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1591 TRINITÉ. L’ENSEIGNEMENT DE PAUL 1592


et qu’il les distingue tous trois des créatures pour les placer dans la catégorie du divin.

On peut ajouter que tous les textes qui ont été allégués n’ont pas la même portée. Dans la trentaine de passages que l’on a cités, plusieurs sont trop vagues pour pouvoir être retenus. On a fait valoir par exemple Rom., xi, 36 : Quoniam ex ipso et per ipsum et in ipso sunt omnia : ipsi gloiia in seecula  ; et déjà saint Augustin a vu ici une allusion aux trois personnes divines ; mais, en réalité, il s’agit de Dieu, sans aucune distinction des personnes. De même I Thess., v, 18-19 : In omnibus grayias agile : hæc est enim volunias Dei in Christo Jesu in omnibus vobis. Spirilum nolite extinguere. Il n’est pas sûr que le mot Spiritum désigne l’Esprit-Saint et il semble même plus probable que nous n’avons affaire qu’à l’inspiration prophétique. Ailleurs, II Thes., ii, 13-14 : Nos autem debemus gratias agere Deo semper pro vobis, fratres dilecti a Deo, quod elegcrit vos Deus primitias in salutem in sanctificatione spiritus et in flde veritatis : in qua et vocavit vos per Evangelium nostrum in acquisitionem gloriæ Domini nostri Jesu Christi. L’exemple de la Vulgate, qui écrit spiritus avec une minuscule, doit nous engager à hésiter ; on peut croire qu’il est question seulement de la sanctification passive de notre esprit, de notre être spirituel. On peut faire une remarque semblable à propos de II Cor., iii, 3 : Epistola estis Christi ministrata a nobis et scripta non atramento sed spiritu Dei vivi, ou la minuscule de la Vulgate nous invite à la prudence ; ou encore au sujet de Eph., ii, 18 : Per ipsum (Christum), habemus accessum ambo in uno spiritu ad Patrem. Cf. F. Prat, op. cit., t. ii, p. 218-220.

Nous devons nous montrer d’autant plus prudents que le rythme ternaire est fréquent dans le style de saint Paul : c’est bien souvent que l’Apôtre se plaît à grouper par trois les expressions qu’il emploie ; on connaît surtout les trois vertus théologales, I Cor., xiii, 13, mais bien d’autres exemples pourraient être cités, comme la triade des apôtres, prophètes et didascales. Mieux vaut écarter quelques textes incertains pour ne retenir que les plus caractéristiques.

Ceux-ci sont d’ailleurs assez nombreux pour former un faisceau impressionnant. « Que la grâce du Seigneur Jésus-Christ et l’amour de Dieu (le Père) et la communion du Saint-Esprit soient avec vous tous. » II Cor., xiii, 13. Ici, « saint Paul attribue au Fils seul la grâce qu’ailleurs il aime à rapporter conjointement au Père et au Fils ; puis il remonte à la source première de la grâce, c’est-à-dire à l’amour actif du Père qui résume et représente toute la nature divine ; enfin, il descend à la distribution effective des grâces qui revient à l’hôte de l’âme juste, à l’Esprit de sainteté. Les trois personnes contribuent donc ensemble, chacune dans sa sphère d’appropriation, à l’œuvre commune de notre salut. » F. Prat, op. cit., t. ii, p. 199-200.

Tout aussi important est le texte suivant : « Il y a des différences de charismes, mais c’est le même Esprit ; et il y a des différences de ministères, mais c’est le même Seigneur ; et il y a des différences d’opérations, mais c’est le même Dieu, qui opère toutes choses en tous. » I Cor., xii, 4-6. Il n’y a pas lieu de voir ici une gradation ascendante dans laquelle l’Esprit Saint, préposé aux charismes, serait présenté dans une situation inférieure par rapport aux deux autres personnes divines. D’ailleurs il est assez difficile de distinguer les nuances exactes qu’il y a entre opérations, ministères et charismes et la plupart des commentateurs grecs regardent ces trois mots comme s’appliquant aux mêmes objets. Toutes ces grâces peuvent être attribuées tantôt à l’une, tantôt à l’autre des personnes de la Trinité selon les circonstances.

