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USURE. UTRECHT (ÉGLISE D’)

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à cet argent des voies larges qui lui permettent une circulation rapide, une concentration aux points où il est appelé. Cette mobilité était exigée par les conditions de l’industrie moderne. Elle a eu, elle possède, des avantages incontestés. Mais elle montre de cruelles contre-parties. La finance est devenue reine souvent tyrannique. Et souvent il lui arrive de chercher son intérêt, au grand dommage du travail qui aurait dû garder le premier rang.

Conclusion. —

Devant cet envahissement du monstre capitaliste, devant ses évolutions sur le terrain des ateliers, et beaucoup plus encore de la Bourse, nombre d’observateurs impartiaux deviennent plus réservés dans leurs critiques, à l’égard de la discipline ancienne sur l’usure.

Longtemps il a été de mode de représenter cette législation canonique, cette doctrine de l’Eglise, comme un vestige attardé du passé, comme un préjugé sans fondement. Finalement même on les dénonçait, pour autant qu’elles avaient été eflicaces, comme un obstacle à la marche des affaires. Aujourd’hui les bons esprits seraient disposés à examiner plus sérieusement les raisons qui ont motivé cette attitude séculaire, à discerner ce qui en doit subsister à travers les adaptations requises. Il est sûr que l’Église, dans un souci charitable, a voulu maintenir la gratuité du prêt de consommation ; l’autre, celui de production, avait jadis une extension moins large. Ou bien, consenti aux petites gens de l’agriculture, de l’artisanat, il se rapprochait du premier dans sa conception bienveillante. Par ailleurs, et en suivant l’évolution économique du monde, de nombreux moyens s’offraient encore, par lesquels l’argent était en mesure d’aider les entreprises, tout en respectant les lisières qui lui étaient imposées.

L’Église ne condamnait ni le gain, ni même « l’enrichissement honnête ». Mais, dans ses perspectives et celles qu’elle aurait voulu développer, « la vie matérielle du temps jadis se trouvait tempérée par un solide fadeur moral ». Ainsi parle M. Werner Sombart, le professeur protestant spécialiste en la matière. Il ajoute encore : « La doctrine morale de l’Église se proposait moins de limiter directement le degré de richesse que d’agir sur l’orientation morale de l’entreprise capitaliste. Ce qu’elle voulait empêcher, et ce qu’elle a certainement contribué à empêcher, c’était le renversement de toutes les valeurs, tel que nous l’avons vu s’effectuer à notre époque. » Werner Sombart, Le Bourgeois, p. 299.

Il ne saurait être question de retourner en arrière et de franchir à nouveau des étapes dépassées par la vie moderne. L’Église a toujours les mêmes visées, les mêmes principes. Mais les applications se sont assouplies pour répondre aux exigences normales du monde des affaires. Il resterait a dégager, dans les données complexes des problèmes actuels, une doctrine du crédit qui, en satisfaisant, de façon pleinement cohérente, aux lois de la morale, maintiendrait ou ramènerait le capital dans le cercle de ses devoirs et de ses droits.

Antoine, Coum d’économie sociale, 6e éd., 1921 ; Ashley, Histoire et doctrines économiques de l’Angleterre, 2 vol., trad. Bondols et Bouyssꝟ. 1900 ; Benoit iv. Encyclique l’i'.r peroenit, 1745 ; Bôhm-Bawerk, Théorie positive du capital, traduit par C. Black, 1900 ; Brants, Esquisse des théories économiques professées ; » ir les écrivains des Xlll* siècles, 1895 ; Broedersen (Janséniste), De usuris llcltli et illiiiii’-, 1743 ; Carrière, De contractibus, ÎMIS ; I I. Jannet, L< capital, lu spéculation et la finance au XIX’tticle, 1.S’.iii ; l.cssius, De juslitia et fure, 1612 ; C* 1 de la Luzerne, Dissertations sur le » rrt du commerce, ."> vol., 1H2 : > ; Du Passage, Morale et capitalisme, 1935 ; Van Roey, De fasta auctario ex contractu creditl, 1 * >< » : » ; il. Savatler, Lu théorie moderne <iu capital et tu justice, 1898 ; W. Som bart, L’apogée du capitalisme, 1932 ; S. Thomas, Somme théologique, II » -II æ q. lxxvii ; Tiberghien, Encyclique Vix pervertit, traduction et commentaire ; Vermeersch, Quæstiones de juslitia ; du même, art. Prêt à intérêt dansDictionn. apologétique.

