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URBAIN IV


soucis au Saint-Siège. Il était formellement interdit au futur roi de Sicile de briguer ou d’accepter la couronne impériale ou, sous peine de déchéance ipso facto, la royauté des Romains et la royauté d’Allemagne. Il ne pourrait pas davantage aspirer à la domination dans une des provinces italiennes de l’empire, Toscane ou Lombardie. Dans l’État pontilical il ne pourrait revendiquer aucun droit, exercer aucune charge : podestalie, capitainerie, rectorat ou sénat. À toute réquisition, il fournirait au pape trois cents chevaliers pour un service de trois mois ou une Hotte. Kn même temps un terme était fixé à Charles, passé lequel il pourrait être déclaré forclos. Dans un délai d’un an après la conclusion du traité, il devrait avoir quitté la Provence avec une armée, trois mois " après, être rendu sur les frontières du royaume. En échange le pape précisait le concours qu’il devrait lui-même fournir : la protection apostolique était assurée au prince et à ses compagnons pendant la durée de la guerre ; la croisade contre Manfred serait prêchée dans le royaume de France et le royaume d’Arles, où une décime sur les revenus ecclésiastiques serait perçue pendant trois ans. Cf. Jordan, L’Allemagne et l’Italie, p. 352-354 ; comparer ce qui a été dit ici à l’art. Innocent IV, t. vii, col. 1986.

Le traité n’était pas encore signé qu’une des clauses prévues allait se trouver caduque. En août 1263, Urbain IV annonçait à Maître Albert que le conseil des boni homines de Rome avait nommé Charles « sénateur » de la Ville, lui remettant ainsi l’autorité suprême dans la capitale. Le pape se réjouissait de cette désignation ; il ne laissait pas de faire remarquer que la seule autorité légitime dans Rome c’était la sienne et que, si Charles acceptait la dignité offerte, il devrait prêter, entre les mains de Maître Albert, le serment de ne la point garder contre la volonté du pape. Potthast, n. 18 621 ; cꝟ. 18 750, 18 858, 18 870. Diverses retouches furent faites au traité dans les mois qui suivirent. L’une ramenait le cens annuel à 8 000 onces d’or ; l’autre, plus importante déclarait que le royaume serait héréditaire même en ligne collatérale. Le 15 août 1264 le cardinal légat traitait définitivement avec Charles. Tous les obstacles étant enfin levés et les moyens financiers ayant été prévus, il fut entendu que Charles partirait pour sa « croisade » en 1264. De nouveaux délais vinrent encore retarder l’expédition. Urbain IV n’en verrait pas le déclenchement. Il porte néanmoins devant l’histoire la responsabilité de ce choix, avec les conséquences funestes qu’il eut pour l’Église. La « politique angevine » devait être la croix de tous les successeurs d’Urbain IV.

Connexe à la question de la succession de Sicile était celle du Saint-Empire. Depuis la mort de Frédéric II, il n’y avait plus d’empereur. Jamais l’Église n’avait reconnu non plus comme roi des Romains, c’est-à-dire comme candidat à la couronne impériale, le fils de Frédéric, Conrad IV. À ses yeux, le vrai roi des Romains était Guillaume de Hollande, qu’Innocent IV avait jadis opposé à Frédéric II. Quand Guillaume meurt (28 janvier 1256), l’Allemagne est si divisée que l’élection est d’abord retardée pendant un an ; elle a lieu le 13 janvier 1257, mais elle aboutit à un double choix ; d’une part Richard de Cornouailles, frère du roi d’Angleterre, Henri III, d’autre part Alphonse X de Castille ; sans compter que le jeune Conradin, petit-fils de Frédéric, conservait des partisans. Richard accepte l’offre qui lui est faite et se fait sacrer roi des Romains à Aix-la-Chapelle, le 17 mai 1257 ; mais il ne tardera pas à rentrer dans son pays et ne fera jamais, et dans la région rhénane seulement, que de rares et courtes apparitions. Quant à | Alphonse, il ne mettra pas le pied en Allemagne, j