D’autres passages mettent davantage en relief les relations éternelles ou les missions temporelles des personnes divines. « Quand vint la plénitude des temps, Dieu envoya son Fils, né de la femme, né sous la Loi, afin de racheter ceux qui sont sous la Loi, pour nous faire recevoir l’adoption de fils. Or, parce que vous êtes fils, Dieu a envoyé dans vos cœurs l’Esprit de son Fils, criant : Abba, Père. C’est pourquoi tu n’es plus serviteur mais fils ; et si fils, aussi héritier de par Dieu. » Gal., iv, 6. D’où il faut rapprocher un texte parallèle de Rom., viii, 14 : « Ceux qui sont mus par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu. Car vous n’avez pas reçu un esprit de servitude de nouveau pour la crainte ; mais vous avez reçu un esprit d’adoption dans lequel nous crions : Abba, Père. L’Esprit lui-même rend témoignage avec notre esprit que nous sommes enfants de Dieu ; si enfants, aussi héritiers : héritiers de Dieu, cohéritiers du Christ. » Les deux textes se complètent mutuellement : Dieu le Père envoie le Fils dans ce monde. Il envoie également l’Esprit, qui est l’Esprit du Fils ; c’est donc lui qui est au point de départ des missions. Par cet Esprit, les fidèles deviennent des fils d’adoption, et l’Esprit qui habite désormais en eux crie vers Dieu en lui donnant le nom de Père. Saint Paul distingue le Fils et l’Esprit, puisque celui-là seul s’incarne ; mais on pourrait se demander si l’Esprit n’est pas le Fils envisagé dans son aspect glorieux, après la résurrection et l’ascension ; et l’on serait tenté de faire valoir, en faveur de cette conclusion que l’Esprit est celui du Fils et qu’il nous donne un esprit d’adoption filiale. Cette hypothèse ne saurait être retenue : la distinction est réelle entre le Fils et l’Esprit et le rôle de chacun d’eux est différent. Il est seulement vrai que les trois personnes de la Trinité sont inséparables, si bien que l’on peut affirmer de l’une d’elles ce qui est dit également des trois ensemble.

Cette remarque est surtout exacte, lorsqu’il s’agit de la sanctification des âmes. Nous lisons ainsi dans l’épître à Tite : « Lorsque apparut la bénignité et l’humanité de Dieu, notre Sauveur, non par égard pour des œuvres que nous eussions faites en état de justice, mais selon sa miséricorde, il nous sauva par le bain de régénération et de renouvellement de l’Esprit-Saint qu’il répandit libéralement sur nous par Jésus-Christ, notre Sauveur. » Tit., iii, 4-6. Les hommes sont sauvés par le baptême qui les régénère et les renouvelle ; et l’Esprit-Saint est le ministre immédiat du renouvellement ainsi opéré : c’est un renouvellement d’Esprit-Saint. Cependant Jésus-Christ, notre Sauveur, est l’intermédiaire de la grâce (dia), que Dieu a envoyée libéralement sur nous ; et, en dernière analyse, l’auteur premier de la sanctification est Dieu, le Père, qui a manifesté sa bonté et sa tendresse à notre égard en envoyant son Fils. Les trois personnes divines collaborent ainsi à une œuvre unique, celle du salut, dont l’initiative appartient au Père.

La même doctrine est également exprimée dans un passage moins développé, où saint Paul, après avoir rappelé aux Corinthiens l’état misérable de l’âme pécheresse ajoute : « Mais vous avez été purifiés, mais vous avez été sanctifiés, mais vous avez été justifiés au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ et dans l’Esprit de notre Dieu. » I Cor., vi, 11. Le baptême est-il administré au nom de Jésus ? On ne saurait le conclure de la formule employée par l’apôtre. Tout au contraire, car les trois personnes divines coopèrent à la sanctification de l’âme. Le rôle du Père n’est peut-être pas mis dans un relief éclatant, comme il l’est dans l’épître à Tite ; cependant l’Esprit est l’Esprit du Père, donc envoyé par lui.

Ailleurs, saint Paul rend témoignage de son apostolat : a Celui qui nous fortifie avec vous dans le Christ et qui nous a oints, c’est Dieu qui nous a aussi marqués