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1605 TRINITÉ. LES DEUX PREMIERS SIÈCLES 1606

surpris. Le genre apocalyptique à lui seul suffit à exclure les précisions d’ordre théologique : ce ne sont pas des visions qui peuvent le mieux traduire les mystères de la vie divine et, lorsque saint Jean rapporte les révélations merveilleuses dont il a été le témoin, il ne songe pas à s’exprimer complètement sur les relations entre le Christ et son Père, mais simplement à faire connaître à ses frères ce qu’il vient d’apprendre concernant la ruine de Rome et la fin du monde. Dans l’évangile au contraire, lorsqu’il rappelle les discours de Jésus, il peut dire, en toute fidélité, ce que lui a enseigné le Maître, non plus sur des événements extérieurs, mais sur lui-même et sur ses relations avec le Père. Il est normal qu’il parle alors en détail des mystères divins.

V. conclusion.

Lorsqu’on quitte le Nouveau Testament, on ne peut s’empêcher d’emporter une impression de paix, de lumière et de vie, qui est profondément bienfaisante. Grâce à la révélation de Jésus, nous avons appris à connaître le Père, le Fils, l’Esprit Saint. Que de progrès accomplis depuis les livres, si beaux pourtant et si prenants, de l’Ancien Testament. Aux demi-teintes a succédé la pleine lumière. L’aube a fait place au grand soleil. Là où nous n’avions que des pierres d’attente, le monument s’est élevé, aussi majestueux que solide. Sans doute, le mystère reste inaccessible à notre raison, mais il ne saurait en être autrement, puisqu’il s’agit des réalités ineffables que l’œil de l’homme n’a pas vues, que son oreille n’a point entendues.

En même temps, cet enseignement du Nouveau Testament est extraordinairement concret. Ni les évangélistes, ni saint Paul, ni les autres, ne songent à employer des termes abstraits ; ils ne parlent pas de nature ni de personnes, ni de relations, ni de missions, ni de circumincession, ni de rien de semblable. Ils se contentent de nous conduire au Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui est aussi notre Père, au Verbe de vie qui s’est fait chair, qui a habité parmi nous et dont nous avons vu la gloire, à l’Esprit de vérité qui rappelle et fait comprendre tout ce que Jésus a enseigné.

Au cours des siècles suivants, il faudra sans doute préciser ces notions. Lorsque des hérétiques se lèveront pour enseigner des doctrines nouvelles, pour contester la divinité du Fils ou celle de l’Esprit-Saint, pour mettre en danger l’unité de la Trinité, les Pères se verront obligés de forger un vocabulaire précis, de réfléchir de plus près aux vérités qu’on avait commencé par croire d’une foi inébranlable. Leur travail ne sera pas vain, loin de là. Mais il n’ajoutera rien à la doctrine elle-même, qui est désormais complète.


III. Le témoignage des deux premiers siècles.

Les deux premiers siècles de l’Église nous restent mal connus. Rares sont les documents qui nous renseignent sur leur histoire ; et la plupart de ceux que nous possédons sont des écrits de circonstance, destinés soit à répondre à des problèmes particuliers, soit à défendre le christianisme contre les païens ou contre les Juifs. Plusieurs de ces ouvrages sont d’ailleurs l’œuvre de docteurs privés, c’est-à-dire étrangers à la hiérarchie ecclésiastique et écrivant sous leur propre responsabilité : il est presque évident qu’on ne saurait accorder à de tris ouvrages la même autorité qu’à des livres composés par des évêques, responsables devant Dieu des âmes dont ils ont la charge et gardiens authentiques de la doctrine traditionnelle.

S’il est vrai, d’ailleurs, que, la plupart du temps, le dogme a progressé sous l’influence des hérésies qui, en s’opposant à la vérité, obligeaient les docteurs et les évêques à approfondir de plus en plus la doctrine révélée, il faut ajouter que les deux premier ! siècles n’ont pas fourni d’occasion favorable à un tel travail.

