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UNIGENITUS (BULLE). AGITATION SUBSÉQUENT ! - :


de Noailles et voulaient engager Rome à agir ; on parla de « décardinaliscr » Noailles et un décret de l’Inquisition, publié le 8 mars 1718, condamna l’appel des quatre évèqucs. Quelque temps après, le 8 septembre 1718, le pape publia les lettres Pastoralis officii, qui provoquèrent de nouvelles oppositions. Le 14 janvier 1719, le cardinal de Noailles publia une Instruction pastorale contre l’écrit intitulé Témoignage de l’Église universelle, tandis que les Parlements multipliaient leurs arrêts contre les évêques acceptants. Les trois Avertissements de l’évêque de Soissons, Languet de Gergy, quoique fort modérés, n’amenèrent aucune conciliation et les thèses presbytériennes, soutenues alors par La Borde et Le Gros, et un peu plus tard par Nicolas Petitpied, marquaient le début du mouvement qui devait aboutir à la Constitution civile du clergé. Les Avertissements provoquèrent même de violentes attaques et les libelles qui se répandirent dans les diocèses de Boulogne, d’Angoulême, de Tours, de Soissons furent l’occasion de graves désordres. Le roi publia une nouvelle déclaration, le 5 juin 1719, pour imposer silence durant une année. Par ses arrêts contre les évêques, le Parlement ne faisait qu’envenimer les querelles. A Rome, le P. Lafltau remplissait une double mission : obtenir le chapeau de cardinal pour Dubois et arracher des explications de la bulle, mais les négociations étaient sans cesse entravées par les évêques et les Parlements.

La mort de Quesnel, le 2 décembre 1719, ne calma point les esprits. Lafltau, devenu ambassadeur officiel après la mort du cardinal de la Trémoille, le 10 janvier 1720, poursuivit ses démarches, un peu moins secrètement. Elles aboutirent à un accommodement (13 mars 1720). Un corps de doctrine en treize articles, connu sous le nom d’Explications sur la bulle Vnigenitus, fut signé par trente-huit évêques. Mais il fut bien vite l’occasion de nouvelles discussions, bien que Noailles, cette fois, dans un Mémoire sur la paix de l’Église, eût engagé ses amis à le signer. Ce fut un déchaînement contre le pauvre archevêque, qu’on attaqua violemment, en affirmant que, seul, un concile général pouvait trancher le différend. D’ailleurs, à Rome, on n’acceptait pas cet accommodement qu’on regardait comme l’œuvre de Noailles. Le Parlement s’opposa à l’enregistrement de cette pièce et, de ce chef, il fut exilé à Pontoise. Aussitôt la bataille des libelles recommença. Enfin, Noailles, après bien des hésitations, se décida à publier un mandement d’acceptation suivant les Explications approuvées par un grand nombre d’évêques de France, avec des Explications de la Bulle en dix articles. Ce mandement contenait quelques expressions ambiguës qui firent douter de la sincérité de Noailles et qui lui permettraient de reprendre son opposition. Noailles avait exhorté ses amis à le’suivre ; or, plusieurs d’entre eux publièrent alors un nouvel acte d’appel avec des listes de souscription contenant les noms de prêtres et de religieux, en novembre 1720. Le mandement de Noailles n’avait donc contribué qu’à ranimer les polémiques. Pour le détacher de ses amis, l’évêque de Soissons publia une longue lettre pastorale, afin de justifier la conduite du cardinal ; mais l’archevêque sembla le désavouer et tout fut remis en question. Alors parut la Tour de Babel ou Division des évêques de France sur la constitution de 1714 jusqu’en 1721, pour servir de plan à l’histoire des variations arrivées à cette bulle.

