avec les réguliers. Seuls, les jésuites se dressèrent contre lui et publièrent des écrits qui furent réunis sous le titre de Colleclio momenlosa ; celle-ci comprenait plusieurs libelles : Gravaminn contra Paires Societalis ; Asserlio gravaminum contra prœtensam jesuitarum refulationem… C’est pour cela, écrit Dupac, que les jésuites, pour se venger, dénoncèrent la doctrine de Neercassel et l’accusèrent de jansénisme. Celui-ci se rendit à Rome (novembre 1670) ; il fut reçu par Clément X. D’ailleurs, écrit Dupac, « l’excès même des calomnies des jésuites tourna à leur propre honte et à la gloire du clergé ». Neercassel eut « la consolation d’obtenir deux décrets (25 janvier et 17 mars 1671) qui décidèrent en sa faveur les principaux articles de la contestation… Le prélat victorieux quitta Rome au commencement d’avril 1671°.

Mais ce triomphe partiel ne fut que transitoire. Neercassel publia des écrits qui contenaient le plus pur jansénisme. Voir son article, t. xi, col. 58 sq. Il mérita ainsi d’occuper une place de choix au Nécrologe de Port-Royal. Il donna, dit Dupac, d’excellentes Instructions sur le décret d’Innocent XI du 2 mars 1679 contre la morale des jésuites. Ses amis répètent que les jésuites s’acharnèrent contre lui pour se venger de son zèle à réprimer leurs empiétements continuels. Mais la lecture des écrits de Neercassel suffit pour expliquer les condamnations de Rome : Traclalus de sanctorum ac prxcipue beatee Mariée Virginis cultu, in-8 J, Utrecht, 1665 ; Tractatus de lectione Scriplurarum, in-12, Utrecht, 1679 ; mais surtout Amor pœnilens suivi de Divini amoris ad pœnilentiam necessitate et recto clavium usu libri duo, in-8°, Utrecht, 1682, 1685, traduit par l’abbé Guibert, 3 vol. in-12, Utrecht, 1741. Ce dernier écrit fut dénoncé à Rome et Innocent XI en fit suspendre la publication jusqu'à ce qu’il fût corrigé ; mais, après la mort de l’auteur, sous Alexandre VIII, il fut condamné par l’Index du 20 juin 1690, malgré l’appui de nombreux amis : du Vaucel, Arnauld, Quesnel, et malgré les approbations de l'édition de 1685, parmi lesquelles Dupac cite celle de Bossuet. Neercassel mourut à Zwoll, le 6 juin 1686.


V. Pierre Codde.

Plusieurs fois, durant sa vie, Neercassel avait demandé comme coadjuteur son ami et futur biographe, Llugues van Heussen ; les jansénistes appuyaient cette demande ; mais la doctrine de ce dernier était suspecte à Rome. Après la mort de Neercassel, les démarches se poursuivirent pendant deux ans. Ce fut Pierre Codde qui fut désigné par Innocent XI, le 9 octobre 1688. Codde fut sacré archevêque de Sébaste le 6 février 1689. Il était prêtre de l’Oratoire, comme son prédécesseur, et il avait suivi les leçons de Quesnel. Mais il n’avait pas manifesté ses sentiments. Aussitôt après son sacre, il refusa de signer le Formulaire d’Alexandre VII ; puis il favorisa et laissa se développer les pratiques jansénistes en liturgie, dans les prières du rituel et à la messe, dans les règles de l’administration des sacrements, en particulier de la pénitence. Les livres jansénistes circulèrent parmi les fidèles. Des plaintes nombreuses furent envoyées à Rome. Malgré les démarches de du Vaucel à Rome, le pape Innocent XII ordonna de faire une enquête, après la publication d’un ouvrage qui parut, imprimé en hollandais, en latin et en français, sous le titre de Mémorial abrégé, extrait d’un autre plus ample louchant