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UNIGENITUS (BULLE). AGITATION SUBSÉQUENTE


logne et à la Seconde lettre d’un théologien qui avait prétendu que « les prêtres sont juges de la foi, juges de droit, car ils appartiennent au corps de l’Église ; que les laïques ne sont pas juges de la foi, mais qu’ils en sont les témoins ; en sorte que les conciles généraux doivent tenir compte de leur témoignage et que les décisions conciliaires ne tirent leur force et leur autorité que du consentement de l’Église ». Le 2 septembre, Languet répondit encore à l’évêque d’Auxerre, Caylus, l’appelant irréductible ami des évêques de Senez et de Montpellier. Celui-ci, dans une Lettre, avait violemment attaqué la bulle et prétendu que les principes admis par les acceptants conduisaient au schisme et à l’hérésie. À cette occasion parurent plusieurs écrits relatifs à l’autorité et à l’infaillibilité de l’Église et des papes.

La question du Formulaire sema alors la division dans quelques diocèses, en particulier à Montpellier, où l’évêque, Colbert de Croissy, restait toujours opposé à la bulle et entretenait avec l’évêque de Senez une correspondance active. Rome surveillait les mandements publiés en France ; le 14 juillet 1723, un décret du Saint-Office condamna des lettres des évêques d’Auxerre, de Bayeux, de Rodez. La mort du cardinal Dubois, le 10 août, et celle du régent, le 2 décembre 1723, n’arrêtèrent en rien les discussions.

Les assemblées provinciales, qui préparaient l’assemblée générale du clergé furent une nouvelle cause d’agitation : à Reims, on dénonça l’évêque de Boulogne. L’assemblée générale se réunit à Paris le 25 mai 1723 et elle aborda les questions religieuses, en de nombreuses séances. Par ses arrêts, disait l’assemblée, le Parlement attaquait quelques évêques, faisait saisir leur temporel, supprimait leurs mandements, autorisait des particuliers de l’un et l’autre sexe à se soulever contre des ordonnances d’évèqucs soumis au Saint-Siège. Des prêtres, des curés s’appuyaient sur ces arrêts pour braver les censures lancées contre eux par leurs supérieurs et continuaient impunément l’exercice des fonctions dont ils étaient chargés ; des prélats attaquaient la doctrine enseignée par les évêques à leurs fidèles. Telles sont les remontrances du clergé au roi. Le 7 septembre, le roi fit répondre que les constitutions contre le jansénisme et, en particulier, la bulle Unigenitus sont lois de l’État comme de l’Église, suivant la Déclaration royale du 4 août 1720 et l’arrêt du Conseil portant condamnation de la Lettre des sept évêques.

Après un court pontificat de trois ans, Innocent XIII mourut le 7 mars 1724 et il eut pour successeur le cardinal Corsini, qui prit le nom de Benoît XIII, le 29 mai 1724. Le nouveau pape était dominicain. Le 6 novembre, il publia la bulle Pretiosus, dans laquelle il déclarait que la doctrine de saint Augustin et de saint Thomas sur la grâce efficace et la prédestination gratuite n’avaient reçu aucun préjudice de la bulle Unigenitus, mais en même temps il fit rendre par le général dus dominicains un décret pour exclure de la congrégation tous ceux qui ne se soumettraient pas à cette bulle. Benoît XIII réunit un concile dans l’église Saint-Jean de Latran, le 15 avril 1725 : après avoir insisté sur l’obligation pour les évêques de réunir des synodes, il fit insérer le décret suivant : « Comme pour maintenir et conserver dans son intégrité et sa pureté la profession de la foi catholique, il i si très nécessaire que tous les fidèles évitent avec le plus grand soin et détestent les erreurs qui, dans emps modernes, s’élèvent contre cette même foi, tous, les évêques et pasteurs des âmes veilleront avec la plus grande exactitude, comme par le passé, à ce que la constitution donnée par Clément XI… que nous considérons comme une règle de foi, soit observée et exécutée par tous, de quelque grade et condition

qu’ils soient, avec l’obéissance entière qui lui est due. » Ils doivent sévir contre ceux qui ne se soumettraient pas.

