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URBAIN II

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on fin à d’interminables et irritantes polémiques sur les

ordinations.

Par ailleurs la législation grégorienne sur la simonie i-t le nieolaïsme était à nouveau proclamée, quelques précisions étant apportées sur des points de détail. Ceux cpii, étant enfants, auraient reçu une église achetée par leurs parents pourront la conserver, s’ils s’engagent à vivre conformément aux règles canoniques (cari. 5). Ceux au contraire qui, à un âge plus avancé, auraient acquis une église à prix d’argent, devront l’abandonner ; on leur permettra néanmoins de servir dans une autre église avec le grade obtenu, ou, si cette mutation était impossible, dans un grade inférieur, et qu’ils ne pourraient désormais dépasser (can. 6). Ceux enfin qui, avant une acquisition simonique, auraient été régulièrement ordonnés, pourraient conserver leur rang, à condition de rendre ce qu’ils auraient reçu à prix d’argent, à moins qu’il ne s’agisse d’une haute dignité, laquelle ne saurait être conservée en aucun cas (can. 4).

D’autres mesures furent prises concernant la discipline générale et l’administration des sacrements : les jeûnes des Quatre-Temps étaient fixés à la première semaine du carême, à celle de la Pentecôte, à la troisième semaine de septembre et de décembre ; on n’admettrait pas à la pénitence, ceux qui ne voudraient pas renvoyer leurs concubines, renoncer à la haine ou à tout autre péché mortel ; aucun prêtre ne pourrait recevoir à la pénitence que par commission de son évêque ; à ceux qui se seraient dûment confessés on ne refuserait pas l’eucharistie. Le texte des canons dans Mansi, Concilia, t. xx, col. 804 sq.

Le voyage qu’Urbain II entreprit en France au lendemain du concile de Plaisance et qui devait avoir son point culminant au concile de Clermont (novembre 1095) est inspiré par le désir de presser l’application en ce royaume de la législation renforcée dans l’assemblée italienne. Sans compter un certain nombre de questions administratives qui attendaient une solution définitive, et de surcroît la situation du roi de France. Enfin l’affaire de la croisade, amorcée déjà à Plaisance, préoccupait également la Curie. Nous avons dit ci-dessus, col. 2272 et col. 2275 sq., les solutions qui furent données respectivement à ces deux derniers problèmes. Pour ce qui est des différends entre évoques, ils furent arbitrés au concile : en particulier, malgré une vive opposition du titulaire de Sens, la primatie lyonnaise fut reconnue sur les métropoles de Sens, Rouen et Tours qui faisaient autrefois partie de la province lyonnaise. Cf. JafTé, n. 5600. En même temps s’affirme la politique inaugurée par Urbain II et qui multiplie les exemptions monastiques. Mais surtout l’assemblée accepte et promulgue, autant que de besoin, les canons qui appliquent la réforme grégorienne et répriment le nieolaïsme, la simonie et les abus liés à l’investiture laïque. Texte des canons dans Mansi, Concilia, t. xx, col. 816-819. Rien que nous ne connaissions déjà dans. cette législation. Mais il convient de rappeler quelques mesures destinées à améliorer le recrutement du clergé : nul ne pourra devenir doyen ou archiprêtre, s’il n’est déjà prêtre, ni archidiacre s’il n’est déjà diacre (can. 3) ; on ne peut élire comme évêque ni un laïque, ni un clerc dans les ordres inférieurs y compris le sous-diaconat (can. 5) ; les bâtards ne seront point admis aux ordres et dignités de I l’Église, à moins qu’ils ne soient déjà moines ou cha- | noines (can. 1 1). Non moins important le canon 17 qui | défend aux évêques et aux clercs de prêter le serment l féodal au roi ou à un seigneur à la réception de quelque dignité ecclésiastique. Comme ou le voit, Urbain dépasse ici en intransigeance Grégoire VII lui-même, lequel interdisait seulement l’investiture d’une dignité ecclésiastique par un laïque. Il faudra quelque temps

