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USURE. L'ÉPOQUE CLASSIQUE, LES SOURCES

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fondamental ; tenir compte des précisions apportées par A.Teetært. Pour notre période, la série s’ouvre avec le Pœnilenliule de Barthélémy d’Exeter (1150-1170), (éd. Moreꝟ. 1937, que nous n’avons pu nous procurer). Un bon ensemble de quæstiones a été rassemblé au début du xiiie siècle par le cardinal Robert de Courçon, dans son Pénitentiel, éd. G. Lefèvre, Le traité de usura de Robert de Courçon, dans Trav. et mém. de l’université de Lille, t. x, n. 30, Lille, 1902. Les parties du pénitentiel de Robert de Flamesbury traitant de matrimonio et usuris ont été éditées par F. Schulte, Giessen, 1868 ; peu après, paraissait (1215-1226), l’Innocentiana de Thomas de Chabham, dont le t. m fait place à l’usure. On ne saurait comparer l’importance de ces essais locaux à celle de la Summa de pœnitentia de Raymond de Penafort, qui consacre un titre à l’usure. L. II, tit. vii, éd. d’Avignon, 1715, p. 325-348. Vers 1250, Guillaume de Rennes écrivait sur cette Somme un apparutus et Jean de Fribourg l’amplifiait entre 1280 et 1298 : l’usure y est traitée au t. II, tit. vii, fol. 84-91 de l'éd. donnée fin xve siècle chez Jean Petit : œuvre peu originale, mais claire, dont les soixante-douze questions sont nourries par Raymond de Penafort, Bernard de Parme, Hostiensis et, moins copieusement, par saint Thomas, Ulrich de Strasbourg, son maître, qui avait traité de l’usure sous la rubrique : De illiberalitale, et même le vieux décrétaliste Geoffroy de Trani. Tous ces auteurs de Sommes des confesseurs appartiennent à l’ordre des prêcheurs. L’activité des mineurs est représentée par Monaldino, Summa de jure tractans, alphabétique (avant 1274) ; Jean d’Erfurt, Summa confessorum (fin xme s.), méthodique ; Astesanus, dont la Summa, terminée en 1317, résume l'œuvre des premiers docteurs de l’ordre, jusqu'à Duns Scot, sans négliger les maîtres dominicains et surtout les canonistes. L’usure y est traitée au t. III, tit. xi, fol. 116-127 de l'édition consultée. La plus récente des sommes que nous ayons vues est la Summa angelica, composée vers 1486 par Ange de Clavasio et qui, au mot Usura, contient cent une questions. Le dernier des grands pénitentiels du Moyen Age est le Civitatensis, publié par Wasserschleben, Bussordnungen, p. 688-705, et dont le c. lxxx concerne l’usure.

Un sujet si controversé devait susciter, à partir du milieu du xiiie siècle, de nombreux quodlibets, parmi lesquels nous utiliserons ceux de Pierre de Tarentaise (1264), Gérard d’Abbeville (1266 et 1272), saint Thomas d’Aquin (1270), Henri de Gand (1279 et 1281), Godefroid de Fontaines (1287, 1292, 1293, 1295, 1296), Gilles de Rome (1287), Gervais du Mont-Saint-ÉIoi (entre 1282 et 1291), Raymond Rigault (entre 1287 et 1295), Durand de Saint-Pourçain (1312). La plupart des questions surgissent dans ces disputes, et spécialement le transfert de propriété et l’emploi des deniers usuraircs. Cf. P. Glorieux, La littérature quodlibétique, t. i et ii, Paris, 1925 et 1935.

Le seul traité théologique à la fois complot et systématique du xiii° siècle est le De usuris de Gilles de Lcssines, composé entre 1276 et 1285. Il figure comme Op. i.xxiii (fins l'édition romaine des Œuvres de saint Thomas, maître de Gilles, a qui on l’attribuait jusqu'à ces dernières années. Les problèmes relatifs au péché d’usure, aux masques des rentes et des ventes, à la restitution, sont amplement traités. Cf. E. Hocé dez, L'/ date du De usuris de Cilles de I, essuies, dans l phem. theol. Lov., t. iii, 1926, p. 508 512 ; M. Grabmann, /Egidius von Lessines, dans Millelalterlichea Geislesteben, i. ii, 1936, p. 521 sq. Nous utiliserons largement cette première synthèse, dont les historiens de l’usure continuent d’ignorer la richesse ée par quelque verbalisme) et même le véritable auteur.

