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UNIGENITUS (BULLE). AGITATION SUBSÉQUENTE


pour elle, mais pour les puissances séculières, séditieuses, impies, blasphématoires, suspectes d’hérésie, sentant l’hérésie, favorables aux hérétiques, aux hérésies et aux schismes, erronées, approchant de l’hérésie, et souvent condamnées, enfin comme hérétiques et comme renouvelant diverses hérésies, principalement celles qui sont contenues dans les fameuses propositions de Jansénius, prises dans le sens auquel elles ont été condamnées ». Après cette longue énumération de notes théologiques, qui condamnent respectivement les cent une propositions, la bulle ajoute : « Au reste, par la condamnation expresse et particulière que nous faisons des susdites propositions, Nous ne prétendons nullement approuver ce qui est contenu dans le reste du même livre, d’autant plus que, dans le cours de l’examen que Nous en avons fait, Nous y avons remarqué plusieurs autres propositions, qui ont beaucoup de ressemblance et d’affinité avec celles que Nous venons de condamner, et qui sont toutes remplies des mêmes erreurs. De plus, Nous y en avons trouvé beaucoup d’autres qui sont propres à entretenir la désobéissance et la rébellion qu’elles veulent insinuer insensiblement sous le faux nom de patience chrétienne, par l’idée chimérique qu’elles donnent aux lecteurs d’une persécution qui règne aujourd’hui. » Elle condamne aussi le livre, parce que souvent il altère le texte du Nouveau Testament et qu’il est « conforme en beaucoup d’endroits à une traduction dite de Mons, qui a été censurée depuis longtemps » et le texte « est différent et s’éloigne en diverses façons de la version Vulgate, qui est en usage dans l’Église depuis tant de siècles, et qui doit être regardée comme authentique par toutes les personnes orthodoxes ».


III. L’agitation autour de la bulle.

De la mort de Louis XIV à la mort de Noailles (1715-1729).

1. Sous Clément XI.

Les procédures qui préparèrent l’acceptation de la bulle n’épuisèrent pas l’ardeur des polémiques. Après la mort de Louis XIV, l’opposition reprit plus vive que jamais, d’autant plus que le régent parut d’abord favoriser le jansénisme. Neuf évoques seulement, à l’assemblée du clergé, avaient refusé d’accepter la bulle mais, dirent les jansénistes, c’était l’élite des évêques. « C’était la partie la plus éclairée et la plus instruite du haut clergé, tandis que les autres prélats, qui avaient à leur tête Rohan, n’étaient que des créatures d’antichambre, des fanatiques, des énergumènes, des politiques, des peureux, des méprisés, bref, une majorité ignorante et servile. » Voilà comment étaient jugés les évêques acceptants ! Ils étaient le nombre, mais l’opposition représentait la qualité. D’ailleurs, les évêques présents à l’assemblée, ceux qui avaient ajouté leur voix après l’assemblée et les évêques étrangers avaient tout accepté sans examen préalable, les yeux fermés. car, étant convaincus de l’infaillibilité pontificale e1 Rome ayant parlé, comment auraient-ils osé examiner la huile avant de la recevoir ? Au contraire, les opposants axaient examiné la constitution, et c’est après cet examen personnel qu’ils avaient, en connaissance de cause, refusé leur adhésion.

A la tête des opposants, étail le cardinal de Noailles. archevêque de Paris ; il était leur chef par son litre de cardinal et par sa situation dans le royaume ; en fait, il était à la remorque des plus audacieux et des plus entreprenants qui le manœuvrèrent constamment jusqu’à sa mort en 1720, et l’empêchèrent de faire des démarches qui auraient compromis la cause.

