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URBAIN I er — URBAIN II


actuel (à la suite du martyrologe hiéronymien) célèbre son anniversaire le 25 mai et en fait un martyr.

Duchesne, Liber pontificalis, 1. 1, p. xciii-xciv, 62-63, 143144 ; Jaffé, Hegesta pont. Rom., t. I, p. 13-14 ; H. Delehaye, Étude sur le légendier romain. Les saints de novembre et de décembre, Bruxelles, 1936, pour la légende de sainte Cécile.

É. Amann.


URBAIN II, élu pape lerj12 mars 1088, mort le 29 juillet 1099. —
I. Sa carrière antérieure.
II. Rapports avec les États d’Occident.
III. La question d’Orient : la croisade.
IV. La réforme de l’Église.

I. Carrière antérieure.

Le pontificat éphémère et sans cesse hésitant de Victor III (voir son article) avait laissé l’Église dans un profond désarroi. On pouvait se demander si la cause de la réforme pour laquelle avait lutté Grégoire VII n’était point compromise. L’empereur Henri IV semblait avoir le dessus ; son antipape, Guibert, s’il ne se maintenait pas définitivement à Rome, conservait dans la capitale de nombreux partisans. De surcroît la discorde s’était mise au camp des grégoriens. Irrité de ce qu’il nommait les abandons de Victor III, Hugues, archevêque de Lyon, un des protagonistes les plus ardents de la réforme ecclésiastique, s’était bruyamment séparé du pape ; un des derniers actes de celui-ci avait été de l’excommunier. Cf. Jaffé, Regesta pont. Rom., 1. 1, post n. 5345 et n. 5346. Il était grand temps que montât sur le siège apostolique un homme intelligent et ferme, qui refit l’unité parmi les grégoriens et, pour assurer l’indispensable réforme de l’Église, continuât la lutte commencée par Grégoire VII. Cet homme, ce fut Eudes, cardinal d’Ostic, que déjà Grégoire VII mourant avait désigné aux suffrages des électeurs, que des intrigues d’ordre plus politique que religieux avaient écarté et qu’en ses derniers moments Victor III avait reconnu comme le personnage le plus capable de réussir là où il avait lui-même échoué. Voir Victor III. Mais il fallut quelque temps pour que cette idée s’imposât à tous les électeurs. Victor III était mort au Mont-Cassin le 16 septembre 1087 ; c’est seulement le 12 mars suivant que les cardinauxévêques et les représentants des autres électeurs, réunis à Terracine depuis le 8 mars, s’accordent sur le nom d’Eudes d’Ostic qui est intronisé le jour même, n’ayant pas à être consacré. Récit de l’élection dans Chronica monaslerii Casinensis, t. IV, c. il.

Eudes était né vers 1010 au château de Chàtillon-SUT-Marne, aux abords de la petite ville de ce nom. Enfant et jeune homme, il avait fréquenté les écoles de Reims, où il avait eu pour maître saint Bruno, le futur fondateur des chartreux. Des 1064 il est archidiacre de Reims, bientôt après chanoine. Entre 1073 et 1077, à une date qu’il est impossible de préciser, il s’éprend de la vie monastique et entre a Cluny, espérant y demeurer caché..Mais, en 1078, le pape Grégoire VII, qui veut infuser à l’épiscopat un sang nouveau, demande a Hugues, abbé de Cluny, un certain nombre de moines dont il fera des évêques. Ceci ainsi qu’Eudes de Châtillon devient évêque d’Ostic et cardinal. On sait peu de choses sur les années qui suivent sa nomination. En 1084-1085, alors que Grégoire vil a dû quitter Rome pour Salerne, Eudes d’Ostic est envoyé comme légat en Allemagne ; c’est en cette qualité qu’il assiste aux réunions épis copales de Gerstungen (janvier 1085) et de QuedlinbOUTg (Pâques de la même année), où partisans et adversaires de Grégoire Yll essaient de s’entendre, A la seconde de ces réunions, Eudes renouvelle la condamnation de l’antipape Guibert. À quoi l’em pereui riposte, huit jours plus tard, en déposant les évêques grégoriens. La légation d’huiles n’est donc pas un sucées ; du moins le légal va-t il réussir à consacrer, comme évêque de Constance, Gebhard,