pour amenuiser ce que cette disposition présentait de vraiment excessif : c’est autour de - cette question du serment féodal que se développera en France — et aussi en Angleterre — la question des investitures. D’autres canons du même ordre tendent à mettre les biens ecclésiastiques hors des prises des laïques ; ceux-ci ne doivent ni retenir les dîmes, ni en prélever pour eux-mêmes (can. 19) ; ils ne peuvent garder pour eux les revenus des églises ou des autels (can. 20). Dans un ordre d’idées analogue, le canon 1, qui rend obligatoire la trêve de Dieu, protégera le personnel ecclésiastique contre les violences. Les moines, clercs et les femmes, ainsi que leur suite, jouissent quotidiennement du bienfait de la paix de Dieu ; la rupture de cette paix n’est autorisée pour les autres personnes, si elles sont attaquées, que du lundi au jeudi. C’était l’extension à toute la chrétienté des institutions de paix, qui, depuis le début du xie siècle, s’efforçaient de restreindre, dans la mesure du possible, les guerres seigneuriales.

Telles sont, en gros, les décisions prises à Clermont ; elles donnent une idée très exacte de l’idéal réformiste qui s’impose à la pensée d’Urbain. Au cours du long voyage en France qui suit le concile et qui amène le pape en passant par Privas, à Brive, Saint-Flour, Aurillac, Uzerches, Limoges (Noël 1098), Poitiers, Angers, Le Mans, Vendôme, Tours, Saint-Jean-d’Angély, Saintes, Bordeaux, Toulouse, Carcassonne jusqu’à Nîmes, la grande affaire, en dehors de celle de la croisade, est d’amener le clergé à l’observation des décrets portés à Clermont. Les divers monastères où il passe, Glanfeuil par exemple, ou Marmoutiers, Saint-Maixent et bien d’autres sont rattachés plus directement par l’exemption à la juridiction immédiate du Saint-Siège. Les liens qui les unissent à Cluny sont également renforcés. A Nîmes, du 8 au 12 juillet 1096, se tient encore un grand concile qui, tout au moins pour l’importance des décisions prises, ne le cède guère à celui de Clermont. Texte dans Mansi, Concilia, t. xx, col. 933. Une fois de plus la primatie des Gaules fut renouvelée à l’archevêque de Lyon. Plus importantes furent les mesures destinées à confier aux moines la cura animarum. Cf. ci-dessus, col. 2280. Le canon 2 déclare qu’il est licite aux moines de s’acquitter des fonctions pastorales, auxquelles ils sont plus aptes, dit le canon 3, que les clercs vivant dans le monde. Ce qui devait, au reste, amener des protestations.

Aux derniers jours de juillet, Urbain se mettait en route pour l’Italie ; par Saint-Gilles, Avignon, Apt, Forcalquier, il rejoignait la Lombardie ; il était de retour à Rome pour Noël. Ce long voyage outre monts avait beaucoup contribué à resserrer les liens entre le Saint-Siège et la France : à bien des reprises, au cours du siècle suivant, les papes seront amenés à chercher refuge dans ce royaume. Il contribua davantage encore à y faire refleurir la discipline ecclésiastique et à rallier de plus en plus ce pays à la cause de la réforme grégorienne.

Les grands conciles que nous venons d’énumérer : Plaisance, Clermont, Nîmes, n’épuisent pas l’action réformatrice entreprise et menée à bien par Urbain II. Nous avons signalé, col. 2278, le concile tenu à Bari en octobre 1098, qui rassembla cent quatre-vingt-cinq évêques, de rit latin et de rit grec, et jeta les bases de la nouvelle organisation ecclésiastique dans les possessions normandes de l’Italie méridionale. Le dernier synode qu’ait tenu Urbain II est celui qui eut lieu à Saint-Pierre de Rome dans la troisième semaine après Pâques 1099. On y confirma les décrets de Melfi (1089) et de Plaisance (1095) ; dans son ardeur à lutter contre tout ce qui pouvait ressembler à de la simonie, le pape interdit encore aux prélats consécraleurs de demander ou même de recevoir les dons en