L’Eglise romaine, elle, ne semblait prendre aucun intérêt à cette afîaire. Au cours du siècle qui venait de s’écouler elle avait trop souffert de l’Empire pour s’intéresser à sa reconstitution. Alexandre IV évita de prendre parti entre les deux concurrents. Urbain IV fit de même ; du moins, nous l’avons vii, fut-il très ferme pour éliminer la candidature de Conradin. La race de Frédéric avait dans le sang la haine contre l’Église romaine ; ce serait un crime de favoriser son retour à la tête de l’Allemagne. Outre les deux lettres aux prélats allemands signalées plus haut, voir une lettre au roi de Bohême, Oltokar, dans Potthast, n. 1 8 340 quin 1262). Cette missive suppose que les électeurs vont incessamment se réunir et que l’on considère donc comme non avenue l’élection de janvier 1257. Mais les deux compétiteurs n’avaient pas renoncé à leur droit. Au début du pontificat d’Urbain, Alphonse de Castille avait fait demander au pape de le sacrer empereur. Urbain répondit le 17 avril 1262 ; il faisait remarquer à son correspondant que la question n’était plus intacte ; qu’en dépit de l’affection que le Saint-Siège avait pour lui, il ne pouvait pas ne pas tenir compte des prétentions de Richard de Cornouailles. Au reste les deux prétendants n’avaient point obéi aux suggestions qui leur avaient été faites de venir débattre contradictoirement leur cause devant le pape. Ibid., n. 18 272. Le 7 août 1263, Urbain reconnaissait à l’un et à l’autre des deux princes le droit de se nommer : « roi élu des Romains ». Richard protesta vivement : il avait le droit de s’intituler « roi couronné des Romains ». Trois lettres parties d’Orvieto le 31 août suivant essayèrent de calmer l’impatience du prince anglais. Urbain y déclarait que le plus vif désir de l’Eglise romaine était de voir se terminer une vacance préjudiciable à tous les intérêts. En fin de compte il demandait aux deux compétiteurs de se soumettre à l’arbitrage du Saint-Siège en envoyant à la Curie leurs procureurs pour le 2 mai de l’année suivante. Ibid., n. 18 633-18 635. Rien ne devait suivre cette citation. En dépit de ses dires, Urbain n’était d’ailleurs pas pressé de mettre un terme à l’interrègne, qui se prolongerait jusqu’à l’élection de Rodolphe de Habsbourg (1 er octobre 1273).

Les deux questions de la succession de Sicile et de l’élection d’un roi des Romains, Urbain IV les avait trouvées dans l’héritage d’Alexandre IV. La reprise de Constantinople par les Grecs de Michel Paléologue (25 juillet 1261) en posait une autre : celle de l’attitude à prendre à l’endroit de l’empire byzantin restauré. Fallait-il essayer de rétablir l’empire latin et de rejeter les Grecs en Asie, prêcher contre ceux-ci une nouvelle croisade et renouveler l’expédition de 1204 ? Ne valait-il pas mieux s’incliner devant le fait accompli et le faire servir à la réalisation de l’union des Églises ? Au temps d’Innocent IV déjà, des pourparlers avaient eu lieu avec Jean Ducas Vatatzès, l’empereur de Nicée, qu’avait interrompus la mort presque simultanée du pape et de l’empereur. Rentré à Constantinople, le nouveau souverain, Michel Paléologue n’avait-il pas intérêt à se rapprocher de l’Église romaine, ne fût-ce que pour détourner de son empire reconquis une nouvelle croisade ? On se le demanda sans doute à la Curie ; en tout cas on évita de prendre une attitude tranchante à l’endroit du basileus..La première lettre connue d’Urbain IV à Michel Paléologue, où le pape demande réparation pour un préjudice matériel causé à deux bourgeois de Lucques, est courtoise dans le fond et la forme. Ibid., n. 18 158 (22 novembre 1261). En 1262, de fait, Paléologue envoie une légation à la cour pontificale. C’est avec effusion qu’Urbain l’en remercie, lui promettant d’envoyer sous peu « des apocrisiaires » à Constantinople pour y traiter de l’union des Églises. Ibid.,