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USURE. L’ANTIQUITE CHRETIENNE

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croire que l’Église elle-même hésite à prendre parti sur la question, car jamais aucun des écrits mentionnés ne fait allusion à une disposition conciliaire relative à l’usure. Et cependant il n’en est rien. Les conciles ont sanctionné, dès le début du ive siècle, l’usure pratiquée par les clercs ou les laïques, mais, tandis que la défense portée à l’endroit des clercs se généralise dans la chrétienté à partir du ve siècle, l’interdiction de l’usure aux laïques ne deviendra effective qu’avec Charlemagne au ixe siècle.

L’interdiction de l’usure aux clercs.

Dès le début

du ive siècle, l’Église avait formellement interdit l’usure aux clercs comme nuisible à leur perfection et incompatible avec leur ministère. Elle réagissait ainsi contre des pratiques bien enracinées, puisque, au dire de saint Cyprien, peu avant la persécution de Dèce, on avait vu des évêques eux-mêmes augmenter leurs ressources par les usures. De lapsis, vi, P. L., t. iv, col. 482.

La première disposition que l’on rencontre en la matière est le can. 20 du concile d’Elvire (vers 300) qui concerne l’Espagne entière.

Si quis clericorum detec-Si un clerc est reconnu

tus fuerit usuras accipere, coupable de percevoir des

placuit eum degradari et usures, il doit être déposé et

abstineri. excommunié.

Mansi, Concil., t. ii, col. 9.

Voir le commentaire de ce canon dans Duguet, Conférences ecclésiastiques… sur tes auteurs, les conciles et la discipline des premiers siècles de l’Église, Cologne, 1742, t. i, p. 391-410 ; et ici même, t. iv, col. 23782397. Peu après, en 314, le premier concile d’Arles, concile général de l’Occident, décrétait à son tour l’excommunication contre les clercs coupables d’usure. Mansi, Concil., t. ii, col. 472. Cette défense reçut une portée générale avec le concile de Nicée (325), qui allait connaître un crédit exceptionnel, après toutefois une assez longue période d’obscurité. Faisant œuvre pratique, le concile tranche les difficultés en litige sur un certain nombre de points particuliers. C’est ainsi que le can. 17 interdit l’usure aux clercs en des termes dont la précision contraste avec la rédaction des canons relatifs à l’usure dans les deux conciles antérieurs.’Elt£l8^ -’ii’i'À Èv ~']> "Lavévi èÇeT<x(â|i.evoi trjvTtXeove : t’av xal 7v fcîffypox^pBeiav

Siwxovtec ÈiteXaôovTO toO

Befou f’/auaTo : X^YOVTOÇ’Tô àpifûptov xj-’ij oux £Ô'f>xev âwl Toxco’xai Save(ÇovTEÇ

ïLy.-’ii-y. : àTraiToCo-tv’eoczai’w ; =v f| àyea xal >.v ; -j.’i r, (TjvoSoç, <> ;. eï ti : EvpefjfitT]

[1£TI -’) ! SpOV TOVTOV ràxouç

Aapêàvcov èx |A£ta ; (eip(<T£G>ç’. ///<.> ; [X£T£py6(Jl£VOÎ ~’i

itpâY(j.a r, ^[UOAta ; àiracT&v i, SXux ; Urspôv t ! ânevoâv

BfoxpoC xlpfiou ; É’vexa, v.x Baiptâf^etai rod x) r, pou za : « (domine plusieurs clercs

remplis d’avarice et de l’es prit d’usure et oubliant la

parole sacrée : « il n’a pas

donné son argent à inlé « rêt, exigent en véritables usuriers un taux d’intérêt

pour 100 par mois, le saint

cl grand concile décide que,

si quelqu’un, après la publi cation de celle ordonnance,

prend des Intérêts pour n’im porte quel motif, ou fait

nul ici-d’usurier de n’im porte quelle autre manière,

ou s’il réclame la moitié en

plus ou s’il se livre à quel que autre manière de gain

scandaleux, celui-là doit être chassé du clergé et son nom

rayé de l’album, > Trad.

Hefele-Leclereq, t. i, p. 605.

