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USURE. L’ÉPOQUE CLASSIQUE, OPERATIONS LICITES 2362

1. Société. — La société normale, dans laquelle chaque associé supporte sa part de responsabilité et reçoit une part de bénéfices est à l’abri de tout soupçon d’usure. Peu importe que l’un fournisse son travail et l’autre son argent : la glose, in c. 3, cause. XIV, q. iii, laisse entrevoir qu’il y a eu des objections ; mais elles sont résolues dès la Tin du xiie siècle. Les canonistes s’en occupent rarement ; les Sommes des confesseurs, pour condamner les sociétés léonines. Mais le contrat même de société est aussi légitime que le pur mutuum et il autorise des gains. « Celui qui confie son argent à un marchand ou à un artisan, pour former avec lui une sorte d’association, ne transfère point à cet homme la libre disposition de son argent, il la garde pour lui, si bien que c’est aux risques du propriétaire que le marchand fait son commerce ou l’artisan son ouvrage, et que, par suite, le propriétaire peut licitement réclamer, comme venant de son bien, une partie du profit réalisé. » S. Thomas, Sum. theol., toc. cit., ad 5um. Cf. Endemann, op. cit., t. i, p. 343-420. D’immenses perspectives étaient ouvertes à la spéculation par le développement de la commende et de la société en nom collectif, issue de la communauté familiale. (Cf. les travaux de Sayous, de Sapori.)

2. Pacte commissoire.

Beaucoup de ventes sont accompagnées d’un pacte selon lequel le non-paiement du prix dans le délai fixé autorise le vendeur à obtenir la résolution. Les fruits qu’il aura perçus resteront sa propriété, pourvu que l’opération n’ait pas été faite in fraudent usurarum (vente simulée). Hostiensis, Summa, tit. de usuris, n. 8. Cf..Mac Laughlin, op. cit., p. 143 et, sur la technique, Wieacker, Lex commissoria, 1932.

3. Pœna. — L’usage de stipuler le paiement d’une certaine somme (pœna), au cas de non-remboursement, à l’échéance, du capital prêté, était courant au xiie siècle. La doctrine validait cette clause, si elle avait pour objet véritable d’inciter le débiteur à s’exécuter. Robert de Courçon, op. cit., p. 15. Au cas contraire, c’est-à-dire si elle devait seulement procurer au prêteur l’équivalent de l’usure, on la considérait comme fraude usuraire (Bernard de Pavie), comme usure palliée, le véritable but étant non point l’observation du délai, mais le gain, non… ut soluatur citius. sed ut sotvatur amplius. Puisque l’intention relève du for interne, la grande difficulté est d’établir des prescriptions pour le for externe. Comment savoir si le créancier a en vue le profit usuraire ou d’exercer une pression sur le débiteur ? Raymond de Penafort propose deux critères distinctifs : la profession usuraire du créancier, la fixation d’une pœna proportionnelle au temps, si per singulos menscs vel annos dicatur committi. La meilleure explication était fournie par un texte du Digeste, d’après lequel un débiteur in mora peut être condamné à payer une somme calculée selon l’intérêt qu’avait le créancier à toucher le capital.m jour dit, quod socii intersit morant eum non ndhibuisse. Digeste, XVII, ii, 60, pr. De (elle sorte que la lui nu. au lieu de représenter une menace ou une fraude, représente la réparation exacte d’un dommage subi. Telle est l’idée d’Huguccio, que Laurentius exprimera plus clairement. Bernard de Parme et Guillaume (le Bennes admettent que la pœna peut dépasser le dommage si elle a été éc pour contraindre le débiteur loco (oïdamæi.r. Mais Hostiensis se méfie d’une fraude usuraire et accorde au juge le pouvoir de réduire.

Voir l’liniaux. L’évolution du concept de clause pénale chez les canonistes du Moyen Age, dans Mélanges l’uni Fournier, Paris. 1929, p. 233-247.