Le gnosticisme, qui obtint en de larges milieux, un large crédit, n’est guère autre chose, au fond, qu’un système païen qui accorde une place, parmi ses éons, au personnage de Jésus. La Trinité n’est pas même en cause dans les élucubrations de Basilide, de Valentin et de leurs disciples ; le Dieu inconnu et transcendant qui plane au-dessus du monde n’a aucun rapport avec le Père céleste révélé par Jésus ; et les relations de Jésus lui-même avec ce Dieu mystérieux sont définies en termes mythologiques, si bien qu’il devient impossible de reconnaître sous ces déguisements le Sauveur du monde.

Le marcionisme est plus simple et plus cohérent, puisqu’il se contente d’opposer au Dieu créateur, caractérisé par une justice aveugle et inexorable, le Dieu bon, étranger au monde et manifesté par Jésus ; et l’on sait que, si Marcion rejetait, avec tout l’Ancien Testament, la plus grande partie du Nouveau, se contentant de garder l’évangile de saint Luc et les épîtres de saint Paul, après avoir du reste revu et corrigé ces écrits, il prétendait bien être un véritable chrétien. Mais la lutte contre le marcionisme a porté sur son dualisme fondamental, sans qu’il soit possible de dire que le dogme trinitaire y ait été vraiment intéressé. À bien des égards, du point de vue qui nous retient ici, il faut dire que, jusqu’à la fin due siècle, l’Église n’a pas eu à défendre le dogme de la Trinité, mais qu’elle a joui à son égard d’un tranquille état de possession.

I. Les documents officiels.

Il est naturel de commencer notre exposé par le rappel des documents officiels, puisque ce sont eux qui expriment le mieux la foi de l’Église. Si rares que soient ces documents pour les premiers siècles, ils ne sont pourtant pas inexistants. Nous aurons ainsi à tenir compte de la liturgie baptismale ; des règles de foi ; de la prière chrétienne.

1° La liturgie baptismale.

Le baptême est administré au nom des trois personnes divines. Nous ne savons pas au juste à quelle époque remonte la Doctrine des apôtres (Didachè), ni dans quelle mesure on peut faire fond sur son témoignage. Il paraît cependant indubitable qu’elle représente une tradition, lorsqu’elle déclare : « En ce qui concerne le baptême, baptisez ainsi : après avoir enseigné tout ce qui précède, baptisez au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, dans l’eau vive. Si tu n’as pas d’eau vive, baptise dans une autre eau ; si tu ne peux le faire dans l’eau froide, baptise dans l’eau chaude ; si tu n’as ni de l’une ni de l’autre, verse sur la tête trois fois de l’eau, au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. » Didachè, vii.

Un peu après 150, saint Justin le philosophe donne une description analogue : « (Ceux qui doivent être baptisés) sont conduits par nous au lieu où est l’eau, et là, de la même manière que nous avons été régénérés nous-mêmes, ils sont régénérés à leur tour. Au nom de Dieu, le Père et le maître de toutes choses, et de notre Sauveur Jésus-Christ, et du Saint-Esprit, ils sont alors lavés dans l’eau… Pour que nous ne restions pas enfants de la nécessité et de l’ignorance, mais de l’élection et de la science, pour que nous obtenions la rémission de nos fautes passées, on invoque dans l’eau, sur celui qui veut être régénéré et qui se repent de ses péchés, le nom de Dieu, le Père et le maître de l’univers. .. et c’est aussi au nom de Jésus-Christ, qui fut crucifié sous Ponce-Pilate, et au nom de l’Esprit-Saint, qui a prédit par les prophètes toute l’histoire de Jésus qu’est lavé celui qui doit être illuminé. » Apol., i, 61.

Enfin, vers 180, saint Irénée reprend, en la commentant, la description de la liturgie baptismale : « Voici ce que nous assure la fol, telle que les presbytres, disciples dei apôtres, nous l’ont transmise, t.. ni d’abord, elle nous oblige à nous rappeler que nous avons reçu le baptême pour la rémission des péchés, au nom de Dieu le Père,