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

Nous avons, pour la commodité, classé les œuvres par catégories. Cet ordre méthodique ne doit point nous faire oublier la part de chaque auteur. La carrière de tout théologien le mettait aux prises avec les textes concernant l’usure dans maint exercice de son enseignement et de son activité littéraire. Sa doctrine sur ce point fournirait matière à un examen d’ensemble, qui a été fait pour les illustres.

Saint Thomas, qui a traité de l’usure dans ses commentaires d’Aristote, de saint Luc et de Pierre Lombard, dans son De malo, q. xiii, a. 4, dans son Quodlibel iii, a. 19, et surtout dans la Somme, est étudié par J. van Roey, De justo auctario ex eonlractu credili, Louvain, 1903, p. 154-175 ; A.-M. Knoll, Der Zins in der Scholastik, Inspruck, 1933, p. 13-20 (pour qui la scolastique, au Moyen Age, se réduit à Thomas d’Aquin et Antonin de Florence), et dans tous les ouvrages qui traitent de la morale ou de la sociologie thomiste. Saint Bonaventure, qui a commenté saint Luc et le Lombard, a traité de l’usure dans ses C.ollationes de decem prxceptis et dans son Spéculum conscienliir, est analysé par Orel, op. cit., p. 40-44, et par H.-J.-L. Legowicz, Essai sur ta philosophie sociale du Docteur séraphique, Fribourg, 1937, p. 261-266. Il serait vain de poursuivre ce filon bibliographique, les docteurs ayant montré peu d’originalité.

3. Les romanistes.

Bien que les romanistes n’aient aucune autorité dans le domaine de la théologie, nous leur ferons une place dans nos développements. D’abord, à cause de l’opposition apparente des deux droits, mais aussi parce que le droit romain fournissait aux théologiens comme aux canonistes terminologie et technique. Il nous suffira de consulter les plus représentatifs des commentateurs du Code et du Digeste : Azo, Accurse, Jacques de Revigny, Cynus, Bartole et Balde. Quæstiones, Repetiliones et Consilia fourniraient quelques compléments.

On trouvera des indications suffisantes sur les opinions des romanistes dans les articles cités de Salvioli et surtout de Mac Laughlin.

Au xv siècle, nombreux ont été les ouvrages consacrés à l’usure, où se mêlent théologie, droit canon et droit romain : le dogme était formé au xiiie siècle, la doctrine n’atteignit sa perfection qu'à la fin du Moyen Age et au début des temps modernes. C’est alors que parurent les traités De usuris, de Laurent de Rodulphis (1404), dans Tractatus iltustrium tumpontificii tum cœsarei jurisconsultorum, Venise, 1584, t. vu. fol. 15-50 ; de Jean de Capistran, ibid., fol. 91-113 ; d’Ambroise de Vignate (1460), ibid., fol. 50-66, que suit de près Antoine de Rosellis, ibid., fol. 66-71.

Conclusion. — La doctrine de l’usure était donc continûment développée par les maîtres des deux droits et de la théologie. À quelle science appartenaitelle en propre ? La disposition ordinaire des romanistes est pleine de révérence à l'égard de l’Eglise, soit qu’ils admettent la réception par Justinicn des principes canoniques, soit qu’ils subordonnent les constitutions aux canons dans les affaires de cous cience. Aucun conflit d'école entre les maîtres des deux droits. Entre maîtres des sciences religieuses, le conflit d’attribution est fort discret. Saint Thomas accorde le chapitre aux théologiens, comme partie du droit divin, puisque l’usure va contra opéra fidei. Cor tains canonistes. tel Antoine de Butlïo, admettent cette prétention, tandis que Pierre d’Ancharano, laissant aux théologiens la défense de la foi. réclame pour les canonistes la part morale du droit divin, qui comprend l’usure. Cf. S. Antonin. op. cit., c. 7. Jj I. et Tartagnus, op. cit., I. II, cons. i, u. 10. En fait. le débat est tout théorique. Théologiens, canonistes et romanistes enseignent le chapitre de l’usure au lieu assigne par leur manuel, les moines y mettant un zèle parti T. — XV. - 71.