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URBAIN II
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siastiques, les plus larges concessions. En 1095, pour faire pièce à Henri IV, le pape négociait un mariage entre une fille du comte Roger et Conrad, un des fils de l’empereur, en révolte contre son père. Le projet n’aboutit pas, mais il montre le genre de secours qu’Urbain II attendait de son vassal sicilien. À la vérité une brouille s’éleva entre eux deux en 10961097, quand le pape eut désigné comme légat permanent en Sicile Robert de Messine. Dès 1098, pourtant, une réconciliation intervenait à la suite d’entrevues à Capoue, puis à Salerne ; une bulle du 5 juillet promettait à Roger que désormais le pape n’enverrait plus de légats en Sicile sans l’assentiment du souverain. Le comte devenait légat-né du Saint-Siège et c’était par lui que se régleraient les affaires qui se traitent d’ordinaire par les légats ; ce serait le comte lui-même qui, au nom du pape, convoquerait aux conciles romains, où il n’enverrait d’ailleurs que le nombre d’évêques et d’abbés qu’il jugerait convenable. Jaffé, n. 5706 ; l’authenticité de cette bulle qui avait été mise en doute a été démontrée par É. Jordan, La politique ecclésiastique de Roger I effet les origines de la légation de Sicile, dans le Moyen Age, t. xxv, p. 40 sq. Ces concessions considérables resserraient ainsi les liens entre le Saint-Siège et le jeune État qui commençait à se constituer dans le Sud de l’Italie. Sur tout ceci : Chalandon, Histoire de la domination normande en Italie et en Sicile, t. i, p. 330 sq.

4. Espagne. Dans le même temps le Saint-Siège travaillait à étendre son emprise sur les parties de l’Espagne qui peu à peu étaient reconquises sur l’Islam. Le grand animateur de la lutte était pour lors Alphonse VI de Castille, qui, le 6 mai 1085, avait repris Tolède. Les succès s’étaient vite balancés de revers, dans l’ensemble pourtant la reconquête chrétienne progressait. En 1092. Rodrigue Diaz (celui que nous appelons le Cid) créait autour de Valence, sur la côte orientale, un nouvel État chrétien. Il importait grandement à la papauté, qui avait été. aux années précédentes, l’instigatrice de la croisade espagnole, d’entretenir avec ces jeunes États, si pleins d’ardeur et d’espérances, des relations plus qu’amicales. Grégoire VII avait été. en paroles du moins, un peu rude parfois. Ce fut par des concessions diverses, tout spécialement en réduisant l’action des légats, qu’Urbain II se gagna le dévouement d’Alphonse VI ; de même maintint-il, sans trop de peine, dans leur vassalité au Saint-Siège, les souverains de [’Aragon (cf. Jaffé, n. 5552) et de la Catalogne. Jaffé, n. 5401. Même attitude à l’endroit des puissants seigneurs du nord des Pyrénées : le comte de Maguclone a fait hommage de son comté à Saint-Pierre ; à sa mort c’est l’évêque qui devient comte et vassal direct du Saint-Siège. Jaffé, n. 5375, 5377. Le comte Raymond de Saint-Gilles, de par l’investiture pontificale, est fait comte de Toulouse, duc de Narbonne et marquis de Provence. À cet le époque où le régime féodal joue à plein, il est utile pour le Saint-Siège de pouvoir escompter le secours de véritables vassaux.

2° La lutte avec Henri l d’Allemagne, Cette lutte

a pour théâtre l’Italie, OÙ Gulbert conserve de solides

points d’appui, et l’Allemagne, où l’empereur et son

antipape rallient encore la majorité des évêques. Le

plus urgent parut d’abord a Urbain II de se rendre définitivement maître de Home, on Guibeii avait pu encore tenir concile a Saint-Pierre a l’été de 1089 Le

pape légitime avail réussi, à l’automne de 1088, a s’in s taller dans l’île du Tibre. C’est de la que le 28 juin H>JS’.l il se lame a l’assaut de la ville, ou il fail son entrée le 3 juillet : (iiiiberl a prestement déguerpi, suivi de près par le préfet impérial. RécH de ici exploit dans

Jaffé, n. 5403 et surtout dans une bulle publiée par

Kehr dans Archivio delta tocieta romana di storia

patria, t. xxiii, p. 277-280. Succès d’ailleurs éphémère ! Si l’rbain peut se maintenir à Rome pendant une année, en juin 1090 il est obligé de reprendre le chemin de la Basse-Italie ; il ne remettra plus le pied dans la capitale qu’à la fin de 1093, après que se seront déroulés, en Italie et en Allemagne, les événements que nous allons raconter.

