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URBAIN II

1° Étais autres que l’Allemagne. - 1. En Angleterre, Guillaume le Conquérant, en dépit de quelques froissements passagers, était demeuré en bons termes avec Grégoire VII. Sa mort (9 décembre 10X7) donne le pouvoir à son fils Guillaume le Houx, véritable despote, fort jaloux de son autorité. L’archevêque de Cantorbéry, Lanfranc, avait reçu du nouveau souverain les plus belles promesses ; elles n’empêchèrent ni le pillage par le roi des biens d’Église, ni la simonie ouvertement pratiquée. Et quand Lanfranc fut mort (2-1 mai 1089), le roi perdit toute retenue. Urbain II tout d’abord laissa faire, craignant de s’aliéner un souverain dont il pourrait avoir besoin. Aussi bien Guillaume évitait-il de se prononcer entre Urbain II et son rival. De ce chef la vacance du siège de Cantorbéry se prolongea plus de trois ans. C’est seulement à la suite d’une maladie, qui l’amena provisoirement à de meilleurs sentiments, que le roi se décida à désigner l’abbé du Liée, Anselme, qui fut sacré le 4 décembre 1093..Mais un conflit était inévitable entre le souverain et le nouvel archevêque. Pour le détail, voir Anselme (Saint), 1. 1, col. 1329. Après quelques escarmouches, la lutte éclate en 1095 entre les deux puissances. A la demande d’Anselme d’aller à Rome pour y recevoir le pallium le roi oppose un refus formel. L’archevêque demande alors que la question soit soumise à un concile qui se réunit à Rockingam (25 février 1095). En dépit des hésitations de l’épiscopat, Anselme maintient qu’il est de son devoir de se rendre auprès du pape. Le roi se décide alors à envoyer à Rome deux clercs, lesquels revinrent convaincus de la légitimité d’L’rbain. En fin de compte le souverain la reconnut lui aussi ; il fut entendu que l’archevêque viendrait à Windsor recevoir le pallium que lui apportait le légat pontifical, Gauthier d’Albano. Mais les conflits reprennent lors de la légation en Angleterre de Jarenton, abbé de Saint-Bénigne de Dijon. Les mêmes plaintes s’élèvent contre la tyrannie royale, qui pressure les Églises. Anselme alors annonce son intention d’aller trouver le pape ; en dépit de la défense que lui fait le roi, il quitte l’Angleterre en novembre 1097. Arrivé à Rome au printemps de 1098, il offre sa démission au pape, pour le bien de la paix. Urbain refuse de l’accepter et enjoint à Guillaume le Roux de restituer à l’Église de Cantorbéry tout ce qu’il lui a dérobé. Jafl’é, n. 5704. En octobre de la même année, l’affaire est soumise au concile de Bari, où l’archevêque accompagnait le pape. Sur plainte de celui-ci, le concile est d’avis de frapper le roi. Cf. Jafïé, t. i, p. 094, post n. 5709. Ce n’est point l’avis d’Anselme, qui provisoirement l’emporta. Aussi bien des ambassadeurs du roi étaient-ils venus à la Curie et avaient-ils obtenu un ajournement de la sentence. Les choses traînèrent en longueur jusqu’à la mort d’Urbain (29 juillet 1099). Quand mourut Guillaume le Roux (2 août 1100), l’affaire d’Anselme n’était pas encore réglée et l’archevêque n’avait pu encore rentrer dans le royaume. En définitive Urbain n’avait pas osé se montrer dur à l’endroit du roi d’Angleterre, craignant sans nul doute de le rejeter dans l’obédience de Guibert.

