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UNIVERSITÉS CATHOLIQUES

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seulement cette plénitude de savoir, mais encore cette aptitude à juger qui est le critère de la vraie culture ?

Mais les universités sont encore des loyers de culture par le rayonnement qu’elles exercent dans le temps et dans l’espace. Ce ne sont pas les seuls étudiants fréquentant les amphithéâtres qui bénéficient des richesses intellectuelles quotidiennement distribuées. Le haut enseignement des professeurs dépasse largement l’enceinte de l’Aima mater, soit par les publications qu’ils lancent dans le public, soit par les conférences qu’ils offrent aux auditeurs soucieux de culture. Les étudiants eux-mêmes, venus souvent de terres lointaines, s’en vont porter dans leurs pays respectifs, une fois leurs études achevées, la lumière dont ils ont été les premiers bénéficiaires.

En fait les universités catholiques, tant françaises qu'étrangères ont, malgré des imperfections et quelques erreurs, réalisé ce beau programme conçu dès leur fondation.

3. Enfin les universités catholiques doivent être et ont été aussi des « centres », on pourrait dire aussi justement des « foyers » d'éducation chrétienne. A dire vrai, une culture ne peut guère être neutre ; elle saisit l’homme tout entier, elle pénètre sa vie autant que son esprit, elle oblige à prendre parti, le parti de la vérité. Nos établissements supérieurs ne sont donc pas simplement des institutions où l’on enseigne la doctrine chrétienne en plus des autres sciences, mais où toutes les sciences sont enseignées dans un esprit chrétien. C’est pourquoi toutes les universités catholiques se glorifient de posséder une faculté de théologie ; ce n’est pas un pur symbole ou un simple rappel ; les connaissances qui y sont enseignées aident à faire pénétrer l’esprit authentiquement chrétien dans toutes les branches de la recherche scientifique et du haut savoir. L'Église n’aura parfaitement accompli sa mission éducatrice que si de ses institutions supérieures sont sortis « des savants plus savants parce que chrétiens, des théologiens plus théologiens parce qu’ils vivent dans une atmosphère de science ». Ainsi, les étudiants des universités catholiques ne sont pas seulement des étudiants « qui pratiquent » ; ce sont de jeunes catholiques qui, alimentant leur esprit aux sources de la vérité divine aussi bien qu’humaine, vivent d’une vie spirituelle particulière, dont la chapelle est à la fois le symbole et le centre. Ce que ne peuvent trouver ailleurs les étudiants catholiques, c’est ce « climat chrétien », éducateur par lui-même, ce genius loci, comme l’appelait Newman, et qui, sans chaire professorale, fait pénétrer par tous les pores l’influence salutaire.

Les réalisations.

Ce serait une erreur de croire

que la formule des universités catholiques est née dans le dernier quart du xixe siècle à la suite du succès de la campagne menée en France pour la liberté d’enseignement. En réalité les fondations françaises consécutives à la loi du 12 juillet 1875 donnèrent le signal d’une floraison d'établissements similaires dans la plupart des pays catholiques. Les mêmes besoins qui avaient fait naître chez nous ces établissements autonomes et catholiques d’enseignement supérieur se faisaient sentir ailleurs. On y pourvut par l’emploi des mêmes moyens.

1. Si université « catholique » était synonyme d' « université d’Eglise », c’est à la fin du Moyen Age qu’il faudrait remonter pour les premières fondations romaines. Sans parler de l’antique Sapience, dont les origines remontent à Boniface YIII (1303), quatre établissements de haut enseignement avaient vu le jour vers la fin du xvie siècle : le Séminaire romain (Lalran) avec plus tard son annexe pour le droit, à l’Apollinaire ; le Collège romain (université grégo rienne) ; l’Institut du Docteur angélique (AngelicumJ et le Collège de la Propagande. Cf. Italie, t. viii, col. 149-150. Mais ce n'étaient pas là des universités « libres », puisque soumises à l’autorité d’un prince temporel, le pape. Lorsque disparut l'État pontifical en 1870, ces divers établissements perdirent leur caractère universitaire, au moins pour un temps, sauf la Sapience qui devint université officielle du nouvel État italien, avec maintien de ses facultés canoniques.

Peu à peu les autres universités reprirent leur haut enseignement, ainsi que des fondations plus récentes. Ainsi « l’Académie des nobles », fondée en 1715, jouit du privilège de conférer les grades depuis 1815, et elle l’a conservé jusqu'à la constitution Deus scientiarum de 1931. Le Séminaire romain est doté d’une faculté de théologie (depuis 1824), de philosophie (1828), avec une faculté de droit civil et canonique (Apollinaire) depuis 1853. Le Collège urbain de la Propagande est une université avec faculté de théologie et de philosophie depuis 1929. l.'Angelieum (ancienne Minerve) a les trois facultés de théologie, philosophie et droit canonique. Tous ces instituts sont régis actuellement par la constitution Deus scientiarum. Plus récemment ont été reconnus comme « athénées » (c’est-à-dire universités) : le collège Saintvnselme (bénédictins), avec ses trois facultés (1933) ; le collège Antonien (1933) avec les deux facultés de théologie et philosophie. Enfin quatre instituts furent organisés pour donner des diplômes spéciaux l’Institut biblique (1916) ; l’Institut oriental (1917), tous deux confiés à la Compagnie de Jésus ; l’Institut d’archéologie (1925) et l’Institut de musique sacrée, fondé en 1910, réorganisé en 1922.

2. La plus ancienne fondation universitaire catholique « libre » est celle de Louvain, qui remonte à 1834. Voir Belgique, t. ii, col. 545-547. Ce fut une belle entreprise, pleine de foi et d’audace. Et ce fut non seulement un succès, mais encore un modèle. Le rôle qu’a joué et que continue à tenir aujourd’hui l’université de Louvain dans la vie catholique belge est considérable ; son influence dépasse d’ailleurs les frontières nationales. Deux mille étudiants y étaient inscrits en 1902. Aujourd’hui (1946), ce chiffre atteint près de huit mille. Seules les querelles linguistiques forment ombre au tableau et seraient capables d’entraver un essor toujours plein de promesses. Ajoutons que l’université « libre » de Bruxelles, ouverte dans la même année 1834 par la Libre-Pensée belge, a perdu, de nos jours, son caractère d’opposition sectaire et entretient avec V Aima Mater des relations cordiales. '

3. -Aux États-Unis, il faut mentionner, parmi les fondations antérieures à 1875, l’université NotreDame dans l'État d’Indiana. Les débuts remontent à 1842. C’est seulement en 1869 que fut introduite la faculté de droit ; la théologie fait défaut.

Il faudrait aussi mentionner, en Amérique du Nord, une université, qui ne fait pas partie de la Fédération, mais qui groupe un certain nombre de facultés et d'écoles : on y trouve théologie, médecine, philosophie et droit. C’est l’université Saint-Louis du Missouri, fondée en 1829. Aujourd’hui la faculté de théologie de Saint-Louis ne figure pas parmi les facultés de sciences ecclésiastiques approuvées depuis 1931.

4. Au Canada, la célèbre université Laval, nonsubventionnée par l'État, soutenue par le clergé, naquit en 1852 dans la ville de Québec. Montréal eut aussi son université propre, d’abord comme succursale de Québec en 1876, puis complètement indépendante à partir de 1919. Québec possède, comme au Moyen Age, les trois facultés de théologie, droit canonique et philosophie, plus une faculté des arts. Mont-