4. Change manuel ou lire. - Le commerce des foires et la fiscalité pontificale ont posé des problèmes

île transport d’argent qui ont élé résolus par l< i

trat de change : le débiteur s’adresse à un banquier ou à un changeur qui, sur place, convertira les espèces, par exemple des florins en marcs (change manuel) ou bien procède par lettres de paiement, par traites (change tiré), ce qui comporte l’inévitable différence des cours, le florin valant plus à Florence qu’à Borne. Bans tous les cas, le changeur réalisera un profil : peut-on dire une usure ? Canonistes, romanistes, théologiens en discutent, pour aboutir généralement à la négative. Le supplément perçu se justifie par le travail du changeur, les frais d’entreprise, les risques du transport des deniers. Saint Antonin, op. cit., c. vii, § 47 sq. Il s’agit là d’un échange, rendu nécessaire par la diversité des productions et des monnaies locales, et les deux monnaies seront appréciées en tenant compte de leur nature — matière, poids — et de la taxe légale. Summa astesana, citée par Endemann, t. i, p. 105. L’usure commence seulement au deià de ces chiffres fixés par le marché, justifiés par la valeur réelle des choses, les frais et la peine du changeur, et aussi par le periculum qui, aux yeux de Balde ou de Laurent de Bodulphis joue un certain rôle. Endemann, ibid.. p. 136. Gilles de Lessines, op. cit., c. xiii, présente déjà les justifications à côté des objections. Sur les controverses, cf. Bertachini, au mot Cambium.

5. Renies constituées.

Quand une personne a besoin d’une somme d’argent, au lieu de l’emprunter par mutuum, elle peut, au xiiie siècle, l’obtenir en échange d’une rente assise sur un de ses biens-fonds qui en demeure perpétuellement grevé. En revanche, le capitaliste ne peut exiger remboursement : il peut seulement négocier son titre. Cette opération fut très fréquente dans toutes les régions coutumières et surtout dans les villes. P. Petot, La constitution de renie aux XIIe et M/f siècles dans les pays coutumiers, extrait des Publications de l’université de Dijon, fasc. 1, 1928 ; J. Combes, La constitution de rente à Montpellier au commencement du.v i ° siècle, dans Annales de l’université de Montpellier…, 1944, p. 216223. Ne sommes-nous pas en présence d’une usure ? Innocent IV avait répondu négativement, dans son commentaire de Décrélales. 1. Y, tit. xix. c. (i, pourvu que la rente n’excédât point le revenu normal d’une terre de valeur égale à la somme versée. Sans doute, la rente finira par déliasser le capital, mais c’est le sort de toute vente de procurer à la longue des revenus supérieurs au prix payé. Et nous sommes ici en présence d’une vente, Non point d’une vente du temps.

La controverse fui allumée par Henri de Gand et elle s’amplifia dans les Sommes de confesseurs, les commentaires des canonistes et les monographies. Endemann, op. cit., t. i, p. 109 sq. Elle ne fut définitivement close que par les bulles Kei/imini de Martin V (1425) et de Calixte III (1455), insérées dans les Extravagantes communes, I. III, lit. v, c. 1 et 2. Désormais, les renies constituées sont reconnues licites par des Ici lies pontificales qui ne font que confirmer, selon leurs propres termes, la coutume

universelle des pays germaniques. Etienne Bertrand,

lui-même, si plein de méfiance a l’égard des fraudes usuraires, donne son assentiment. Cf. Ourliac, op. cit., p. 187.

6. Intérêt des emprunts.

1 n problème nouveau et de grande portée apparut avec les emprunts publics. Dès le milieu du xiie siècle, la République de Gênes avait émis des emprunts forcés. Le système fut généralisé au xiir siccl.c. par les communes ita Hennés, qui recueillirent les fonds dans un mons. L’accroissement de la dette empêcha de rembourser et les gouvernements durent ((invertir le prêi en rente perpétuelle. Gênes donna l’exemple avec le wons San Giorgio. Le 22 février 1345, Florence transformait Ions