2. En France les relations avec le roi Philippe I er, qui avaient été franchement mauvaises au temps de Grégoire VII, semblèrent d’abord devoir s’améliorer. Au pape le roi promettait, sans ambages, la debitam subjectionem. Tout alla à peu près bien jusqu’en 1092. Mais à cette date la bonne harmonie fut troublée par une grave affaire qui désormais va peser sur les relations entre Urbain et Philippe. Abandonnant son épouse légitime, le roi enlève Bertrade de Montfort, femme de Foulques d’Anjou et prétend l’épouser. Au début, Lirbain II veut traiter le roi avec quelque ménagement ; une lettre adressée par lui à l’archevêque de

Reims, Renaud, blâme sans doute l’évêque de Scnlis qui a béni le mariage adultère. L’archevêque devra faire tout le possible pour faire cesser le scandale. Du moins aucune sentence n’est portée contre le souverain. .Jafl’é, n. 5469 (27 octobre 1092). Tout au long de l’année 1093 des négociations entre le roi et la Curie n’aboutissent à rien. Alors, le 10 octobre 1094, le pape lance l’excommunicafeig>n contre le roi ; il faut remarquer d’ailleurs que c’est au lendemain de la victoire remportée sur Henri IV. L’affaire du divorce royal figure aussi parmi les questions qui seront traitées au fameux concile de Clermont (novembre 1095). Mais, pour se rendre en France, le pape avait de bien autres raisons. Le royaume capétien, depuis la mort de Grégoire VII, avait partiellement échappé à l’emprise pontificale. Pendant près de neuf années (10851094) le redoutable promoteur de la réforme grégorienne qu’avait été Hugues de Lyon n’avait plus exercé de pouvoir effectif en dehors de sa province et la situation morale du clergé empirait chaque jour. Il fallait que la présence pontificale, comme un demisiècle plus tôt, au temps de saint Léon IX, vînt redonner une nouvelle vigueur à la réforme ecclésiastique. Sans compter que la question de la croisade allait trouver à l’assemblée sa solution définitive.

Le concile de Clermont fut un immense succès ; les décrets de Grégoire VII sur le nicolaïstne, la simonie, l’investiture laïque furent précisés et complétés. Interdiction fut faite aux ecclésiastiques de prêter au roi ou à un seigneur laïque le serment féodal. Enfin, l’excommunication fut prononcée contre le roi Philippe. Jafïé, p. 681. Celui-ci devait faire une soumission apparente. Au concile qu’Urbain II tint à Nîmes après une longue tournée dans toute la France de l’Ouest, le roi, moyennant la promesse qu’il se séparerait de sa nouvelle épouse, fut relevé de la sentence encourue quillet 1096). Il manqua bientôt à sa parole, et se vit à nouveau frappé par Hugues de Lyon vers la fin de cette même année. Sans doute affecta-t-il de n’en point tenir compte et, par manière de défi, il se fit couronner solennellement, le jour de Noël, par l’archevêque de Tours. Cette fois Urbain II se montra extrêmement énergique. L’interdit fut jeté sur tous les endroits où se trouverait le roi ; cf. Jaffé, n. 5682 (dispense donnée aux Clunisiens de ne point observer les règles de l’interdit). Philippe n’en était pas à une promesse près, il obtint la levée de l’interdit. Il faut croire que l’enquête pontificale constata de nouveaux manquements à la parole donnée ; toujours est-il qu’au moment où mourait Urbain II, Philippe se trouvait encore sous le coup d’une excommunication. Mais, somme toute, le roi de France n’était jamais entré en révolte ouverte contre le Saint-Siège et Urbain avait reçu dans le royaume, au cours de son long voyage de 1095-1096, des marques non équivoques de la soumission générale aux directives du Siège apostolique.

3. Avec les Normands de la Basse-Italie les rapports du Saint-Siège s’étaient bien améliorés aux dernières années de Grégoire VII, plus encore au temps de Victor III, où Jourdain de Capoue avait exercé sur l’Église romaine une sorte de protectorat. C’était maintenant de Roger I er de Sicile, frère de Robert Guiscard et successeur de ses ambitions, qu’il convenait de se rapprocher. Au concile de Melfi (septembre 1089), Roger faisait hommage-lige à Urbain et recevait de lui « per vexillum » l’investiture de la Sicile et le titre de comte. Jaffé, p. 664 au bas. Dix-huit mois plus tard, au cours des conversations de Mileto, le pape et le comte de Sicile procédaient à la réorganisation religieuse de l’île, reconquise désormais sur les Sarrasins et que Roger entendait gouverner à son gré. Pour se concilier pleinement le nouveau souverain, Urbain lui faisait, en matière de nominations ecclé-