Les traducteurs et Interprètes se sont efforcés de rendre non seulement la lettre, mais plus encore le sens de ces dispositions. Les nombreuses versions latines du iv au vr siècle ont été minutieusement examinées par Turner, Ecclaite occidentalia monumenta juris antiquissima, Oxford, 1904, faac, 1. / » /r.sait., imssim, et surtout p. 153 ; également I lefele-Leclercq, t. i, p. 1139-1181. Non seulement les. ne peuvent prendre le centième en argent (Éxa-t-oai" ?] = cenlesima) soit l/8e du capital par an ou 12 1/2 pour 100, permis par les lois civiles, Cod. Théod., II, xxxiii, c. 1 (325), c. 2 (386) et c. 4 (405), mais il leur est interdit de prendre des intérêts pour n’importe quel motif et de n’importe quelle manière, notamment, en exigeant la moitié en sus du capital, 7j|.uoXîaç àrauTwv = parlem dimidiam sortis exigeas (sescupla exigens). Cette pratique de l’usure en nature au taux de l’riy.io’kix ou « moitié en plus » était courante dans le prêt de denrées et de fruits. Elle avait été autorisée par Constantin dans une constitution publiée deux mois avant la réunion du concile. Cod. Théod., Il, xxxiii, 1. Un siècle plus tard elle sera fortement combattue par saint Jérôme, Comment, in EzechieL, xviii, 8, P. L., t. xxv, col. 175-176.

A leur tour les conciles africains de la deuxième moitié du ive siècle et du début du Ve siècle vont porter la même défense contre les clercs, mais sans faire état du concile de Nicée. Lors du I er concile de Carthage, en 349, Abundantius, évêque d’Adrumète, faisant allusion, semble-t-il, à un concile antérieur, in nostro concilio, déclare que ce dernier a interdit l’usure aux clercs et demande que cette question soit réglée par la présente assemblée. À quoi Gratus, évêque de Carthage, répond en opposant les suggestions nouvelles ou générales qui demandent examen aux questions manifestement réglées par l’Écriture dont la décision ne doit pas être différée mais suivie et déclare, à l’approbation de tous, que ce qui est répréhensible chez les laïques doit être à plus forte raison condamné d’avance chez les clercs, quod in laicis reprehenditur, id mullo mugis in clericis oportet pr.rdamnari. Can. 13, Mansi, Concil., t. iii, col. 149. Le concile d’Hippone de 393 défend au clerc de reprendre ce qu’il a prêté, argent ou autre chose. Mansi, t. iii, col. 22. Le concile de Carthage de 397 approuve le breviarium d’Hippone de 393, Hefele-Leclereq, t. ii, p. 101 ; celui de 419, renouvelant toute une série d’ordonnances dont l’ensemble forme le Codex canonum Ecclesise africaine, Hefele-Leclereq, t. ii, p.’201-202, reprend le can. 13 du concile de 319 dans son can. 5. Mansi, t. III, col. 711. À partir de la deuxième moitié du ve siècle les conciles diffusent dans l’Europe chrétienne l’interdiction faite aux clercs de prêter à intérêt : IIe concile d’Arles entre 113 et 152, can. 14, Mansi, t. vii, col. 880 ; lettre de saint Léon de 1 I 1-115, Jaffé, Hegesta ponti/icum Romanorum, n. 180 ; premier concile de Tours en 161, can. 13, Mansi, t. vu. col. 946 ; concile d’Agde (506), can. 69, qui défend d’ordonner les usuriers, cité par (indien, Dist, I.Y1. c. viii, comme provenant du l v concile de Carthage. can. 67 des statula Ecclesise. antiqua (voir infra), Mansi. t. viii, col. 336 ; can. 3 du concile de Tarragonc (516), Mansi, t. viii, col. 511 ; concile de Dovin en Arménie (527), can. 22, Hefele-Leclereq, t. n. p. 1079 ; III’con elle.l’Orléans (53.S). can. 3(1, cf. C. de Clercq, La législation religieuse franque de ClODÏS à Charlemagne, 1936, p. 20 sep, qui défend aux clercs à partir du diaconat seulement de prêter à intérêt, Maassen. (, ’wieilia sévi mœrooingici, l. i. p. 82 ; concile de Clichy de 626, c. 1, Maassen, op. cit., t. i, p. 197 et concile in Trullo (692), c. Kl, portant la même défense, Mansi, t. xi, col. 930.

On peut ajouter que, depuis la fin du iv siècle. diverses collections canoniques contiennent les mêmes prescriptions : Constitutions apostoliques, I. III. c. VI, visant les évêques, les prêtres et les diacres ; Canons <ls Apôtres, n. Il (13), inspires de la collection précédente, toutes (ru ayant pour patrie probable la Syrie et pour dale la fin du i’ou le début du v siècle, Hefele-Leclereq, llisl. desconc, t. i b, p. 1203-1221 ; concile de Laodicéc, en l’hrygie, c. I, probable