Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/394

Cette page n’a pas encore été corrigée
2317
2318
USURE. L’ANTIQUITÉ GRECQUE


sowie des alloricnlulischen Zinswesens, dans Biblische Studien, t.xii, fasc. 4, Fribourg-en-B., 1907, p. 91 sq. Mais il n’était guère possible d’interdire le prêt lucratif dans un milieu où l’on avait autant de goût que d’aptitude pour les opérations commerciales. Et le contact avec d’autres civilisations, babylonienne, assyrienne, plus tard égyptienne, qui pratiquaient l’usure, cf. E. Cuq., Les nouveaux fragments du code de Hammurabi sur le prêt à intérêt et les sociétés, dans Revue d’assyriologie, t. xiii, 1916, p. 143-158 ; L. Delaporte, La Mésopotamie. Les civilisations babylonienne et assyrienne, dans Collection Berr, Paris, 1923, p. 139142 et 339-341, devait favoriser le développement du prêt à intérêt, dans le monde d’Israël. Les chefs religieux, soucieux de maintenir l’idéal moral de la race élue, se sont efforcés de lutter contre les subtilités de la pratique en prohibant, au fur et à mesure de leur apparition, toutes les formes du prêt à intérêt : prêt d’argent, prêt de céréales et en proclamant l’interdiction de l’usure.

Les textes fondamentaux.

Dans l’Ancien Testament,

trois dispositions essentielles régissent la matière du prêt à intérêt. La première, Ex., xxii, 25, défend d’exiger un intérêt du prêt d’argent fait à un compatriote dans le besoin : « Si tu prêtes de l’argent à quelqu’un de mon peuple, au pauvre qui est avec toi, tu ne seras pas à son égard comme un créancier, tu n’exigeras pas de lui d’intérêt. » Le Lévitique, xxv, 35-37, reprend cette même défense, mais en y ajoutant des précisions : « Si ton frère devient pauvre et que sa main s’affaiblisse près de toi, tu le soutiendras, fût-il étranger, afin qu’il vive auprès de toi. Ne tire de lui ni intérêt ni profit, mais crains ton Dieu et que ton frère vive avec toi. Tu ne lui prêteras point ton argent à intérêt et tu ne lui donneras point de tes vivres pour en tirer profit. » Dans ce passage l’étranger dont il est question est le gêr, c’est-à-dire celui qui demeure au milieu des Israélites et en respecte les lois religieuses et sociales. Hejcl, op. cit., p. 73 ; H. Lesêtre, art. Prêt, dans Dict. de la Bible, t. v, col. 617 et art. Usure, ibid., col. 2336.

Enfin le Deutéronome, xxiii, 19-20, revient encore sur ce point, dans un texte de forme plus juridique : « Tu n’exigeras de ton frère aucun intérêt, ni pour argent, ni pour vivres, ni pour aucune chose qui se prête à intérêt. » L’interprétation des deux derniers passages ainsi que leur place respective dans le temps ont soulevé beaucoup de discussions. Hejcl, op. cit., p. 77 sq. Ces textes viennent réagir contre les habitudes probablement contractées au contact de l’Assyrie et de la Babylonie où le prêt de céréales était très développé. Hejcl, loc. cit. ; A. Morel. Histoire de l’Orient, t. i, p. 395, dans Histoire générale de G. (.lotL.

Le prêt à intérêt, défendu visa-vis du frère, est, par contre, permis vis-à-vis de l’étranger non agrégé à la nation ou nokrl : Phénicien. Philistin. Syrien, Arabe, par exemple. Dent., xxiii. 21. L’est même là une des faveurs accordées par.lahvé à son peuple. DeuL, xv, 6 ; xxviii, 12.

Telles sont les dispositions législatives de l’Ancien i< tament relatives au prêt à intérêt. Leur sévérité ne sera jamais atténuée par les représentants officiels de Ifl religion d’Israël, ainsi quc l’établissent maints passages des prophètes et des autres écrivains sacrés : Ez., xviii. S. 13, 17 ; IV, xv (xiv), 5, on fait honneur au juste de prêter sans intérêt ; xxxvii (xxxvi), 26. Cf. M. Lesêtre. art. l’sure, op. cit.. col. 2366 ; Otto Schilling. Reichtum und Eigentum in drr aliklrctdichen Literntur. Fribourg-en B., 1908, p. I sq.