H. du Passage.


UTRECHT (ÉGLISE D’), —

Avant même la fin du xvii c siècle, le jansénisme se répandit dans les Pays-Bas et l’Église d’Utrecht contracta une étroite alliance avec lui ; les fidèles et le clergé d’Utrecht protestent, il est vrai, contre cette dénomination de jansénistes ; ils s’appellent : les vieux catholiques romains. Mais les sentiments de cette Église sont bien ceux de Port-Royal ; comme le jansénisme, l’Église d’Utrecht condamne les cinq propositions en droit, mais elle ne les condamne pas en fait ; elle refuse de signer le « Formulaire » et elle rejette la bulle Unigenitus pour faire appel au concile général ; d’autre part, dès l’origine, elle a donné asile aux réfugiés de France ; les papiers secrets et les archives rie Port-Royal furent mis en sûreté à Utrecht ; durant tout le xviiie siècle, les libraires des Pays-Bas et particulièrement ceux d’Utrecht se mirent au service des jansénistes français. Enfin cette Église eut également (les relations étroites avec les jansénistes italiens, spécialement à l’occasion du concile d’I’trecht et du synode de Pistoie. Bref, l’histoire de l’Église d’Utrecht se rattache intimement à la question du jansénisme. Cependant les livres et les pamphlets qui ont inondé les Pays-Bas, surtout dans la première moitié du XVIIIe siècle, ne parlent guère de jansénisme proprement dit : ils dressent l’Église d’I’trecht contre Rome et l’Album publié en 1923, pour célébrer le deuxième centenaire de la séparation, rappelle les discussions du temps ; à partir de 1870, la petite Eglise d’Utrecht prend une position internationale et devient le refuge de tous les adversaires de l’infaillibilité pontificale, définie par le concile du Vatican.

Pour bien comprendre la position de l’Église d’Utrecht, il est nécessaire de fournir quelques détails historiques, sur l’élection et la consécration de ses évêques ; c’est pourquoi on étudiera ici les questions suivantes :

I. Établissement et organisation de L’Église d’Utrecht (col. 2390).
II. Invasion du protestantisme et suppression de la domination espagnole en Hollande (col. 2391).
III. Nomination de vicaires apostoliques (col. 2392).
IV. Les premiers démêlés avec la cour de Honte (1614-1689) : Rovénius, La Torre, Neercassel (col. 2 : i().i).
V. Pierre Codde (col. 2396).
VI. Dominique Yarlet (col. 2102).
VII. Les religieux réfugiés en Hollande et le prêt à intérêt (col. 2-11)7).
VIII. L’archevêque d’Utrecht et les évèchés suffragants (col. 2 110).
IX. Le deuxième concile d’Utrecht (col. 2 112).
X. L’Église d’Utrecht jusqu’au rétablissement de la hiérarchie (1853) (col. 2418).
XI. L’Église d’Utrecht et la Petite-Église (col. 2121).
XII. Le rétablissement delà hiérarchie catholique en Hollande en 1853 (col. 2 12 1).
XIII. L’Église d’Utrecht contre le dogme de l’immaculée-conception (col. 2 125).
XIV. L’Eglise d’Utrecht contre le dogme de l’infaillibilité pontificale (col. 2 126).
XV. L’Église d’Utrecht et le vieux-catholicisme (col. 2428).
XVI. Les transformations de l’Église d’Utrecht (col. 2430).
XVII. La conférence d’Utrecht cl les congrès Internationaux (col. 2433).
XVIII. Relations de l’Église d’Utrecht avec les diverses Eglises et son état actuel (col. 2436).

I. Établissement et organisation de l’Eglise d’Utrecht

C’est vers la fin du VIIe siècle, sous le pontificat de Sergius 1 que le christianisme fui prêche en Hollande par saint Willibrord ; en 7.V>. saini Boniface, s’appuyanl sur l’autorité du Saint Siège, contre l’eveque de Cologne, qui voulait unir