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UNIGENITUS. LITTERATURE AUTOUR UE LA BULLK


le corps de l’Église est composé, au même titre, des évêques, des curés, et même des fidèles : ceux-ci doivent être consultés pour que les décisions de ceux-là soient recevables. « Le curé est chargé non seulement de sa paroisse, mais encore de contribuer, à sa manière, à conserver dans le diocèse et aussi dans toute l’Église, le dépôt de la doctrine, des mœurs et de la discipline ; il doit même être plus touché des besoins généraux de toute l’Église que des besoins particuliers de sa paroisse. » Nicolas Le Gros, Maximes sur les droits des curés, p. 3. Les curés sont les successeurs des soixante-douze disciples et ils sont d’institution divine ; ils sont juges de la foi comme les évêques, ou au moins les témoins de la foi ; ils sont les conseillers des évêques qui décident… Dans les lieux où les évêques se taisent, les prêtres doivent élever la voix. Les synodes sont les conseils des évêques, les sénats des diocèses. Les prêtres doivent y intervenir, non point en vertu d’une concession bienveillante des évêques, mais en vertu d’un droit propre et inaliénable du sacerdoce. L’évêque ne peut prononcer qu’après avoir pris l’avis du synode ; les prêtres ont également droit d’assister aux conciles pour y juger les erreurs doctrinales. Ces théories se trouvent exposées en de nombreux écrits : Boursier, Apologie des curés du diocèse de Paris, 1717, et Dissertation sur les droits des curés, 1717 ; Pierre Gibert, Dissertation sur l’autorité du second ordre dans le synode diocésain, 1721, et Consultation canonique sur le sacrement de l’ordre, 1721,

2 vol. in-12 ; Du Saussoi, La’vérité rendue sensible à tout le monde, 2 vol. in-12, 1719 ; L. de Héricourt, Les lois ecclésiastiques de France, Paris, 1719, plusieurs fois réédité, 1721, 1743, 1756, 1771, in-fol. ; plus tard, les différents écrits de Maultrot, Les droits des prêtres dans le synode, s. 1., 3 vol. in-12, 1779 ; Les droits du second ordre défendus contre les apologistes de la domination épiscopale, s. 1., 1779 ; L’institution divine des curés, 1779 ; Les prêtres juges de la foi,

3 vol. in-12, 1780, et Les prêtres juges dans les conciles, 2 vol. in-12, etc.

On ne s’arrête pas là : en cas de division et de partage, c’est le peuple qui décide. Le peuple doit donner son consentement pour que le jugement des évêques devienne règle de foi. Lorsqu’il s’agit de vérités aussi essentielles que celles d’aujourd’hui, le peuple même doit faire entendre sa voix. Le projet de défense pour les laïques contre les prélats constitutionnaires, du 5 mai 1719, va jusqu’à prétendre que « les ouailles doivent examiner la doctrine que les pasteurs proposent, afin de ne pas se laisser séduire par celle qui serait mauvaise. Les ouailles, le peuple peuvent réclamer l’autorité des saintes Écritures et de la tradition, si les instructions qu’on leur donne cessent d’être conformes à celles que Jésus-Christ et l’Église leur ont données ». Op. cit., p. 3 et 4.

Ces thèses ne sont qu’une application logique des thèses presbytériennes de Richer, plusieurs fois condamnées par l’Église et par les assemblées du clergé de 1655 et de 1681, par les conciles de Rouen, 1581, et de Bordeaux, 1624, par l’assemblée provinciale de 1699 qui condamna les Maximes des saints. Elles sont en opposition formelle avec les usages de l’Église. L’évêque peut et doit même consulter les prêtres instruils comme il peut consulter les évêques ses confrères, mais cela n’est pas nécessaire pour rendre valides les jugements des évêques. Le suffrage du peuple, en matière religieuse, n’apporterait aucune autorité aux décisions de l’Église, car le peuple, en général, est peu éclairé et, dès lors, comment pourrait-il concourir aux décisions de l’Église ?

