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UNIVERSITES CATHOLIQUES


1. Elles ne sont pas des organismes politiques, ni dès centres d’opposition au pouvoir établi. Leurs fondateurs se sont toujours défendus de vouloir faire œuvre politique, pas plus qu’œuvre de combat ou de parti pris. Il est vrai que la science politique, qui est la science de la « cité », peut être l’objet de leur enseignement. Mais, s’il s’agit d’action purement politique, dans laquelle la morale n’est pas intéressée, l’Église se l’interdit comme étant hors de son domaine ; elle défend même à ses pasteurs de se mêler aux querelles des partis. Quant à sa doctrine, c’est celle de la soumission loyale au pouvoir légitime ou simplement établi, quelle que soit sa forme, pourvu que les lois ou ordonnances respectent les droits de Dieu et les impératifs de la conscience.

2. Elles ne sont pas non plus des organismes de domination, même des intelligences, ou des instruments de dictature religieuse. Bien que la vérité soit une et possède des droits imprescriptibles, l’Église se garde de l’imposer par des procédés autoritaires. Elle respecte la dignité et la liberté de la personne humaine au point de proposer la doctrine qu’elle prêche au nom du Christ, plutôt que de l’imposer. Seuls les fidèles qui l’ont acceptée librement et sont entrés volontairement dans son sein peuvent être contraints d’accepter les conséquences logiques de leur démarche et de leur adhésion.

3. Elles ne sont pas davantage des établissements destinés à donner un enseignement rival de celui de l’Étal. Ce n’était pas la pensée des fondateurs ; ce n’est pas davantage l’intention des dirigeants d’aujourd’hui. L’Église respecte le domaine souverain de l’État, indépendant dans sa sphère. Mais elle revendique hautement et affirme par les faits son droit d’enseigner la vérité et toute vérité ; elle s’oppose seulement à tout monopole en matière d’enseignement.

4. Elles ne sont pas non plus des œuvres inutiles et superflues, faisant double emploi avec les établissements d’État. Outre l’enseignement des vérités proprement religieuses qui sont du domaine propre et exclusif de l’Église, l’Église n’a jamais renoncé à enseigner les vérités profanes, comme elle l’a toujours fait à travers les siècles. Cela, parce que la ligne de démarcation n’est pas toujours facile à établir entre le sacré et le profane ; mais surtout parce que, même s’il est vrai que la science est une, il y a plusieurs manières de la présenter. On peut enseigner les mêmes notions positives et les commenter différemment. Deux médecins, l’un spiritualiste, l’autre matérialiste, n’interprètent pas de la même façon les mêmes faits. Et puis, il n’y a pas que les mathématiques OU la grammaire : il y a la philosophie, l’histoire, celle des religions, de la littérature, les sciences naturelles. Il peut aussi y avoir des professeurs qui ne respectent pas la foi ou la morale chrétienne dans leur enseignement, parce qu’ils sont matérialistes et positivistes. A supposer que tous soient parfaitement corrects, l’Église n’a pas a attendre que des abus se soient produits pour prendre des mesures de sauvegarde de son patrimoine sacré.

5. Elles nr sont pas et ne Veulent pas être des instruments de division de l’opinion et de la jeunesse du pays. Car là, il faut bien distinguer entre une unité qui supprimerait tonte originalité et toute liberté « le pensée, et une union infiniment souhaitable et désirable. I.’unité dans le sens de 1’ « unicité i a été le

le tous les tyrans et de tous les régimes lotali taircs : l’idéal de la démocratie est l’union dans la diversité. L’Église ne réclame pas autre chose. Et, loin de dresser l’un contre l’autre deu dans’le le

jeunesse studieuse, p ; ir l’entretien de ses propres universités, (Ile voit très justement dans ces dernières

un instrument de paix intellectuelle. En initiant les travailleurs de l’esprit, dont elle veut sauvegarder et éclairer la foi, aux méthodes scientifiques reconnues par tous, l’Église crée entre les étudiants un premier terrain de rencontre et de rapprochement.

6. Enfin, les universités catholiques ne sont pas et ne veulent pas être de simples copies des universités d’État, respectueuses du dogme, sans doute, mais sans autre originalité. C’était déjà la préoccupation des premiers fondateurs, alors que l’on discutait sur les formules à adopter : « Ce qu’il nous importe de créer, disait le P. Didon, ce ne sont pas des succursales de l’Université de l’État dirigées par des catholiques. .. Des universités catholiques qui se fonderaient en ne regardant que le passé ne comprendraient pas la mission qui leur est échue : vieilles en naissant, elles ne pourraient aspirer à séduire ni à entraîner la jeunesse, et le jour de leur inauguration, serait celui de leur décès… » Ce qu’ont voulu leurs fondateurs, ce sont tout d’abord des établissements de haute culture religieuse « dans lesquels seraient enseignées toutes les sciences de l’ordre divin » ; puis un enseignement encyclopédique de toutes les sciences, mais dominé par la doctrine chrétienne. En un mot c’était vouloir renouveler « en la rajeunissant » la vieille synthèse doctrinale du xiiie siècle et réaliser une synthèse nouvelle de tout le savoir humain. C’est ce beau rêve que poursuivent aujourd’hui encore nos universités catholiques.

Ce que sont les universités catholiques.

Pour

les définir d’un mot, on pourrait dire qu’elles doivent être et sont effectivement « des foyers de haute culture et des centres d’éducation chrétienne ».

1. Foyers de « culture », et non pas seulement d’instruction ; car la culture ne se confond pas avec l’accumulation des connaissances scientifiques. Celles-ci peuvent faire le spécialiste et l’érudit, parfois l’original ; elles ne peuvent faire l’homme cultivé. « La culture, dit le P. Delos, résulte essentiellement d’une connaissance qui donne du jugement. » Un enseignement formateur n’est donc pas celui qui accumule dans l’esprit des matériaux scientifiques, mais celui qui, même s’il ne porte que sur un petit nombre de faits, révèle leur lien profond avec d’autres, les rattache à l’ordre total du réel.

Cette haute culture de l’esprit est absolument nécessaire, aujourd’hui comme hier, non seulement an clergé, mais encore aux fidèles. Pie XI le soulignait dans la Huile Deus scienliarum, 24 mai 1931. Cf. Acta apost, Sedis, t. xxiii, p. 242. L’évêque de Tarent aise. Mgr Turinaz, l’affirmait dès 1874 dans sa Lettre au cardinal Guiberl : « Ce que réclament en ce moment le clergé et les catholiques de France, c’est un enseignement vraiment supérieur, un enseignement dont la valeur, l’autorité, l’influence ne puissent être discutées et qui fasse apparaître de nouveau au milieu de nous ces écoles illustres vers lesquelles accouraient autrefois les élèves de toutes les nations. » Il n’est pas nécessaire que cet enseignement descende Jusqu’à la technique. Il pourrait même y avoir un grave danger à voir les universités se transformer en écoles pratiques de hautes études, (.’est la culture de l’esprit qui doit rester leur domaine propre.

2. Cette culture trouve dans les universités son foyer > à un double point de vue. D’abord parce que la vraie culture ne peut se (aire que dans un milieu homogène ; elle est un fruit de la Communauté. I, e milieu universitaire est d’une particulière efficacité, non seulement par sa puissance éducative, ainsi que nOU8 le SOUllgneron8, niais encore par sa valeur d’enseignement, la se trouve représenté l’ensemble des

sciences, dont les points de contacts sont indéniables. Quoi de plus favorable pour créer dans l’esprit non