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1603 TRINITÉ. SAINT JEAN 1604


est distinct du Père. Mais l’Esprit ne vient pas en qui ne possède pas le Fils et la venue du Père dans les âmes est liée indissolublement à celle du Fils : « Si quelqu’un m’aime, dit Jésus, il gardera ma parole et mon Père l’aimera, et nous viendrons à lui et nous ferons en lui notre demeure. » Joa., xiv, 23. Indissoluble est l’unité des trois personnes divines, bien qu’elles ne se confondent pas l’une avec l’autre.

Il est remarquable que, d’une façon générale, « les relations du Fils et de l’Esprit sont celles du Père et du Fils. Le Fils est le témoin du Père ; de même l’Esprit rend témoignage au Fils ; il glorifie le Fils de même que le Fils glorifie le Père. Le Fils ne dit rien de lui-même, mais seulement ce que le Père veut qu’il dise ; ainsi l’Esprit ne parlera pas de lui-même, mais dira tout ce qu’il aura entendu : il prendra du mien, ajoute Jésus et il vous l’annoncera. Enfin, de même que le Fils est envoyé par le Père, l’Esprit est envoyé par le Fils… Au reste, cette analogie n’est pas telle qu’elle ne comporte des différences essentielles : la filiation caractérise les relations du Fils et du Père ; elle n’apparaît jamais dans la théologie de l’Esprit. Le Père est l’unique principe du Fils ; il n’en est pas ainsi du Fils vis-à-vis de l’Esprit : le Fils envoie l’Esprit, mais de la part du Père, Joa., xv, 26 ; il dit : L’Esprit prendra du mien, mais il ajoute : tout ce qu’a le Père est à moi, et c’est pourquoi je disais qu’il prendra du mien. Ainsi, même dans ses relations avec l’Esprit, le Fils est dépendant du Père. C’est de lui qu’il reçoit tout ce qu’il réserve à l’Esprit. Le Père est ici, comme partout, le principe premier et souverainement indépendant. » J. Lebreton, op. cit., t. i, p. 537.

5° L’Apocalypse.

Les épîtres de saint Jean n’ajoutent rien au témoignage du IVe évangile. Le seul passage important est le célèbre verset des trois témoins : » Il y en a trois qui rendent témoignage dans le ciel : le Père, le Verbe et l’Esprit-Saint, et ces trois sont un. » I Joa., v, 7 ; mais l’authenticité de ce verset n’est plus acceptée par aucun critique : l’Église grecque n’a jamais connu ni utilisé le verset en question avant le IVe concile du Latran en 1215 ; et, dans l’Église latine, son plus ancien témoin assuré est le premier traité priscillianiste de Wurzbourg : c’est de l’Espagne qu’il s’est répandu dans le monde latin et qu’il a pénétré petit à petit dans la Vulgate. On ne saurait donc utiliser la formule si précise qu’il contient comme d’origine johannique. Cf. K. Kûnstle, Das Comma joanneum au} seine Herkunft untersucht, Fribourg-en-B. , 1905.

L’Apocalypse par contre est intéressante à étudier, parce que le voyant de Patmos se fait en quelque sorte l’interprète de l’Église chrétienne dont il décrit les destinées glorieuses. On a, depuis longtemps, remarqué l’allure liturgique des hymnes d’action de grâces qu’il place dans la bouche des vieillards ou des anges : non pas que ces hymnes aient été chantées telles quelles dans les communautés, mais qu’on y ait connu des hymnes toutes pareilles d’accent. Plus peut-être que les autres livres du Nouveau Testament, l’Apocalypse nous révèle l’état d’âme des fidèles et nous permet de pénétrer leurs croyances. En l’écrivant, l’apôtre saint Jean fait écho aux inquiétudes, aux craintes, mais aussi aux espérances de tous ses frères ; il est la grande voix qui recueille, pour les faire entendre jusqu’au ciel, les murmures de l’Église.

Au point de départ, il y a d’abord la foi en Dieu, unique et tout puissant : le Dieu saint, véritable et juste, le Dieu fort, le Dieu vivant, l’alpha et l’oméga, le principe et la fin ; celui qui a été, qui est et qui vient ; le roi, le maître, le créateur du ciel et de la terre et de tout ce qu’ils renferment ; le juge et le vengeur, que tous doivent craindre et adorer, tel est le Dieu auquel les chrétiens rendent ici-bas leurs hommages et devant lequel se prosternent au ciel les vingt-quatre vieillards et les myriades de myriades d’anges.