Pendant qu’en Allemagne le légat Gebhard, évêque de Constance, s’efforçait de réchauffer le zèle des grégoriens, un couj) de théâtre se préparait en Italie. La grande comtesse Mathilde, veuve depuis 1076, épousait en août 1089 le jeune Welf V, fils de Welf IV, duc de Bavière..Mariage horriblement disproportionné : Mathilde avait quarante-trois ans, le jeune Welf en avait dix-sept ! Du moins « cette singulière union offrait pour la papauté des avantages inappréciables ; elle conjuguait les deux têtes de l’opposition allemande et de l’opposition italienne, fortifiait la situation de Mathilde et du même coup celle du Saint-Siège dans l’Italie du Nord, enchaînait par des liens plus solides la Bavière à la cause pontificale « (Fliche, p. 240). Tout n’était peut-être pas des plus rassurants, dans ce mariage ; Welf finirait par connaître un jour la clause du testament de Mathilde qui donnait tous ses biens à l’Église romaine. À partir de 1095 les Welf reviendront au parti de l’empereur. Pour l’instant l’annonce du mariage déclencha en Italie une intervention militaire de Henri IV.

La campagne, doublée d’ailleurs par une offensive littéraire — un moine de Hersfeld publiait un traité De unitale Ecclesiæ conservanda, qui sonnait le ralliement de l’Église autour de Clément III (texte dans Libelli de lite, t. ii, p. 173-284) — dura de 1090 à 1092. Henri attaqua d’abord la comtesse Mathilde. En avril 1091, après onze mois de siège, Mantoue était enlevé et peu après les châteaux de la rive gauche du Pô. En juin 1092 l’empereur passait le fleuve, investissait Monteveglio, qui, avec Canossa, constituait le réduit de la résistance. Un peu antérieurement Guibert reprenait l’offensive contre Rome où il parvenait à s’installer en février-mars 1091 ; il y passerait la fui de cette année-là.

Ainsi l’Italie semblait échapper à l’rbain IL Mathilde, à un moment donné, fut sur le point de songer a une réconciliation avec l’empereur. Mais, comme celui-ci mettait pour condition la reconnaissance de Guibert, les négociations furent bien vite rompues. Mathilde finalement eut raison. Repoussé sous les murs de Canossa. Henri dut battre en retraite et bientôt la retraite devint déroule (automne 1092). Sur quoi l’on apprit que l’un des (ils de l’empereur s’alliait avec Welf et Mathilde et se faisait couronner roi à Milan ; une ligue des cités lombardes se constituait el tous ces événements renforçaient en Allemagne l’opposition contre le souverain, lui novembre 1093, Urbain II pouvait rentrer à Rome, pas encore au Latran, où il ne s’installera qu’en avril 1094, du moins dans l’une des nombreuses maisons fortes de la ville. Maître de Home, Urbain est aussi le maître

de l’Italie.

Cette victoire fut consacrée par le concile réuni à l’la isa née au mois de mai 1095 et dont nous étudierons plus loin les décisions. À cette assemblée étaient convoqués ions les évêques de l’Occident, il y figura aussi des ambassadeurs d’Alexis [ » Comnène. empereur d’Orient. Bref, l’rbain y parut comme le vrai chef de la chrétienté. Plus encore lors de son voyage en France qui suit Immédiatement. Terré dorénavant

dans Ravenne, Guibert faisait bien petite figure auprès du grand pape qui. en ce moment même, entrai

nait l’Occident à la conquête de Jérusalem. Sans doute, durant le séjour d’Urbain en France, Henri IV

est en l.ombardie ou en Yénélic, mais il hésile a