que ses multiples liens de famille rendent puissant dans l’Allemagne du Sud et qui deviendra le chef des grégoriens. Rentré en Italie au moment où meurt Grégoire VII, il se voit d’abord écarté du siège apostolique où l’appelait la désignation du pontife mourant. Cela ne l’empêche pas de rester loyal à Victor 1 1 1, qui à son tour le désigne comme son successeur éventuel. Autour de lui se rallie finalement l’assemblée de Terracine. C’est la fin de la crise qui a suivi la mort de Grégoire VII. Sur les circonstances de l’élection, cf. A. Fliche, L’élection d’Urbain II, dans le Moyen Age, 2e série, t. xix, p. 379 sq.

Nul plus qu’Eudes de Châtillon n’était capable de faire sortir l’Église du désarroi où l’avait plongée le pontificat de Victor III. À une formation très complète et à une expérience consommée des affaires ecclésiastiques, à une fermeté de principes égale à celle de son grand prédécesseur, Eudes joignait en effet un esprit de finesse et un sens politique qui avaient manqué à celui-ci. Hardiment il se déclare le continuateur de Grégoire, Jaffé, n. 5348 (lettre aux évêques allemands) ; il a la même foi que lui en la suprématie romaine, Jaffé, n. 5351 (à Lanfranc de Cantorbéry) ; à cette autorité suprême les princes laïques eux-mêmes sont soumis, Jaffé, n. 5367 (à Alphonse VI, roi de Castille) ; mais ce pouvoir souverain qui est aux mains du pape doit être avant tout au service de l’Église ; le nicolaïsme, la simonie et, tout autant, l’investiture laïque, ces fléaux auxquels s’était attaqué Grégoire VII, Urbain II les dénoncera aussi et les poursuivra. À vrai dire, en ses premières années il tempérera quelque peu l’âpreté des principes, au risque de susciter les plaintes des grégoriens intransigeants ; c’est seulement quand il se sentira, après Plaisance, après Clermont, le maître de la situation, qu’il urgera dans toute leur vigueur l’application des réformes nécessaires. Il faut donc le suivre d’abord dans ses rapports avec les divers royaumes, puisque c’est de l’état de ses relations avec les uns et les autres que dépend, en grande partie, le succès de la réforme.

II. Rapports avec les divers États d’Occident.

La situation du Saint-Siège est fonction, avant tout, de l’attitude de l’Allemagne. Depuis 1080 c’est la guerre ouverte, à main année, entre le pape et l’empereur. Soutenu par Henri IV, l’antipape Guibert (Clément III) a rallié autour de lui une bonne partie de l’Italie et la majorité tics évêques allemands. Au moment où Urbain II monte sur le trône pontifical, il ne reste plus guère en Germanie que cinq évêques fidèles. La mort (septembre 1088) de l’antiroi 1 1ermann de Luxembourg, opposé par les grégoriens à Henri, amène la dislocation à peu près définitive de l’opposition, la Saxe renonce à la lutte, la Bavière ne tarde pas à l’imiter. Si. en Italie, la situation esi moins sombre, il n’empêche que Guibert n’a pas dit son dernier mot. En mai-juin 1089 il peut encore tenir, à Rome même, un synode où il déclare nulle l’excommunication d’Henri [V et se donne en même temps la coquetterie de proclamer quelques-uns des principes de la réforme grégorienne. Sommation est adressée à Eudes, » ci-devant évêque d’Oslic », déjà excommunié pour ne s’être pas présenté au synode de l’Église romaine, de comparaître cette fois à l’assem blée qui vient de se réunir à Saint Pierre. Jaffé, post n.. r > : j2.N, et n. 5329, 5330. Ainsi le premier devoir d’Ur bain II est de réduire le schisme : ce pourquoi il a besoin de loutes les bonnes volontés dans le monde laïque comme dans le monde ecclésiastique. Pour ce dernier il se montrera relativement conciliant dans les questions de réforme ; quant aux princes séculiers, il fera le nécessaire pour ne pas se créer avec eux d’insurmontables difficultés.