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USURE. L’ANTIQUITÉ LATIN F.


fin qui était de faciliter les échanges. Mais l’intérêt multiplie l’argent, de là précisément le nom qu’il a reçu en grec où on l’appelle rejeton (tÔxoç). De même, en effet, que les enfants sont de même nature que leurs parents, de même l’intérêt, c’est de l’argent fils d’argent. Aussi de tous les moyens de s’enrichir c’est le plus contraire à la nature. »…EÙAoywTaToc [juasPrai r) ô60XorxTaTix/] Sià tô à7r’aÙToû toû vouiau, aTOç eïvai TTjv xt’Tjcrv xai, oùx èç’ÔTrep STeoptaO’/]- u.£Ta60X7)< ; yà.p èysvsTO /âpiv, ô 8è toxoç aÙTÔ 7roieï 71Léov, ôŒv xai TOuvo(xa tout’èîX7]<pev Ôu.oia yàp Ta Tt.XTOu.eva tolç y£vvôJat.v aÙTa ècttiv, ô Se toxoç Y^ veToa vo^iau-a voaa|i.aToç- w<jte xal u.â>aaTa ratpà cpûaiv oôtoç tûv Zp7)u, aT’.au.wv ècmv. Cf. Gemàhling, Les grands économistes. Textes et commentaires, 2e éd., Paris, Sirey, 1933, ]). 12.

C’est de là que le Moyen Age tirera le célèbre adage : Nummus non parit nummos, l’argent n’engendre pas de l’argent, ainsi que la condamnation du prêt à intérêt. La même condamnation se retrouve dans l’Éthique à Nicomaque, IV, i, 37.

Aristote, on le voit, considère l’argent en soi, sans tenir compte de l’usage auquel on peut le destiner, sans remarquer que l’emprunteur recherche dans l’emprunt non une certaine quantité de métal, mais la valeur de ce métal qu’un emploi intelligent doit faire fructifier, tout comme le laboureur fera fructifier un fonds de terre. De là le vice d’un raisonnement d’apparence logique et conforme aux données de la nature.

On aura presque fait le tour de la critique sociale dans le monde grec, en rappelant les railleries d’un Aristophane Nuées, v. 16, 17 et 749, et en observant que Plutarque traduit assez exactement l’opinion publique, quand il flétrit les usuriers cupides « qui plument et dévorent jusqu’aux os les pauvres débiteurs à coup de becs et de griffes, qu’ils mettent dans leur chair comme des vautours affamés ». Plutarque, Œuvres morales, traduites par J. Amyot, t. i, Lyon, 1615, p. 409 : « Qu’il ne faut point emprunter à usure ». Mais si l’usurier est honni, on apprécie à sa juste valeur le rôle utile de l’honnête homme qui prête de l’argent pour rendre service et ne pas voir son capital fondre insensiblement dans ses mains.

3° Les mœurs et la législation favorables au prêt à intérêt. — On peut donc dire qu’en fait, le prêt à intérêt, aliment nécessaire du commerce, a toujours été considéré avec faveur, en Grèce. L’État lui-même n’hésitait pas à recourir à l’emprunt pour couvrir des besoins urgents tels que ceux résultant de la guerre.

Jamais, au demeurant, la question des dettes privées ne provoqua, en Grèce, les crises politiques et sociales qu’elle devait faire naître à Rome, parce que les emprunts contractés par des particuliers le furent, le plus généralement, à partir du ve siècle, en vue du commerce et non pas pour subvenir à des dépenses journalières et que le prêt à intérêt fut un élément de la prospérité commerciale de la Grèce. LTne seule mesure générale est à signaler concernant les dettes : luseisachlheia de Solon. Encore, selon l’opinion la plus répandue, Solon ne fit-il que supprimer la servitude pour dettes, sans abolir les dettes ni limiter temporairement le taux de l’intérêt. G. Glotz, Histoire grecque, t. i, p. 430-432.

On a noté aussi quelques cas de remise de dettes dans certaines villes : Éphèse, Mégare, Sparte sous Agis (cf. Plutarque, Agis, 13).

