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USURE. L’ÉPOQUE CLASSIQUE, LES SANCTIONS

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et les gloses, nous savons que beaucoup d’usuriers, ayant promis restitution, puis rédigé leur testament, persévéraient dans leur vice. Devait-on tenir leur testament pour annulé ? Les canonistes en discutaient. Bertachini, op. cit., fol. 321. Ils examinaient des hypothèses étranges, comme celle d’une requête qu’adressait au pape un usurier manifeste pour être autorisé à tester, mention faite de sa qualité, afin d’échapper à la décision du IIe concile œcuménique de Lyon ? Balde répond négativement. Laurent de Rodulphis, op. cit., fol. 31, n. 3. Turpis persona, l’usurier institué héritier peut être exclu par le frère du testateur. Il ne peut intenter la querela contre le testament de son père, même si l’héritier institué est lui-même turpis. Enfin, selon beaucoup d’auteurs, il est inapte à la fonction de témoin d’un testament et à donner son consentement aux actes du mineur pour lesquels est requise l’intervention des proches. Bertachini, op. cit., fol. 328. Distinction et doutes dans Laurent de Rodulphis, op. cit., fol. 37, n. 22.

Préoccupé de la répression, le IIe concile de Lyon prit des mesures très rigoureuses : il ordonne à toute communauté d’expulser dans les trois mois les usuriers étrangers et de leur interdire à jamais l’accès de leur territoire ; à tout particulier, de louer une maison . à ces maudits. Les évêques contrevenants seraient frappés de suspense, les prélats inférieurs d’excommunication, les communautés, d’interdit qui toucherait aussi, au bout d’un mois les domaines de ceux qui mépriseraient cette dure constitution. Sexte, t. V, tit. v, c. 5 (Usurarum voraginem).

L’attention des glossateurs s’est portée principalement sur la détermination des personnes et des opérations visées. Ils insistent sur la qualité d’originaire, les droits et les licences qu’elle confère ; sur l’interdiction de faciliter par tout contrat réel ou consensuel les actes d’usure. Voyez les commentaires des mots alienigenas et tilulo.

Détermination des participants.


Tous ceux qui ont coopéré à l’usure sont coupables. Robert de Courçon dénombre neuf modes de participation : ordre, conseil, consentement, louange, recel, relation, silence, neutralité, tolérance. Op. cit., p. 39. Seuls, les participants directs sont tenus de réparer, certains disent dans la mesure de leur enrichissement, d’autres in solidum, sans tenir compte du bénéfice acquis et cette opinion de Pierre de la Palu plaît à saint Antonin, op. cit., c. 9.

1. Membres de la maison. —

Trois catégories de personnes hantent la maison : parents, serviteurs, administrateurs.

A la femme de l’usurier, Robert de Courçon interdit la cohabitation ; Gilles de Lessines, plus pratique, la considère comme préposée au salut de son mari ; elle pourra donc restituer à son insu, mais comme elle n’est point propriétaire des biens du ménage, l’opposition du maître ne lui sera pas reprochée. Op. cit., c. 17. En revanche, à la mort du mari, elle sera tenue de restituer tout ce qui vient d’usure. Est-il permis à la famille de subsister des deniers usuraires ? Les canonistes font à la femme un devoir de chercher des ressources honnêtes, qui lui seraient fournies par ses parents et amis, par son travail, par sa dot ou son douaire. Elle invoquera l’évêque et les autorités, n’acceptant la pitance dérobée qu’au cas de nécessité extrême et avec l’intention de restituer. Laurent de Rodulphis, op. cit., fol. 27, n. 46. Les héritiers légitimeet tous ceux.-i qui parviennent les biens de l’usurier défunt sont contraints de restituer. Alexandre III et Innocent III ordonnent que l’on exerce contre le lils, et aussi bien contre l’héritier externe, la Contrainte que l’on eut exercée contre le défunt. taie », i. v, tit. xix, c. 9 (Tuanos) et 17 (Michæl).

