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UNIGENITUS. LITTERATURE AUTOUR DE LA BULLE


acceptation jeta le désarroi parmi les appelants, mais ceux-ci publièrent une déclaration signée le 22 août, dans laquelle Noailles rétractait à l’avance tout ce qu’on pourrait lui arracher. Cette déclaration fut regardée comme apocryphe et anonyme, mais les démarches de Noailles purent faire douter de la sincérité de sa soumission et, lorsqu’il mourut, le 3 mai 1729, les jansénistes continuaient à le compter comme leur chef.

2° Après la mort de Noailles (1729). — Après la mort de Noailles, les polémiques semblèrent se calmer un peu, mais elles se réveillèrent à l’occasion de la Légende de Grégoire VII qui fut attaquée par les jansénistes comme favorisant les prétentions ultramontaines ; un arrêt du Parlement condamna l’office de Grégoire VII, le 22 juillet 1729 ; les évêques d’Auxerre, de Montpellier, de Troyes, de Castres, de Metz publièrent des mandements contre la Légende, dans laquelle on lisait que Grégoire « en athlète généreux et intrépide, avait résisté aux efforts impies de l’empereur Henri : il le priva de la communion des fidèles et il déchargea les peuples qui lui étaient soumis de la fidélité qu’ils lui avaient jurée ».

Vintimille du Luc, archevêque d’Aix, remplaça Noailles à Paris et il constata l’état déplorable du diocèse ; dès le 29 septembre, dans une Ordonnance, il fixa le terme de quatre mois durant lesquels tous les confesseurs devraient se présenter devant des examinateurs avant d’obtenir les pouvoirs de confesser. Des libelles anonymes attaquèrent cette Ordonnance et vingt-cinq curés protestèrent contre la déclaration du chapitre métropolitain qui s’était soumis à l’archevêque. Celui-ci, dans une lettre au roi, raconta en détail ses démarches auprès du clergé pour le gagner et la révolte de quelques curés ; il demanda la protection du prince afin que « par un parfait concours des deux puissances, tout ce qui troublait le bon ordre fût puni selon les voies canoniques et civiles ». À cette lettre du 8 février, le roi répondit, le 15 du même mois, et il lui promit » de le soutenir de toute son autorité, s’il ne pouvait ramener par la douceur ces esprits opiniâtres ». Le gouvernement royal, avec l’appui du cardinal Fleury, travailla à l’épuration des congrégations religieuses.

Le supérieur général des lazaristes, Bonnet, ordonna que tous ceux qui ne souscriraient pas sans délai seraient exclus et le général de l’Oratoire, le P. de La Tour, promit d’employer les moyens suggérés par la prudence pour exclure tous les opposants. La faculté de théologie elle-même reçut une lettre de cachet « pour exclure des assemblées et de toutes les fonctions et prérogatives ceux qui avaient appelé depuis la Déclaration de 1720 ou qui avaient adhéré à la cause de l’évêque de Senez ». La grande majorité des docteurs se soumit et la faculté écrivit une lettre circulaire aux facultés de province pour les engager a suivre son exemple.

I.a lutte qui était restée jusque là à peu près cantonnée dans la sphère religieuse cesse alors d’intéresser la théologie proprement dite ; elle descend Jusque dans les couches profondes du peuple qui va se prosterner devant le tombeau du diacre Paris, tandis que de bruyantes manifestations se multiplient dans les rues. Voir l’art. Pauis, t. xi, col. 2032. Le Parlement, qui était souvent intervenu sous prétexte de défendre les maximes et les libertés du royaume contre Rome et contre l’épiscopat, ne fait qu’accroître les divisions dans la question des refus de sacrement. I.a phase religieuse du jansénisme est vraiment terminée à la mort de Noailles et au moment nu la Déclaration royale du 21 mais 1730 enregistrée ni lit tic justice tenu par le roi en son Parlement le 5 avril 1730, impose comme loi dogmatique de l’Église universelle la constitution Unigenitus contre le livre de Quesnel. Il y aura encore, durant de trop longues années, des polémiques violentes dont les Nouvelles ecclésiastiques se feront l’écho très partial, mais le jansénisme ne vivra plus d’une vie vraiment religieuse.

Il serait trop long de donner une bibliographie même sommaire pour cette histoire rapide de la bulle Unigenitus ; il suffira d’indiquer, à la fin, les principaux ouvrages dans lesquels la bulle a été attaquée par ses adversaires ou défendue par ses partisans.


IV. Polémiques autour de la bulle. —

Il n’est pas un document, qui, dans le cours de l’histoire de l’Église, ait provoqué autant de polémiques que la bulle Unigenitus, avant et surtout après sa promulgation. Elle a été attaquée en d’innombrables écrits de tous formats, depuis Jes feuilles volantes jusqu’aux in-folios. Assez souvent, d’ailleurs, les mêmes objections reviennent sous des formes multiples et avec des variantes très légères. Il est utile de relever les principales, car elles montrent le caractère particulièrement violent du jansénisme au début du xviiie siècle et ses efforts désespérés pour détruire la portée et les conséquences de la bulle qui le condamnait ; elles mettent en relief les difficultés, parfois inextricables, que rencontra alors l’Église ; elles développent avec une subtilité incroyable, les arguments qu’on retrouve toujours, même aujourd’hui, pour éluder, quand ils déplaisent, les décrets romains non garantis par l’infaillibilité pontificale.

On y trouve d’abord les grands principes qui doivent inspirer l’Église dans l’accomplissement de sa mission, laquelle est de gouverner les âmes par son autorité et d’éclairer les esprits par la prédication de la vérité. À ceux qui leur reprochent de compromettre l’autorité de l’Église dans son gouvernement et d’accréditer le protestantisme, les adversaires de la bulle répondent : « L’attachement à l’autorité ne doit pas faire tort à la vérité, comme l’amour de la vérité ne doit pas porter préjudice à l’autorité. Il y a des signes certains qui permettent de reconnaître et cette autorité qui doit soumettre tous les esprits et cette vérité qui doit tous les réunir pour les conduire à la paix, laquelle ne peut être vraie sans la vérité, ni solide sans une ferme subordination à l’autorité légitime. L’unanimité dans la doctrine est le caractère décisif qui met le comble à l’autorité et qui fixe la vérité. »

L’analyse détaillée de la bulle a montré nettement qu’elle renouvelle et confirme les condamnations des cinq propositions de Jansénius ; de plus, elle réprouve les moyens dont les jansénistes ont usé pour échapper à ces diverses condamnations et pour attaquer, à cette occasion, soit la constitution et le gouvernement de l’Église, soit des points de discipline, comme la lecture de l’Écriture, sainte et la pratique du sacrement de pénitence. On comprend, dès lois, pourquoi les jansénistes se sont acharnés contre cette bulle pour lui enlever toute autorité auprès des fidèles el ainsi amener la révision des jugements portés contre le jansénisme.

I. DÉFENSE DE QUESNEL PAR BOSSUET. —

Avant d’examiner les principaux arguments des jansénistes. qui ont attaqué la bulle après sa publication, il est bon de parcourir un livre dont [’authenticité n’est plus contestée et dont l’auteur jouissait d’un grand prestige auprès des jansénistes. Beaucoup d’arguments d’ailleurs ont été empruntés à cet écrit, par Ceux qui écrivirent après 171 1. Il s’agit du livre intitulé : Justification îles « Réflexions morales sur le Nouveau Testament », approuvées par le cardinal de Noailles, composée en 1699, contre le » Problème ecclésiastique », par feu messire Jacques-Bénigne Bossuet, évéque de Meaux, in- 12, Lille, 17 m et Paris, 1711.