En fait ces prescriptions étaient loin d’être observées avec rigueur. Ainsi Ézéchiel constatera qu’à

Jérusalem le prêl a Lntérêl était généralisé. Ez., xxii,

12. Sous prétexte de se mettre d’accord avec la pratique des étrangers, on n’hésitera pas à violer ouvertement la loi. H. Lesêtre, art. Prêt, op. cit., col. 620621.

II. L’antiquité grecque. — 1° Généralités. — Le prêt de consommation (Saveiap.6ç) est extrêmement fréquent en Grèce. II se fait habituellement moyennant intérêt. La légitimité des intérêts dus en sus du capital prêté semble avoir été reconnue dans les républiques grecques, dès qu’elles furent arrivées à ce degré de civilisation qu’implique le prêt d’une somme d’argent, vers la fin du v c siècle avant notre ère. G. Glotz, Histoire grecque, t. ii, p. 399-400.

Mais, tandis que le prêt de denrées, caractéristique d’une civilisation agricole, n’a laissé aucune trace, par suite de l’abandon, dès une époque très ancienne, d’une terre pauvre et ingrate, le prêt d’argent prend un grand essor, favorisé lui-même par le développement du commerce terrestre et maritime, rendu possible grâce au crédit.

Toutefois, avant de triompher, le prêt d’argent a dû vaincre une double hostilité : celle des mœurs familiales favorables au prêt gratuit ou spavoç, même en dehors de la famille, G. Glotz, Le travail dans la Grèce ancienne, Paris, 1920 ; celle plus directe des philosophes et notamment d’Aristote.

2° L’opposition des philosophes. Aristole. — On ne peut guère attacher d’importance aux attaques de Platon dans son traité des Lois, V, 741-742. Il est hostile au prêt à intérêt et veut permettre à l’emprunteur de refuser non seulement le paiement des intérêts, mais encore le remboursement du capital. Platon écrit pour sa République idéale, d’où il bannira l’or et l’argent. Très probablement cette défiance de l’argent, qui va de pair avec l’aversion à rencontre des étrangers et un nationalisme jaloux, a son point de départ dans le sentiment du danger très vif que fait courir à la patrie le cosmopolitisme financier. Cf. pour Platon, l’art. Prêl à intérêt en Grèce, dans la Grande Encyclopédie, t. xxvii, col. 610 b. C’est, sans doute, de la même source que provient la condamnation absolue du prêt à intérêt d’une somme d’argent par Aristote. Celui-ci est, d’ailleurs, en complète opposition avec son contemporain Démosthône. Selon Démosthène, il faut témoigner la plus grande sollicitude au prêteur, car l’emprunteur reçoit de bel et bon argent dont il devient immédiatement propriétaire et qu’il emploiera à sa guise, tandis que le prêteur n’obtient en échange qu’une petite tablette sur laquelle est inscrite une promesse de restitution. Pour Phormion, 44 ; Ps. -Démosthène, Contre Dionysodore, 1 ; cf. Beauchet, Histoire du droit privé de la République athénienne. t. iv, Paris, 1897, p. 233-234.

Le philosophe de Stagire affirme, quant à lui, que de toutes les activités sociales la pire est celle du prêteur d’argent, lequel prétend tirer un produit d’une chose naturellement stérile comme la monnaie, ne pouvant avoir d’autre propriété et d’autre usage que de servir de commune mesure des choses.

C’est à propos de la » chrématistique » ou art d’acquérir les richesses qu’Aristote aborde le problème du prêt à intérêt. Politique, I, x, in fine. Il oppose la chrématistique naturelle, partie de l’économie domestique, à la chrématistique spécialisée à l’argent ou commerciale, qui vise à l’enrichissement de celui qui la pratique et non à la simple utilisation des biens. La première est nécessaire et digne de louanges, tandis que l’autre, toute en échanges, mérite le blâme, car elle n’est pas conforme à la nature et prend aux uns ce qu’elle donne aux autres : « On a donc parfaitement raison, dit-il. de haïr le prêt ; i intérêt (obolostatlque). Par là, en elîet, l’argent devient lui même productif et se trouve détourné de sa