Tous ces systèmes, inventés par les opposants à la bulle, offrent le grave inconvénient de laisser les fidèles dans l’incertitude et de provoquer des discussions

interminables, incompatibles avec les promesses de Jésus-Christ à son Église. C’est avec raison que Languet de Gergy, dans son Troisième avertissement, a écrit : « Il faut discuter si les prêtres et les peuples sont de même avis que le pape et le plus grand nombre des évêques. Il faut discuter si le pape, avant que de donner sa bulle, a consulté de bons théologiens, si les théologiens, qu’il a consultés, sont les plus habiles ; s’il a pris conseil des cardinaux, de tous, ou de plusieurs d’entre eux ; si les cardinaux ont consenti à son décret, devant ou après qu’il a été publié, s’ils ont donné leur consentement avec connaissance de cause, par quels motifs ils l’ont donné ; si ce consentement n’est point un effet de leur politique, plutôt que de leur persuasion ; il faut discuter si tous les évêques du monde, sans en excepter aucun, acquiescent au jugement du pape ; s’il n’y a point, dans des royaumes éloignés, quelque évêque qui le blâme et le rejette ; si ces évêques qui acceptent le font par voie de jugement ; si leur jugement est porté en une certaine forme ; s’il est donné par le conseil de leur peuple et de leurs prêtres ; si ces prêtres et ces peuples ont assez examiné ; s’ils ont été libres ; s’ils sont assez instruits ; il faut discuter par quel motif précisément tous ces évêques ont donné leur consentement…, il faut discuter quel est le degré de science, de vertu, de mérite de ces évêques, qui s’unissent au pape et de ceux qui rejettent son décret ; comparer leurs intentions, leurs lumières, leurs études et les principes de leur théologie. Il faut discuter quel est le mérite et la science de ces prêtres et de ces peuples qui se partagent, de ceux qui contredisent le jugement de leur évêque et de ceux qui l’approuvent… La vie de l’homme suffira-t-elle pour toutes ces recherches ? »

Les voies de l’Église sont plus courtes et plus assurées. Il faut, dit Bossuet, une autorité visible et parlante, à laquelle tout particulier soit obligé de se soumettre, sans examiner, dans tous les temps, tous les jours, sans aucune interruption, parce qu’elle est la vraie règle de foi, établie par Jésus-Christ et que, seule, elle est proportionnée aux hommes, à qui elle s’impose comme la plus grande autorité visible. Le propre du catholique, c’est de préférer à son opinion personnelle le sentiment commun de toute l’Église, qui s’appuie sur l’autorité même de Dieu, tandis que le propre de l’hérétique est de préférer son opinion personnelle et de s’attacher à ses propres pensées, d’après lesquelles il juge tout et de développer ainsi l’orgueil et la présomption. La vérité se trouve toujours là, où il y a le concert des évêques parlant avec leur chef et unis par le centre commun. Leur commune prédication et leur consentement sont la marque infaillible de la vérité, parce que la promesse de Jésus assure même contre les infidélités des hommes et empêche l’enfer de faire prévaloir l’erreur par surprise, par violence ou par ignorance.

Les évêques de France, au nombre de plus de cent, ont joint leur voix à celle du Saint-Siège et adhéré à son jugement. Les évêques étrangers font entendre leur voix. Si on allègue leur prévention, leur ignorance, leur défaut d’examen et de liberté, on répond avec Nicole : « C’est le consentement des évêques qui fait la marque certaine de la vérité » ; « c’est la commune prédication des évêques qui fait l’entière plénitude des vérités chrétiennes », écrit Bossuet.

La publication de la bulle à Rome, le 8 septembre 1713, et l’acceptation de cette bulle par l’assemblée du clergé de France (16 octobre 1713-5 février 1714) soulevèrent de violentes polémiques. Les écrits de toutes sortes (in-4° de quelques pages et in-12 plus ou moins volumineux) imprimés pour la défendre et surtout pour l’attaquer sont innombrables ; on trouvera ici la liste incomplète des principaux ouvrages publiés durant les premières années et