Les héritiers légitimes sont tenus dans la mesure de leur enrichissement, de génération en génération, jusqu’à ce qu’ils aient satisfait. Saint Antonin conte avec une précision minutieuse l’aventure d’un fils sans scrupule qui alla retrouver aux enfers son père impénitent, dont il avait recueilli, pour vivre gaillardement, la fortune usuraire. Op. cit., c. ii, in fine. La Tabula exemplorum, p. 51, consigne l’aventure des trois légataires qui, n’ayant point restitué, furent frappés des maux qu’ils redoutaient le plus : misère, lèpre, épilepsie. Si le coupable est mort pénitent et absous, les canonistes font de ses héritiers des successeurs aux dettes, quel qu’en soit le montant ; leur responsabilité est proprement personnelle, limitée à l’enrichissement si le de cujus mourut dans l’impénitence. Laurent de Rodulphis, op. cit., fol. 28, n. 19. Le fondement de cette responsabilité donnait lieu à de fines discussions : les uns proposaient le quasicontrat, d’où naît la condictio indebiti ; les autres, le délit : mais alors renaissaient des problèmes de justification morale et de mesure qui dépassaient le cas envisagé. Voir les gloses sur les textes capitaux et aussi les Consilia 244 et 4Il de Pierre d’Ancharano. La responsabilité du personnel dépend de ses fonctions et de son information. Tout employé de l’entreprise collabore au méfait et est indigne de traitement. Quant aux serviteurs étrangers au négoce, Guillaume de Rennes les autorise à percevoir leurs gages ; Pierre de la Palu pose la question de leur ignorance du métier du patron ou, pour le moins, de l’existence de ressources extérieures, honnêtes, suffisantes pour le paiement des salaires. Saint Antonin, op. cit., c. ix, § 1. Tuteurs et curateurs encourent la même responsabilité que l’incapable dont ils garantissent devant l’emprunteur la solvabilité. Ils ne doivent point, d’autre part, cueillir les usures incluses dans l’héritage qu’ils auraient à administrer. Ibid., § 3.

2. Associés. —

Dans le voisinage, beaucoup de complices peuvent entourer l’usurier. D’abord, les conseillers qui déterminent l’opération : selon les uns, ils sont tenus pour le tout, comme s’il s’agissait de rapine ou de vol ; selon d’autres, qui tiennent compte de l’adhésion de l’emprunteur et du silence des droits positifs, dans la mesure de leur enrichissement. Ibid.. § 2. Que dire du bailleur de fonds ? Il participe au péché, s’il permet à l’usurier l’initiative ou le développement de son industrie, mais non s’il se borne à lui confier la garde de son argent. Saint Thomas, Summa, loc. cit., a. 4, ad 3 am : c’est proposer à un pécheur une bonne action.

3. Auxiliaires. —

Plusieurs professions se trouvent mêlées aux opérations de l’usurier. Le notaire qui fait l’acte est tenu par Hostiensis.pour parjure, puisqu’il viole un serment prêté à son entrée en charge ; son infamie l’exclut de sa fonction. Il gardera son salaire, mais sera impliqué dans le devoir de restitution, s’il a coopéré à un faux ; s’il rédige un pacte ouvertement usuraire, il pèche mortellement, mais il ne sera tenu de restituer que si la coutume locale autorise l’usure : au cas contraire, le débiteur opposera son exception. Saint Antonin, loc. cit., § 5. Le cas des témoins est identique. Ibid., § 6. Le prélat qui appose délibérément son sceau sur le titre usuraire participe à la peine et non à l’avantage de l’opération, selon les décrétalistes. Les courtiers pèchent mortellement, en se faisant placeurs de fonds usuraires et ils doivent, solidairement, restituer. Mais ils gagnent honnêtement leur vie en procurant les deniers d’un prêteur à des personnes dans le besoin. S. Antonin, op. cit., c.ix, § 13.

4. Bénéficiaires.

Nombreux sont ceux qui. n’ayant pris aucune part à l’opération, en sont, Bna lement, bénéficiaires. De droit commun, les donataires on légataires sont tenus de restituer les deniers