Il n’en reste pas moins vrai que le législateur, de par son silence même, a largement facilité le développement du prêt à intérêt. Tandis que l’accroissement de la richesse et du numéraire poussait aux placements, l’activité croissante du marché poussait

aux emprunts, que l’on contractait le plus souvent au moyen d’un écrit rédigé par le prêteur en présence de l’emprunteur et déposé, d’ordinaire, chez un Tpa7Tô^ÎTr ( ç, ou encore verbalement en présence de témoins qui assistaient à la remise des deniers, la simple convention suffisant à rendre le prêt productif d’intérêt. Beauchet, op. cit., p. 236 et 247.

Prêt ordinaire et prêt à la grosse.

Les Grecs

distinguent deux espèces très différentes de prêt à intérêt : le prêt ordinaire ou prêt terrestre, èyyeiov Sâvetov, et le prêt maritime ou prêt à la grosse aventure, vauTixôv Sàveiov. Le premier n’offre pour l’emprunteur qu’un seul risque, celui de l’insolvabilité du débiteur, très atténué grâce aux sûretés. Par contre, le prêt à la grosse est exposé à tous les dangers auxquels sont soumis les navires et leurs cargaisons. Le taux de l’intérêt est donc naturellement plus élevé pour de tels prêts, et ce taux a fini par réagir sur le taux normal par suite des besoins énormes d’argent que l’accroissement du numéraire ne put jamais satisfaire et de certaines mesures prises par l’État contre les métèques. Ces derniers, ne pouvant bénéficier de l’hypothèque, majorent le taux de l’intérêt pour se couvrir plus sûrement. Beauchet, op. cit., p. 246 ; G. Glotz, Le travail…, p. 291.

Le taux de l’intérêt est ordinairement calculé à tant par mois et par mine. L’intérêt normal paraît être de 12 pour 100 par an pour le prêt non commercial (une drachme par mois pour une mine), tandis que le prêt hypothécaire comme le prêt commercial se fait à l’intérêt de 16 ou 18 pour 100 (8 ou 9 oboles par drachme pour un mois) et que, dans le prêt maritime, le taux de l’intérêt varie entre 20, 40 et même 60 pour 100, suivant la personne de l’emprunteur, le lieu de destination du navire, la durée de navigation, la situation économique et politique. P. Guiraud, La propriété foncière en Grèce jusqu’à la conquête romaine, Paris, 1893, p. 279 ; Glotz, loc. cil.

Diverses mesures aggravaient encore la situation des débiteurs telles que l’anatocisme qui consiste à faire produire intérêt aux intérêts non payés à l’échéance et l’habitude de prélever, au moment du prêt, une partie de la somme prêtée, pour se payer à l’avance des intérêts à venir. Beauchet, op. cit., p. 256-257.

Aux ouvrages cités, on peut ajouter E. Caillemer, Le contrat de prêt à Athènes, Paris, 1870, et Billeter, Geschichte des Zinsfusses im griechisch-rômischen Altertum bis auf Juslinian, Leipzig, 1898, à qui les travaux plus récents ont fait de nombreux emprunts.

III. L’antiquité latine. — 1° Généralités. — Comme le droit grec, le droit romain a connu le prêt à intérêt, mais, tandis qu’il fut en Grèce un élément de prospérité, il n’engendra à Rome que misères et troubles. Velus urbi fœnebre malum, l’usure fléau invétéré à Rome, dira plus tard Tacite, Annales, VI,

XXII.

C’est qu’au lieu de s’adresser à une classe de commerçants qui empruntent pour faire fructifier leurs affaires, il est destiné en fait à subvenir aux dépenses journalières du petit agriculteur, ruiné par le hasard des saisons ou la guerre, à payer le tribut, Tite-Live, VII, xxvi, 3, ou à rembourser les créanciers antérieurs. Festus, au mot Yersura. L’organisation politique et sociale ne fit au demeurant qu’aggraver la situation des débiteurs, sous les premiers siècles de la République. Les patriciens qui détiennent le pouvoir et la fortune exploitent sans scrupule les plébéiens obligés de recourir à l’emprunt pour vivre.

Le prêt à intérêt, réalisé aux origines par le nexum, acte per œs et libram, assure au créancier la mainmise sur la personne du débiteur, qui demeure assujetti au créancier jusqu’au remboursement, qui risque