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UNIGENITUS. LITTÉRATURE AUTOUR DE LA BULLE


condamnent les propositions, comme le pape les a condamnées. I.c dispositif du mandement d’acceptation, dressé par les évêques de l’Assemblée de 1711 est conçu dans les mêmes termes ou dans des tenues équivalents : « Nous condamnons le livre des Réflexions et les cent une propositions qui en sont extraites de la même manière et avec les mêmes qualifications que la bulle. » Le procès-verbal de l’Assemblée du clergé, en date du 1 er février 1714, indique les raisons pour lesquelles les quarante évêques acceptants publient cette instruction : ils acceptent avec respect et avec soumission la constitution de Clément XI, et, ensuite, ils dressent cette instruction pastorale pour rassurer les consciences qui auraient pu être alarmées. « On avait prévenu les Fidèles contre les mauvaises interprétations des personnes mal intentionnées et on y avait employé des moyens très utiles pour empêcher de nouvelles disputes et pour conserver la liberté des écoles catholiques. » Les explications données sont postérieures à l’acceptation et elles n’ont point été les motifs qui ont déterminé l’acceptation. Ce qu’il faut voir, c’est l’acceptation elle-même, et non point les motifs de l’acceptation, car l’unique raison de la soumission des fidèles aux décisions de l’Église, ce sont les promesses divines.

Si, après l’acceptation, un évêque déclare simplement téméraire une proposition qu’un autre évêque juge hérétique, cela n’empêche point une acceptation de la bulle et cela ne détruit point l’accord des évêques et leur unanimité. En effet, la bulle n’a pas qualifié cette proposition, mais l’a seulement condamnée comme contraire à la doctrine catholique, par conséquent, la diversité des jugements ne porte que sur un point que l’Église n’a pas décidé et sur lequel les théologiens peuvent librement discuter. Bref, l’unanimité d’acceptation est indépendante des explications données aux diverses propositions, car la bulle n’a rien décidé sur ce sujet.

Le petit nombre des opposants n’empêche point l’acceptation moralement unanime des évêques, car au milieu des troubles et des divisions que l’hérésie provoque toujours, l’unanimité absolue est impossible. L’opposition de Julien d’Éclane et des dix-huit évêques pélagiens n’arrêta pas la décision du pape Zosime, qui les condamna. Où serait l’Église catholique, toujours subsistante, telle que Jésus-Christ l’a fondée, si quelques dissidents suffisaient pour la détruire ? C’est l’unanimité morale des pasteurs unis au pape qui a reçu les promesses de l’infaillibilité. Le jugement particulier de quelques évêques, sujets à l’erreur, ne saurait l’emporter sur le grand nombre. Saint Augustin déclare que « la cause est finie, lorsque le Saint-Siège confirme le jugement des évêques de la nation où l’hérésie s’est élevée et que les autres évêques ne réclament pas ». Saint Augustin écrivait ces paroles au sujet des pélagiens condamnés par les évêques d’Afrique. Quesnel lui-même, dans un écrit intitulé La tradition de l’Église romaine, t. i, p. 330, a exposé la même doctrine. « Le Saint-Siège, agissant pour toutes les autres Églises, s’est déclaré pour la doctrine de saint Augustin… C’est une témérité très grande de ne pas le suivre ; elle est d’autant plus grande que le reste des Églises du monde n’ayant point eu de part à la contestation et s’étant contenté de voir entrer en lice les Africains et les Gaulois et d’attendre ce que le Saint-Siège jugerait de leur différend, leur silence, quand il n’y aurait rien de plus, doit tenir lieu d’un consentement général, lequel joint au jugement du Saint-Siège, forme une décision qu’il n’est pas permis de ne pas suivre. » Cette remarque, s’applique à la lettre à la bulle Unigenitus, signée par le pape, acceptée par l’unanimité morale des évêques de France et le consentement tacite des évêques étran gers, pour lesquels la question du jansénisme fut à peu près totalement ignorée.

4. La bulle est contraire aux libertés de l’Église gallicane. — D’après les libertés de l’Église gallicane, les évêques sont juges de la doctrine. Or. les évoques de France ont accepté la bulle, envoyée de Home, sans l’avoir examinée ; ils n’ont pas décidé en juges de la doctrine que contient la bulle. De plus, les décrets qui regardent la discipline venant soit de Rome, soit même des conciles généraux, n’ont d’autorité en France que lorsque l’Église gallicane les a reçus librement.

Dans la lettre qu’il écrivit à l’archevêque d’Arles après l’assemblée de 1714, le cardinal de Rohan explique comment l’acceptation pure et simple de la bulle par l’assemblée du clergé n’est nullement contraire aux libertés de l’Église de France, car ils ont reçu la bulle, non point parce qu’elle venait de Rome, mais parce qu’après une ample discussion ils avaient reconnu dans cette bulle la doctrine de l’Église. L’acceptation pure et simple marque seulement la certitude du dogme renfermé dans le jugement auquel on adhère. L’assemblée a accepté purement et simplement, parce qu’elle a reconnu que le pape avait bien jugé. Une telle acceptation n’est nullement opposée aux libertés de l’Église gallicane et aux droits des évêques, qui ne sont point de simples exécuteurs des ordres du pape qu’on regarderait comme infaillible, lit l’assemblée a ajouté des explications, non point pour limiter la bulle ou lui donner des sens étrangers, mais pour éviter les mauvaises interprétations qu’on pourrait lui donner ; ces explications furent publiées sous la même signature que l’acceptation elle-même pour montrer qu’elles n’étaient pas distinctes de la bulle : le sens dans lequel on l’explique I est celui même dans lequel on l’accepte.

Il faut ajouter que la connaissance des causes majeures, surtout des causes qui intéressent la foi, appartient au Saint-Siège, soit avant, soit après la consultation des évêques, et sans préjudice de leurs droits. Or, ce sont les évêques de France qui ont porté l’affaire à Rome, c’est le roi de France qui a insisté à Rome pour qu’une décision soit prise touchant les propositions dénoncées ; puis l’assemblée du clergé de 1714 a reçu la bulle qui condamnait les cent une propositions. Les très rares évêques qui se séparèrent de leurs confrères de France et des évêques du monde chrétien ne peuvent, sans témérité et sans scandale, prétendre s’opposer à cette bulle acceptée par l’unanimité morale des évêques, et soutenir opiniâtrement les erreurs que toute l’Église condamne.

5. La bulle est opposée à la liberté des écoles catholiques. — La bulle demandée et inspirée par les jésuites et rédigée sous leur influence, en condamnant la grâce efficace par elle-même, condamne l’école thomiste et canonise le rriolinisme ; ainsi elle détruit la liberté des écoles catholiques proclamée par Paul Y. après les congrégations De auxiliis. La jalousie a dressé le plan de cette bulle, la brigue l’a sollicitée et elle fut inspirée par l’ambition, introduite par la violence ; on la reçut par faiblesse et le préjugé la soutient. L’ouvrage intitulé La chimère du jansénisme, p. 70, écrit : « Ce sont les jésuites qui ont créé le jansénisme, pour imposer à l’Église leur molinisme. Le jansénisme ne subsiste que parce que les jésuites, à qui il est utile pour associer leur haine implacable contre les gens qui sont les ennemis de leurs erreurs et de leurs maximes corrompues, sont assez hardis pour en parler sans cesse comme d’une hérésie réelle… Le pontificat présent dont ils disposent à leur gré, le crédit inouï qu’ils ont en France…, l’asservissement des évêques, la lâcheté presque générale des théologiens, l’ignorance de ces matières qui est plus grande