2. Sous les successeurs de Clément XI : Innocent XIII (1721-1724) et Benoit XIII (1724-1730). — Les batailles continuaient autour de Noailles, lorsque Clément XI mourut le 19 mars 1721. Noailles fut invité au Conclave avec l’espoir qu’il ne viendrait pas ; en

fait, il ne répondit pas à l’invitation à cause de son grand âge. Rohan partit avec la double mission d’obtenir un accommodement et un chapeau de cardinal pour Dubois. Le cardinal Conti fut élu le 8 mai, et il prit le nom d’Innocent XIII. Un nouvel envoyé parut alors, l’abbé de Tencin, conclaviste du cardinal de Bissy. Rohan tâcha d’obtenir du nouveau pape une réponse d’approbation à Noailles, mais les discussions de la Sorbonne excitaient les esprits ; Noailles hésitait toujours et la publication de la bulle de jubilé en novembre 1721 provoqua de nouvelles polémiques, à cause des additions faites par quelques évêques et des catéchismes publiés à cette occasion. La mort du cardinal de Mailly, le 10 septembre 1721, fournit au chapitre de Reims l’occasion d’une manifestation tapageuse contre la bulle ; sept évêques écrivirent au pape pour lui exposer les maux causés par la bulle. Cette lettre fit une impression fâcheuse à Rome ; elle fut condamnée par un décret du Saint-Office du 24 mars 1722, comme « contenant plusieurs propositions injurieuses aux évêques catholiques et principalement à ceux de France, à Clément XI, au pape régnant et au Siège apostolique et comme étant, dans son ensemble, schismatique et pleine d’un esprit hérétique ». À ce décret, le pape joignait deux brefs au roi et au régent pour se plaindre de la conduite de quelques évêques ; un arrêt du Grand Conseil condamna la lettre des sept évêques comme téméraire, séditieuse et injurieuse au Sacerdoce et à l’Empire. Les sept évêques répliquèrent. En même temps, Noailles refusait d’accorder aux jésuites les pouvoirs de confesser et, par cet acte inattendu, rendait très suspecte son acceptation de l’accommodement… Malgré les efforts du cardinal Dubois, devenu premier ministre le 22 août 1722, malgré le silence relatif qui régna en France, à l’époque du sacre de Louis XV (25 octobre 1722), la situation religieuse restait très précaire et le moindre incident suffisait pour renouveler les discussions.

Bissy publia, le 17 juin 1722, une longue Instruction pastorale et quelque temps après deux volumes contre les Hexaples, sous le titre de Traité théologique sur les cent une propositions. Ce dernier écrit provoqua la colère des jansénistes et une réplique des sept évêques. D’un autre côté, l’évêque de Soissons, Languet de Gergy, dont l’autorité grandissait chaque jour, publia une Lettre pastorale, où il exposait en détail la doctrine catholique, en quatre parties, et critiquait les nombreux écrits anticonstitutionnaires parus depuis l’origine ; il signalait une poussée de presbytérianisme, inspiré des idées de Richer. Dans leurs libelles, dit-il, les jansénistes répètent que la bulle est l’œuvre des jésuites, qui ont voulu canoniser le molinisme, lequel n’est qu’une forme du pélagianisme. Et Languet s’applique à leur montrer que le molinisme est d’accord avec le thomisme pour affirmer que la liberté humaine a été affaiblie et non détruite par le péché originel ; les écoles se divisent, lorsqu’il s’agit d’expliquer la nature du secours nécessaire à la liberté pour faire le bien (grâce efficace et grâce suffisante) ; sur cette question le concile de Trente n’a rien décidé ; mais toutes les écoles catholiques sont d’accord pour affirmer la nécessité de ce secours surnaturel. Enfin il montrait nettement le sens dans lequel les propositions de Quesnel avaient été condamnées ; il prenait la défense de Bissy, dans la quatrième partie de sa Lettre pastorale et montrait qu’il était lui-même pleinement d’accord avec ce dernier, bien que, parfois, il donnât de la condamnation des propositions de Quesnel des raisons différentes : l’union est complète sur le dogme, la diversité n’existe que sur la manière de justifier la condamnation elle-même. Entre temps, le 25 mai 1723, Languet répondait à l’évêque de Bou-