Le régent, de concert avec le cardinal de Rohan, a, dès 1715, île concilier les évêques de France et de négocier a Rome, par l’intermédiaire de l’ambassadeur officiel, le cardinal de la Tlemoille. et i|Vn voyés plus ou moins secrets, comme le P, Lafltau, l’abbé. Chevalier, l’abbé de Tencin ; en même temps, il favorisait les jansénistes et il plaçait Noailles à la tête du Conseil de conscience. Mais l’accord se révéla bientôt impossible ; l’entente n’existait pas, même entre les opposants : quelques-uns, comme les évêques de Montpellier, de Senez, de Boulogne, regardaient la bulle comme essentiellement mauvaise, donc absolument inacceptable, tandis que la plupart des autres opposants étaient prêts à la recevoir, pourvu qu’on donnât des explications. La division ne régnait pas seulement dans l’épiscopat : à la Sorbonne, les assemblées étaient toujours fort houleuses et les moindres incidents dégénéraient en batailles rangées ; ainsi l’élection d’un syndic, pour remplacer Le Rouge, en 1715, fut l’occasion de paroles très violentes. A Rome, on pensa un moment à enlever à la Sorbonne tous ses anciens privilèges. D’autres facultés, entre autres les facultés de Nantes et de Reims, furent aussi fort agitées. Enfin, les Parlements, au nom des maximes du royaume et des libertés de l’Eglise gallicane, intervinrent pour défendre les droits de l’épiscopat et des facultés contre les « prétentions de Rome ».

Le régent engagea des négociations avec Rome, afin d’obtenir des explications qui pourraient satisfaire les opposants, mais le pape mécontent de la conduite des évêques à l’assemblée du clergé, mécontent de l’Instruction pastorale de Noailles, en date du 25 février 1714, mécontent de la Sorbonne et des arrêts du Parlement, n’était pas disposé à donner des explications ; il refusa leurs bulles à des évêques nommés, afin de ne pas grossir le nombre des opposants. L’abbé Bossuet, neveu de l’évêque de Meaux, celui-là même qui avait intrigué à Rome pour obtenir la condamnation des Maximes des saints, se vit refuser ses bulles durant trois ans, pour l’évêché de Troyes, où il devait se distinguer par son opposition à la Constitution. Un groupe d’évêques, à l’instigation du régent et sous la direction du cardinal de Rohan, rédigea un corps de doctrine qui pût réunir les opposants, et le régent choisit un négociateur habile, l’abbé Chevalier, qui se rendit à Rome et visita les cardinaux désignés par Clément XI. Celui-ci convoqua une congrégation générale ; mais les arrêts du Parlement contre des mandements d’évêques, les batailles de la Sorbonne, impressionnèrent fâcheusement les cardinaux ; aussi, malgré l’intervention pressante de l’ambassadeur, le cardinal de la Trémoille, malgré l’appui de quelques cardinaux gagnés par Chevalier, les démarches échouèrent. Le Sacré-( Collège écrivit à Noailles et le pape envoya un bref aux évêques. mais les démarches de Noailles qui, sur les entrefaites, jeta l’interdit sur les jésuites du diocèse de Paris, les déclarations de quelques évêques et les assemblées de Sorbonne arrêtèrent tous les projet d’accommodement. L’appel des quatre évêques de Montpellier, Senez. Boulogne et Mirepoix, le 1 er mars 1717, enregistré le 3 mars, et l’appel de la Sorbonne elle-même rendit tout accord impossible. Des trou blés éclatèrent dans quelques diocèses ; à Reims, Paris, Soissons, Auxcrre. Montpellier, Boulogne. Senez. Cependant le pape écrivit à Noailles le 25 mars, pour le supplier de faire cesser les divisions et d’offrir l’exemple de la soumission ; mais Noailles, loin d’écouter ces conseils, préparait, en secret, son propre appel, qu’il publia le 3 avril.

Pour arrêter les disputes, le régent fil signer par le roi la déclaration du 7 octobre 1717. qui imposait silence à tous les partis, Cependant le calme ne fut qu’apparent : les libelles se multiplièrent sous forme d’apologies, de réflexions, d’observations, de remarques, de critiques. I.es cardinaux de Rohan et de Bissj firent de vains efforts pour retenir leurs amis acceptant fl, qui étaient indignés de la conduite du cardinal