Mais à côté de lui est le Christ, qui est le maître des rois de la terre, Apoc, i, 5 ; le roi des rois et le seigneur des seigneurs, xvii, 14 ; xix, 16 ; qui tient les clefs de la mort et de l’enfer, i. 8 ; qui peut seul ouvrir les sceaux du livre divin, v, 5 ; qui est, comme Dieu, le principe et la fin, le premier et le dernier, l’alpha et l’oméga ; qui, comme Dieu, est le saint et le véritable, scrute les reins et les cœurs, fait mourir et arrache à l’enfer. L’écrivain inspiré ne confond pas le Christ avec son Père, comme on l’a prétendu quelquefois ; mais il sait que le Christ, lui aussi est Dieu et qu’il a droit à des honneurs divins : » Digne est l’agneau immolé de recevoir la puissance et la richesse et la sagesse et la force et l’honneur et la gloire et la louange. » v, 12.

Si le Christ apparaît au voyant dans l’éclat de sa gloire, on n’oublie pas de rappeler qu’il a vécu ici-bas et qu’il y a souffert. Le nom d’agneau qui lui est donné et qui se réfère à la prophétie du serviteur de Jahvé, est très caractéristique : c’est dans la posture d’un agneau immolé que le Christ se manifeste et ce sont ses souffrances qui lui ont valu le triomphe : « Le vainqueur, je lui donnerai de s’asseoir avec moi sur mon trône, de même que j’ai vaincu et que je me suis assis avec mon Père sur son trône. » iii, 21.

D’autres images d’ailleurs expriment encore la pensée de saint Jean ; telle celle du cavalier, nommé fidèle et véritable, qui monte le cheval blanc : « Il portait écrit un nom que nul autre que lui ne connaît et il était couvert d’un manteau teint de sang, et son nom est le Verbe de Dieu. Et les armées du ciel le suivaient sur des chevaux blancs, vêtus de lin blanc et pur. De sa bouche sort une épée aiguë pour frapper les nations, et lui-même les régira avec une verge de fer… et il a sur son manteau et sur sa cuisse un nom écrit : Roi des rois et Seigneur des seigneurs. » xix, 11, 16. Le nom de Verbe qui est employé ici mérite d’être souligné, car, en dehors de l’évangile de saint Jean, il ne paraît nulle part ailleurs dans le Nouveau Testament. On s’est étonné, à juste titre, de rencontrer un terme d’allure philosophique dans le récit d’une merveilleuse chevauchée. Il est tout aussi remarquable de le rencontrer sans explication d’aucune sorte, comme s’il était entré de plain pied dans le vocabulaire chrétien ; et l’on songe, pour en trouver l’origine, au texte de la Sagesse : « Ton verbe tout-puissant s’élança des cieux, du trône royal, comme un guerrier terrible au milieu d’une terre de mort, portant comme un glaive aigu ton irrévocable décret. » Sap., xviii, 15. Est-ce vraiment à ce passage qu’a songé saint Jean ? on ne le sait trop. En toute hypothèse, il faut renoncer à chercher chez Philon ou chez aucun des philosophes le point de départ de la grande vision.

L’Esprit-Saint tient peu de place dans l’Apocalypse ; et toujours il est simplement désigné sous le nom d’Esprit. Il est une personne qui parle, qui ordonne, qui révèle. Chacune des lettres aux sept Églises se termine par la même invitation : « que celui qui a des oreilles entende ce que l’Esprit dit aux Églises », ii, 7, 11, 17, 29 ; m, 6, 13, 22. Ailleurs, le voyant entend une voix du ciel qui dit : « Écris : bienheureux les morts qui meurent dans le Seigneur. Oui, dit l’Esprit, afin qu’ils se reposent de leurs travaux. » xiv, 13. Ailleurs encore : « l’Esprit et l’époux disent : viens… Et celui qui atteste tout cela dit : Oui, je viens bientôt. » xxii, 17-20. L’Esprit n’est pas identique à Jésus ; mais c’est l’Esprit de Jésus qui se fait entendre. Entre l’Esprit et Jésus, les relations sont extrêmement étroites ; si bien que c’est par l’Esprit que Jésus communique ses paroles à l’Église.

On le voit, cet enseignement est moins précis, moins complet que celui de l’Évangile. On ne saurait en être