L’assemblée du clergé de 1725 poursuivit les démarches de celle de 1723. L’insubordination des appelants, l’audace d’un grand nombre d’ecclésiastiques, la protection accordée par quelques tribunaux aux rebelles amenèrent les évêques fidèles à intervenir au nom de l’Église. Des désordres graves eurent lieu dans quelques diocèses et il fut question d’assembler des conciles provinciaux pour juger les responsables, à Narbonne, l’évêque de Montpellier, et à Rouen, l’évêque de Bayeux. L’assemblée se proposait de condamner quelques écrits, lorsqu’elle reçut l’ordre de clôturer ses séances le 27 octobre. Les évêques se plaignirent au roi dans une lettre où ils déclaraient que la bulle Unigenitus était une loi de l’Église et de l’État et ils annonçaient qu’ils étaient décidés à la faire observer par les ecclésiastiques de leurs diocèses. La dernière séance fut longue et mouvementée, mais le duc de Bourbon fit raturer le procès-verbal de cette séance, et le 10 janvier 1726, Gilbert des Voisins, avocat général, en demanda la suppression dans un réquisitoire qui eut un écho au parlement.

Cependant on travaillait à obtenir de Noailles une acceptation de la bulle, afin de le détacher des appelants et de décapiter ce groupe autour duquel Se rangeaient les séculiers et les réguliers appelants. Benoît XIII exigeait l’acceptation de la bulle avec le rejet de V Instruction pastorale de 1719. De son côté, Noailles demandait l’approbation des douze articles qu’on présentait comme la pure doctrine de saint Augustin et de saint Thomas ; or, quelques-uns de ces articles étaient obscurs et d’autres semblaient favorables au jansénisme. Le troisième était ainsi conçu : « Personne ne résiste à la volonté absolue de Dieu. » Le septième affirmait que : le rapport de toutes nos actions à Dieu est un précepte et non point seulement un conseil et qu’il ne suffit pas que nos actions y tendent interprétativement. Le dixième disait : « C’est une conduite conforme aux préceptes de l’Évangile et aux règles de l’Église de différer le bienfait de l’absolution aux pénitents qui sont chargés de très grands crimes ou de crimes publics, à tous ceux qui sont dans l’habitude ou dans l’occasion prochaine du péché mortel. » Les opposants répandirent le bruit que le pape approuvait ces articles, mais le bref qu’on annonçait n’arriva jamais.

Les négociations annoncées à grand fracas Inquiétèrent quelques évêques. Aussi, le 19 octobre, les cardinaux de Rohan et de Bissy et l’évêque de Fréjus, Fleury, écrivirent-ils au pape une lettre célèbre connue sous le nom de Lettre des trois puissances, afin de Taire ressortir les raisons de ne pas se contenter de l’acceptation faite en 1720 par Noailles. I.a Lettre critiquait les douze articles et signalait que, dès que ces articles avaient été connus, ils avaient soulevé tant de disputes et de troubles que l’autorité royale avait dû intervenir par un arrêt du Conseil du 2 juin 1725. Il fallait une acceptation pure et simple. De son côté, l’évêque de Saintes, Heaumonl. neveu de l’énelon, dans un mandement du 26 novembre, montrait « le venin que ces prétendues explications renferment et l’artifice de ceux qui les onl fabriquées ». A rencontre, l’évêque de Montpellier prenait la défense des douze articles et attaquait la constitution, tandis que l’évêque de Senez, dans son Instruction pastorale du 28 août 1.726, proclamait les douze articles comme

autant de vérités incontestables : il critiquait la conduite de Clément xi et de ses successeurs, celle des

évêques acceptants et exhortait ses diocésains a persévérer dans les sentiments qu’il leur avall Inspirés : 1rs appelants étaient les vrais défenseurs de la